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Disparition forcée de Nestor Nahimana, ancien militaire burundais

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DECLARATION DU FOCODE n° 015/2018

 

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Monsieur Nestor NAHIMANA, ancien militaire enlevé à Ngozi et porté disparu depuis le 03 juin 2018 ».

Burundi : Les disparitions forcées continuent en 2018 !

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur la disparition forcée de Monsieur Nestor NAHIMANA alias « KIWI », ancien caporal-chef de l’armée burundaise (ex-FAB), introuvable depuis son enlèvement le 03 juin 2018 à Rukeco en commune et province de Ngozi. Selon ses proches, Nestor a répondu à un appel téléphonique puis il s’est rendu à la route principale ; une camionnette aux vitres teintées est venue à sa rencontre et des personnes à bord ont enlevé Nestor NAHIMANA. La camionnette serait du Service National de renseignement (SNR) à Ngozi. Nestor NAHIMANA n’a pas fait signe de vie depuis son enlèvement et les autorités burundaises ne font rien pour retrouver la victime.

Ce dossier NDONDEZA ressemble à beaucoup d’autres cas déjà documentés par la Campagne NDONDEZA : un ancien militaire ou un militaire ex-FAB appelé au téléphone par « un ami », enlevé dès son arrivée sur le lieu du rendez-vous et emmené dans un véhicule aux vitres teintées. Ancien commando du Camp Ngozi, Nestor NAHIMANA était redouté, selon ses proches, comme une personne qui pourra appuyer la rébellion en cas d’attaque. On le soupçonnait de garder des contacts avec des proches en exil qui feraient partie d’un mouvement rebelle.

A. Identité de la victime

  1. Fils de Patrice GIRUKWISHAKA et de Marie NZEYIMANA, Nestor NAHIMANA est né en 1978 à Kavumu, zone Rukeco, commune et province Ngozi. Il est marié et père de deux enfants en très bas âge (6 et 2 ans). Il résidait à Rukeco au moment de sa disparition forcée.
  1. Nestor NAHIMANA est un ancien militaire de l’armée burundaise. Il avait intégré les Forces Armées Burundaises (ex-FAB) en 1997 au moment fort de la guerre civile. Affecté au 4ème Bataillon Commando de Ngozi, il était réputé pour son courage tandis que le bataillon était appelé en renfort partout où la guerre faisait rage. Il a par la suite servi à Ndora en province Cibitoke et à Kayanza. Il est resté dans la nouvelle Force de Défense Nationale (FDN) après l’intégration des anciens mouvements rebelles, mais pour une très courte durée. En 2006, il a été arrêté et à sa libération en 2011 il n’a pas réintégré l’armée. Depuis, il s’occupait de ses champs à Rukeco.
  1. Selon ses proches, Nestor NAHIMANA n’appartenait à aucun parti politique. Mais son passé d’ex-commando FAB créait des soupçons et des peurs à son sujet dans les milieux du parti au pouvoir. On craignait qu’il puisse rejoindre la rébellion ou tout au moins soutenir des rebelles en cas d’attaque. Comme il a des frères ex-FAB en exil, le renseignement le soupçonnait d’être en relation avec des militaires déserteurs considérés comme rebelles.

B. Contexte de la disparition forcée de Monsieur Nestor NAHIMANA.

  1. La disparition de Nestor NAHIMANA a suivi un schéma désormais classique dans les cas documentés par la Campagne NDONDEZA : la victime reçoit un appel téléphonique « d’un ami » qui lui fixe un rendez-vous ; arrivée sur le lieu convenu la victime est cueillie par des éléments du SNR à bord d’un véhicule aux vitres teintées ; la victime est enfin interrogée et détenue dans un lieu secret avant d’être exécutée. Le moment de l’enlèvement de Nestor NAHIMANA ressemble à ce schéma, seule la suite reste inconnue.
  2. Le soir du dimanche 03 juin 2018, Nestor NAHIMANA a reçu sur son téléphone (+257 69 864 589) un appel « d’un ami » qu’il n’a pas dévoilé à ses proches. Il s’est rapidement rendu à la route macadamisée de Rukeco et à son arrivée il a été rapidement kidnappé par des personnes à bord d’une camionnette double cabine aux vitres teintées et sans plaque d’immatriculation selon des témoins. Les proches l’ont cherché par la suite dans tous les cachots de Ngozi mais en vain.
  1. Une source proche du SNR à Ngozi a révélé que Nestor NAHIMANA aurait passé à la résidence du responsable provincial du SNR, Venant MIBURO, qui l’aurait interrogé en présence d’un OPJ dont le nom n’a pas été dévoilé. La campagne NDONDEZA ne peut pas confirmer cette version quoi qu’elle ressemble à d’autres cas de disparitions remarquées dans la province de Ngozi. La plupart des personnes enlevées passeraient par la résidence du chef provincial du SNR pour interrogatoire.
  1. Une deuxième source proche du SNR Ngozi a déclaré que Nestor NAHIMANA aurait été exécuté quelque temps seulement après son interrogatoire. Seule une enquête sérieuse et indépendante pourra déterminer le sort réservé à Nestor NAHIMANA.
  1. Les proches de Nestor NAHIMANA ne savent plus à quel saint se vouer. Aucune autorité ne veut s’exprimer sur cette disparition, la police ne veut pas enquêter pour le retrouver et la justice reste complètement inactive. La famille vit dans la peur des représailles.

N.B. : Le FOCODE avise ceux qui voudront utiliser d’une manière ou d’une autre les données de cette enquête qu’une partie d’informations a été gardée confidentielle afin de tenter de protéger les sources ou de préserver l’intégrité des différentes preuves qui pourront être utiles aux instances judiciaires ou autres qui pourront traiter le dossier. Ces informations pourront être livrées, sur requête, à tout organe d’enquête jugé indépendant ou toute autre source jugée appropriée à recevoir de telles informations.

C. Recommandations et prise de position.

  1. Le FOCODE condamne la disparition forcée de Monsieur Nestor NAHIMANA, le silence des autorités burundaises sur ce crime grave ainsi que l’inaction de la justice burundaise dans la quasi-totalité des cas de disparition forcée et d’exécutions extrajudiciaires des membres de l’opposition politique ou des personnes perçues comme tel par le régime de Pierre NKURUNZIZA ;
  2. Le FOCODE condamne les arrestations aux allures d’enlèvements opérées par la police et le SNR en connivence avec les miliciens Imbonerakure ainsi que l’absence de communication par la police sur l’identité des personnes arrêtées ainsi que les lieux de détention, un comportement qui malheureusement facilite la disparition forcée des détenus ;
  3. Le FOCODE condamne la persistance de multiples actes d’atteinte graves aux droits fondamentaux perpétrés par des agents du SNR, la persistance du phénomène des disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires ainsi que la totale impunité garantie aux éléments égarés des corps de défense et de sécurité impliqués dans des actes de disparition forcée ;
  4. Le FOCODE demande une enquête indépendante sur l’enlèvement suivi de disparition forcée de Nestor NAHIMANA ainsi que la traduction en justice de toute personne qui aurait joué un rôle dans cette disparition ;
  5. Le FOCODE demande une enquête spéciale sur les crimes dont le chef sortant du SNR Ngozi, Monsieur Venant MIBURO, se serait rendu coupable dans l’exercice de ses fonctions, son nom étant régulièrement cité dans de nombreux cas de disparitions forcées, d’assassinats ou d’exécutions extra-judiciaires dans la province ;
  6. Le FOCODE demande à la population burundaise de redoubler de vigilance et d’éviter de répondre aux rendez-vous téléphoniques de personnes inconnues et de briser la peur pour alerter quand on est témoin d’acte de violation des droits des citoyens ;
  7. Le FOCODE réitère sa demande à la Cour Pénale Internationale d’enquêter  profondément sur le phénomène des disparitions forcées devenu récurrent au Burundi et l’engagement des poursuites contre leurs auteurs présumés.