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Disparition forcée de Monsieur Vianney Minani.

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« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Monsieur Vianney MINANI, militant du parti FNLintrouvable depuis son enlèvement survenu en date du 27 juin 2016 à Maramvya en commune Mutimbuzi ».

Dans le cadre de sa « Campagne Ndondeza contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a reçu des témoignages et des informations sur la disparition forcée de Monsieur Vianney MINANI, militant du parti FNL (Aile d’Agathon Rwasa), illégalement arrêté par des miliciens Imbonerakure en Maramvya en commune Mutimbuzi le 27 juin 2016. Alors qu’il se rendait au travail, Vianney MINANI est tombé dans un guet-apens de miliciens Imbonerakure et il a été attrapé à Maramvya alors qu’il tentait de se sauver. Ancien combattant des FNL, il avait été très actif dans les manifestations contre le troisième mandat du Président Nkurunziza en 2015 et vivait sous la surveillance constante du SNR et des Imbonerakure. Depuis son arrestation sous forme d’enlèvement, Vianney MINANI n’a jamais été retrouvé, les personnes qui se sont investies dans la recherche de la victime ont été à leur tour menacées par le SNR, une a d’ailleurs été victime d’une disparition forcée quelques mois seulement après Vianney MINANI. Les organes de l’Etat sont restés inactifs et muets sur le cas.

A. Identité de la victime.

  1. Fils de François BWAMPAMYE et de Christine NTAMUBANO, Vianney MINANI est né en 1988 dans la zone Rubirizi de la commune Mutimbuzi, en province de Bujumbura à l’ouest du Burundi. Marié depuis 2010, Vianney Minani a laissé une femme et 4 enfants à bas âge au moment de sa disparition forcée.
  2. La guerre civile qui faisait rage dans le pays en 2002, plus particulièrement dans la province de Bujumbura dit rural, contraignit Vianney MINANI à abandonner l’école alors qu’il venait de terminer sa première année du cycle secondaire. C’est ainsi qu’il intégra la rébellion du Palipehutu-FNL à l’âge de 14 ans. Il combattra dans les rangs de ce mouvement jusqu’à la signature des accords de cessez-le-feu avec le gouvernement du Burundi en décembre 2008 et sera démobilisé en 2009. Vianney MINANI travaillait depuis 2014 dans un centre éducatif des jeunes situé au site Sabe (zone Ngagara), non loin de la Société Industrielle Pharmaceutique (SIPHAR).  

B. Appartenance politique de la victime.

3. En 2002, alors que les négociations entre la rébellion du CNDD-FDD et le gouvernement d’alors marquaient des progrès, le Palipehutu-FNL s’est senti exclu et l’a manifesté par une offensive très virulente sur les plans militaire et idéologique. La province de Bujumbura (rural) présentait un double avantage d’être tout près de la capitale et à la frontière de la République Démocratique du Congo, une base arrière hautement stratégique. C’est dans ce contexte que Vianney MINANI, comme bon nombre d’autres jeunes hutu, abandonna l’uniforme scolaire pour l’uniforme militaire.

4. Vianney MINANI restera dans la rébellion des Forces Nationales de Libération jusqu’à la signature des accords de cessez-le-feu en 2008 et à sa démobilisation en 2009 car, selon ses anciens compagnons de lutte, il n’aurait pas souhaité intégrer l’armée ou la police nationales. Retourné dans la vie civile, Vianney MINANI est resté un irréductible de l’idéologie de son parti FNL et il était membre très actif de l’association des démobilisés de cet ancien mouvement rebelle en commune Mutimbuzi.

5. En 2015, Vianney MINANI a été particulièrement actif dans les manifestations pacifiques contre le 3ème mandat du Président NKURUNZIZA où il a apporté un appui organisationnel et moral très remarquable aux manifestants des zones urbaines de Cibitoke, Ngagara et Nyakabiga. Ayant été très visible dans les manifestations et sur les clichés et images largement partagés sur les réseaux sociaux, sites d’informations et télévisions, l’après-manifestation ne sera pas du tout tendre pour Vianney MINANI comme ce fut d’ailleurs le cas pour la quasi-totalité des manifestants anti-troisième mandat. Vianney MINANI était en permanence surveillé par le Service National de Renseignement (SNR) et les miliciens imbonerakure de sa localité.

C. Circonstances de l’arrestation et de la disparition de Vianney MINANI.

D’emblée, il importe de souligner la difficulté que nous avons éprouvé à déterminer la date exacte de la disparition forcée de Vianney MINANI. Selon des proches de la victime, Vianney MINANI a été enlevé le 17 février 2016. Selon une personnalité qui s’est impliquée dans la recherche de la victime, Vianney MINANI a été enlevé le 27 juin 2016. Cette différence s’explique par la longue période de trois ans qui sépare la date de l’enlèvement et celle du début de nos enquêtes sur le cas. Dans ce dossier, nous avons privilégié la date fournie par les personnes impliquées dans la recherche de la victime étant entendu qu’elles avaient pris des notes à propos des démarches menées. Seule une commission indépendante d’enquête serait mieux indiquée pour fixer la date exacte de l’enlèvement. 

6. Le récit de la disparition de Vianney MINANI est un cas très illustratif de l’implication directe des miliciens imbonerakure dans les crimes commis contre les opposants au régime de Pierre NKURUNZIZA ; ceux de la zone Maramvya de la commune de Mutimbuzi étant particulièrement zélés. A partir des informations et témoignages recueillis sur la disparition forcée de Vianney MINANI, il s’est dégagé trois versions : une version des camarades du parti, une version des témoins de l’arrestation et enfin celle d’un des présumés auteurs aujourd’hui en exil. La Campagne NDONDEZA juge pertinent de publier toutes les trois versions.

C.1. Première version.

7. Se sachant menacé et constamment sous la surveillance des miliciens imbonerakure, Vianney MINANI a pu dominer la peur et est resté à Rubirizi tout en continuant son travail à Sabe. Comme d’habitude, le matin du 27 juin 2016, Vianney MINANI a pris son vélo pour se rendre au travail à Sabe. En cours de chemin, arrivé à la première avenue du quartier Carama sur la route menant à l’aéroport de Bujumbura, il fut intercepté par un véhicule Toyota double cabine qui lui barra le chemin. Sans chercher à identifier les occupants du véhicule, Vianney a immédiatement compris qu’il était la cible d’une embuscade, abandonna son vélo et s’engagea dans une course folle dans les marécages rizicoles en direction de Maramvya (une autre zone de la commune Mutimbuzi).

8. Des miliciens imbonerakure se sont lancés à sa poursuite. Le plus connu d’entre eux serait le nommé Jean-de Dieu NDIKUMANA, miliciende Rubirizi. C’est également ce dernier qui aurait filé Vianney MINANI ce matin-là depuis Rubirizi jusqu’à Carama et qui aurait été en liaison téléphonique permanente avec les imbonerakure de la barrière de Carama.

9. Arrivé à Maramvya, à l’endroit appelé « Kw’Isamariro ya kabiri » non loin des polders rizicoles de Bugoma, Vianney MINANI aurait croisé un autre groupe d’imbonerakure dont un certain Alexis SABUKUNKIZA plus connu sous le surnom de « Isabu ». Celui-ci est un démobilisé des FNL, donc un ancien frère d’armes de Vianney MINANI mais converti en milicien imbonerakure. Espérant de lui du secours, Vianney a raconté à « Isabu » sa mésaventure et lui a confié son badge de service, sa carte nationale d’identité ainsi que son 2ème appareil téléphonique parce que le premier, un smartphone, avait été perdu dans la fuite. Isabu ne lui aurait apporté aucun secours parce qu’immédiatement, selon la source de la campagne Ndondeza, auraient surgi des miliciens à sa poursuite à savoir Jean-de Dieu NDIKUMANA, Ibrahim BIZIMANA alias MAFYERI, SHIMWE et un autre de Rubirizi dont notre source ignore le nom. Les miliciens auraient ligoté Vianney MINANI et auraient téléphoné deux motos-taxi qui les ont rejoints sur place. Vianney MINANI aurait été embarqué sur une des deux motocyclettes et serait parti bien encadré sur la même moto par Mafyeri et Jean-de Dieu, SHIMWE et l’autre milicien de Rubirizi seraient partis jonchés sur la 2ème motocyclette. Notre source n’a pas pu connaitre le lieu où Vianney MINANI aurait été conduit.

C.2. Seconde version.

10. Il s’agit d’un témoignage livré par un habitant de Maramvya qui affirme avoir vu Vianney MINANI fuir ses bourreaux et se faire attraper par des imbonerakure lorsque ce témoin oculaire travaillait dans un champ de riz : « Je travaillais dans un champ de riz dans la localité de Bugoma et nous avons entendu des gens qui criaient : « Arrêtez-le ! Arrêtez-le », il était pourchassé par cinq hommes en tout. Vianney MINANI est alors arrivé près de nous, il nous a dit « ces hommes veulent me tuer » et puis il a continué sa fuite. Lorsqu’il est arrivé à la 15ème Transversale sur le pont de la rivière Kivogero, il les avait vraiment échappés, mais malheureusement il fut arrêté et battu par trois imbonerakure : Alexis SABUKUNKIZA alias Isabu, NZANYWENIMANA Ezéchiel dit Nzanywe et NDUWAYO Emmanuel alias Fureshi qui l’accusaient d’être voleur de motocyclette ; c’était tout près d’une unité artisanale d’extraction de l’huile de palme, nous assistions à cette scène macabre. Nous avons entendu Vianney dire à Isabu « Ariko Isabu, ntuzi ko twagendanye ! ». (Traduction : Toi Isabu, tu oublies vraiment qu’on a été ensemble sur le champ de bataille).

12. C’est ainsi que les 5 hommes qui le poursuivaient sont arrivés et lui ont dit : « Tu vois comment tu nous fais suer ? Tu as de la chance qu’on t’attrape dans un endroit où il y a des passants, sinon nous allions t’exécuter sur place ». Ils ont appelé deux motos-taxi, ils ont monté à bord avec Vianney. Juste après leur départ, Mafyeri est arrivé en courant à l’endroit où Vianney avait été arrêté et il a demandé : « L’ont-ils arrêté ?», personne n’a répondu, puis il a fait un appel téléphonique, très probablement à ceux qui emmenaient Vianney, et nous l’avons entendu dire : c’est très bien. C’est-à-dire qu’ici à Maramvya et Rubirizi, les commanditaires de tous les crimes sont Elysée le secrétaire communal du parti CNDD-FDD, Jean-Paul NDIKUMANA, directeur du lycée communal de Mutimbuzi ainsi que la députée Saûda MBONEKO. Ils sont les présumés commanditaires de l’arrestation de Vianney MINANI. Cette députée Saûda se comporte comme un chien enragé ici chez-nous. »  

C.3. Troisième version : Témoignage de « Isabu ».

13. Dans les deux versions précédentes, le nom d’Alexis SABUKUNKIZA alias Isabu est évoqué plusieurs fois comme un des auteurs de la disparition de Vianney MINANI. Le FOCODE a pu joindre l’intéressé (actuellement réfugié en Afrique du Sud) et voici sa version des faits : 

« Je me rendais dans mon champ de riz à Bugoma. Quand je suis arrivé au pont de la rivière Kivogero se trouvant à la 15ème Transversale, tout près d’une unité artisanale d’extraction de l’huile de palme (iyengero ry’ibigazi), j’ai trouvé une personne que j’ai pas reconnue, qui se faisait battre par NZANYWE[1] et FURESHI[2], deux militants du CNDD-FDD que je connaissais bien. Comme j’étais le No 4 du conseil de colline, j’ai demandé pourquoi ils frappaient le jeune homme. Ils m’ont rétorqué que c’était un voleur de motocyclette. J’ai demandé où était la moto volée, ils ont dit : « Il a été poursuivi depuis Carama, voilà ceux qui sont à sa trousse, ils arrivent ». Vianney croyait que je pouvais lui venir en aide et peut-être avoir la vie sauve et il m’a dit « Je ne suis pas voleur, je suis plutôt victime de mon appartenance au parti FNL[3], voici même mon badge de service et ma pièce d’identité. »Quoiqu’on ait combattu ensemble dans le maquis, je ne connaissais pas Vianney. Il était natif de Rubirizi, moi de Maramvya. J’ai donc caché ses pièces d’identité dans ma poche parce que ses poursuivants arrivaient en courant. C’étaient deux hommes, l’un portant un short et un képi militaires et l’autre un pantalon civil et un chapeau couvrant presque tout le visage et ils avaient tous des pistolets. Je ne les ai pas reconnus, j’ai simplement entendu qu’ils étaient des imbonerakure de Carama opérant à la « barrière ». Vianney avait abandonné son vélo à Carama et il avait couru jusqu’à Bugoma dans Maramvya. A leur arrivée ils dirent à Vianney : « Tu as vraiment de la chance que tu sois arrêté dans un endroit où il y a des passants, sinon nous t’aurions achevé là-bas dans la bananeraie. »Ils ligotèrent Vianney et ils appelèrent deux motos-taxi. Ces derniers n’ont pas tardé à venir et Vianney fut emmené sur l’une d’elles sans que personne ne puisse intervenir. Ils brandissaient leurs armes à feu sans complexe, ce qui me fit croire qu’ils les détenaient officiellement. Mafyeri est arrivé après que Vianney ait été embarqué. Il a alors demandé qui était la personne arrêtée et quel était le motif de son arrestation, les personnes encore présentes là-bas lui ont répondu qu’il était accusé d’être voleur de moto mais que ce dernier protestait vigoureusement en disant qu’il était plutôt militant du parti FNL. Mafyeri est alors rentré chez lui. Malgré cela, j’ai pensé qu’il était en contact avec eux au téléphone, le fait qu’il n’est pas arrivé avec eux en courant était peut-être une astuce pour ne pas apparaitre comme complice sinon responsable de ce kidnapping parce que Mafyeri était très connu à Maramvya.

14. « Après leur départ je me suis dit : comme cette personne arrêtée dit que c’est un militant du parti FNL, il faut que je cherche le responsable communal de ce parti afin qu’il suive le cas avant qu’il ne soit trop tard. C’est ainsi que j’ai abandonné d’aller au champ, je suis retourné au village et j’ai trouvé un certain Gérard MUNTUMUBI, alors No 2 du parti FNL dans la commune de Mutimbuzi. Je lui ai dit qu’il y avait une personne qu’on venait d’arrêter et qui disait qu’il était membre des FNL. Il m’a dit qu’il venait de voir deux motos emmenant un homme ligoté. Je lui ai alors donné le badge et la carte d’identité et il a effectivement reconnu Vianney MINANI. Il a promis d’appeler le responsable communal du parti FNL, un certain Amatus NSHIMIRIMANA[4], afin qu’il puisse intervenir autant que possible. Mon intervention comme élu collinaire se limitait là et j’en étais fier.

15. « Quelques jours plus tard, j’ai informé l’administrateur communal de Mutimbuzi M. Damien BARINDAMBI sur le cas, parce que j’étais son chauffeur. Il m’a demandé : « Connais-tu l’identité de la personne arrêtée ? » J’ai dit non. « Connais-tu l’identité de ceux qui l’ont emmenée ?» J’ai dit non. Il a dit qu’il avait déjà entendu parler du dossier et donc qu’il fallait laisser tomber l’affaire.

16. « Je me rappelle aussi avoir demandé à Gérard MUNTUMUBI s’ils avaient pu trouver Vianney MINANI, il m’a répondu par la négative.

17. « Un jour j’étais au ministère ayant l’aménagement du territoire dans ses attributions, j’y avais conduit l’administrateur communal, j’ai reçu un appel téléphonique de quelqu’un se présentant comme un avocat. Il demandait à me rencontrer parce qu’il avait besoin des informations de Maramvya, disait-il. Je lui ai dit de me rejoindre là où j’étais, il est venu en compagnie d’autres personnes et je leur ai tout raconté. L’avocat m’a dit que la raison pour laquelle il a voulu me parler c’était parce qu’il avait entendu que j’étais sur les lieux lorsque Vianney MINANI fut enlevé. J’ai répondu que c’était vrai sauf que je n’ai pas connu les personnes qui l’ont enlevé.

18. « Quand ils sont repartis, l’administrateur communal est sorti des bureaux du ministère et m’a demandé ce que l’avocat et ses compagnons voulaient de moi. Je lui ai répondu que c’était à propos de l’affaire de la personne disparue. L’administrateur m’a alors mis en garde en ces termes : « Gare à toi. Tu aurais dû leur dire que tu ne sais rien de cette affaire. Même si tu dis que tu n’y es pour rien, tu risques de comparaitre même au Service National de Renseignement. »

19. « La mise en garde de l’administrateur communal n’a pas tardé à se concrétiser. Un certain après-midi, j’étais dans la cour du bureau de la commune Mutimbuzi, Ibrahim BIZIMANA alias Mafyeri s’est approché de moi pour me dire : « Cette personne-là te cherche. » C’était le responsable communal du SNR mais je ne le connaissais pas. Je l’ai rejoint dans son bureau, Mafyeri est entré après moi et il a bloqué la porte. Ce responsable du SNR m’a dit : « Tu es en état d’arrestation, voici le mandat ». J’ai cherché à savoir les charges retenues contre moi, mais ni lui ni Mafyeri personne n’a pu me les communiquer, ils disaient qu’ils ne les savaient pas.

20. « J’ai été conduit au QG du SNR où on m’a posé des questions sur l’identité de ceux qui avaient arrêté Vianney MINANI. J’ai dit que je ne les connaissais pas et ils ont répliqué : « Donc tu as crié secours au profit d’une personne que tu ne connaissais pas ? »  KAZUNGU[5] est entré dans ma cellule et m’a demandé pourquoi j’étais là, j’ai dit que je ne savais pas, que j’avais seulement alerté au profit d’une personne qui avait été enlevée. « Et comme ça tu te crois innocent ! » J’ai dit que je ne me sentais coupable de rien et il m’a lancé « Gahanga wishwe n’iki ? ». Par ces mots, j’ai eu peur.

21. « J’ai passé deux semaines en prison et quand j’ai été libéré, j’ai pris la décision de fuir le pays parce que j’ai eu écho d’un plan visant mon assassinat, concocté par les imbonerakure Mafyeri, Shimwe, Muzeheka et bien d’autres, craignant que je pourrais dévoiler leurs crimes. J’ai quitté le pays au mois de juin et je suis en Afrique du Sud. »

Témoignage d’Alexis Sabukunkiza alias Isabu
Témoignage Isabu 2

C.4. Quelques éléments de synthèse sur les trois versions

22. Même si les trois versions ont des éléments de différence, ce qui peut s’expliquer après trois ans de la survenance des faits, il existe aussi d’importants points de convergence desquels on peut dégager les circonstances de l’enlèvement de Vianney MINANI.

23. Les trois versions convergent sur le fait que Vianney MINANI est venu à Maramvya en courant, poursuivi par des miliciens imbonerakure. Elles convergent également qu’il a été attrapé sur le pont de la rivière Kivogero sur la 15ème transerversale, tout près des champs rizicoles de Bugoba à Maramvya. Vianney MINANI a laissé ses pièces d’identité à Alexis SABUKUNKIZA alias ISABU, ancien combattant des FNL et à ce moment chauffeur de l’administrateur de Mutimbuzi. Les versions convergent sur le fait que Vianney MINANI a été emmené sur une moto par des imbonerakure. Elles renseignent également sur l’identité de certains responsables du FNL impliqués dans la recherche de la victime et sur les menaces qui ont pesé sur toute personne qui a tenté de retrouver Vianney MINANI. Alexis SABUKUNKIZA a été emprisonné deux semaines au SNR pour avoir osé témoigner sur le cas, Amatus NSHIMIRIMANA a été enlevé quelques mois plus tard et est depuis plus de trois ans porté disparu à son tour.

D. Les présumés responsables de la disparition de Vianney MINANI.

24. Selon les témoignages des uns et des autres sur ce dossier, il y a deux catégories de présumés auteurs :

  • Les commanditaires qui seraient constitués par le secrétaire communal du parti CNDD-FDD, le prénommé Elysée, le directeur du lycée communal de Mutimbuzi M. Jean-paul NDIKUMANA et la tristement célèbre Saûda MBONEKO, députée élue dans la circonscription de Bujumbura et native de Mutimbuzi, souvent citée comme étant à l’origine des crimes commis par les miliciens imbonerakure dans la commune Mutimbuzi ;

Les exécutants constitués par des miliciens imbonerakure du CNDD-FDD dont Mafyeri serait le leader. Il s’agit de Ibrahim BIZIMANA connu sous le sobriquet de Mafyeri, Jean-de Dieu NDIKUMANA, Emmanuel NDUWIMANA alias Fureshi, Ezéchiel NZANYWENIMANA alias Nzanywe et SHIMWE. C’est ce groupe qui aurait filé, arrêté, torturé et livré Vianney MINANI à ceux qui l’ont emmené vers une destination restée inconnue jusqu’à présent. Selon SOS-Torture dans son rapport No 63, Vianney MINANI a été livré à des agents du SNR : 

« Des individus en civil ont arrêté Vianney Minani à Mutimbuzi, province Bujumbura (quelques kilomètres au nord-ouest de Bujumbura) le 17 février 2017. Cet homme venait de quitter son habitation dans la zone Rubirizi. Des témoins rapportent que les personnes qui ont mené l’arrestation sont des miliciens imbonerakure du parti au pouvoir CNDD-FDD. SOS-Torture Burundi craint une nouvelle disparition forcée avec menace d’exécution puisque M. Minani a été remis à des agents du service national des renseignements (SNR) qui n’ont pas communiqué son lieu de détention. Le SNR doit indiquer à la famille où se trouve Vianney Minani ainsi que les mobiles derrières cette arrestation. SOS Torture la considère par ailleurs comme illégale puisqu’elle a été menée par des miliciens qui n’ont pas les prérogatives d’arrêter des personnes, mais qui se substituent progressivement aux forces de l’ordre depuis le début de la crise »[6]

L’emprisonnement d’Alexis SABUKUNKIZA alias Isabu au SNR constitue un argument de taille sur la responsabilité de cette police présidentielle dans cette disparition.

  • L’administrateur d’alors de la commune Mutimbuzi M. Damien BARINDAMBI, de par son comportement complice et irresponsable, se rendrait coupable de ne pas avoir poursuivi le dossier de disparition d’un citoyen de sa commune et d’avoir essayé de convaincre son chauffeur de ne plus parler de la disparition de Vianney MINANI. Avait-il peur lui aussi ou voulait-il simplement couvrir les auteurs du crime ?

E. Efforts consentis pour retrouver Vianney MINANI.

25. Vianney MINANI a disparu à une période cruellement sombre, un moment où la répression contre les opposants au régime du président NKURUNZIZA battait son plein. Les recherches étaient quasiment impossibles. Malgré ce climat sécuritaire assez délétère, certains proches et membres de sa famille politique ont cherché Vianney MINANI dans certains lieux de détention mais sans succès. Le responsable du parti FNL dans la commune de Mutimbuzi M. Amatus NSHIMIRIMANA s’est particulièrement investi dans l’enquête sur ce dossier. Epaulé par un député élu dans la circonscription de la Mairie de Bujumbura, Amatus NSHIMIRIMANA avait engagé un avocat pour fixer l’affaire devant la justice. Amatus NSHIMIRIMANA, conseiller communal de Mutimbuzi, sera lui-même victime de disparition forcée, en partie à cause de son engagement à traduire en justice les présumés auteurs de la disparition de Vianney MINANI. Malheureusement, aucune enquête ne sera menée par la justice burundaise sur le sort de Vianney MINANI.

F. Prise de position et recommandations du FOCODE

  1. Le FOCODE condamne l’enlèvement suivi dela disparition forcée de Monsieur Vianney MINANI, militant du parti FNL illégalement arrêté par des miliciens Imbonerakure le 27 juin 2016 à Maramvya en commune Mutimbuzi ; 
  2. Le FOCODE condamne les menaces, le harcèlement et les crimes commis contre les personnes qui se sont impliquées dans la recherche de Monsieur Vianney MINANI après son enlèvement ;
  3. Le FOCODE demande une enquête indépendante sur la disparition forcée de Monsieur Viannet MINANI ainsi qu’une enquête globale sur les nombreux crimes imputés aux miliciens Imbonerakure de la zone Maramvya en commune Mutimbuzi depuis 2015 ;
  4. Le FOCODE condamne le silence et l’inaction de l’administration communale de Mutimbuzi, de la police et de la justice burundaise après la disparition forcée de Vianney MINANI, ce qui est d’ailleurs le cas dans la quasi-totalité des cas de disparitions forcées depuis 2015 ;
  5. Le FOCODE condamne pour la nième fois les crimes commis en toute impunité par la milice Imbonerakure depuis plusieurs années, demande la traduction en justice de ses responsables et la dissolution de cette milice criminelle ;
  6. Le FOCODE condamne une fois la persistance des lieux de détention secrète coordonnés par le service de la sécurité intérieure au sein du Service National de Renseignement (SNR) ;
  7. Le FOCODE réitère enfin sa demande à la Cour Pénale Internationale d’enquêter  profondément sur le phénomène des disparitions forcées devenu récurrent au Burundi et l’engagement des poursuites contre leurs auteurs présumés.          

[1] C’est le surnom de NZANYWENIMANA Ezéchiel

[2] Surnom d’Emmanuel NDUWAYO

[3] FNL, aile dirigée par Agathon RWASA et qui était membre de la Coalition des Indépendants de l’Espoir « Amizero y’Abarundi ». 

[4] A la suite de son rôle dans la recherche de la vérité sur la disparition forcée de Vianney Minani, Amatus Nshimirimana, alors responsable du parti FNL en commune Mutimbuzi et membre du conseil communal de Mutimbuzi, a été enlevé à son tour en février 2017 et reste depuis introuvable.

[5] Kazungu est le sobriquet de l’officier du SNR du nom de Joseph Mathias Niyonzima, cité dans de nombreux crimes dont des cas de disparitions forcées.

[6] RAPPORT N°63 DE SOS-TORTURE/BURUNDI PUBLIE LE 25FEVRIER2017