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Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée des jumeaux BUKURU SHABANI et BUTOYI SHABANI introuvables depuis le 27 Novembre 2016

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DECLARATION DU FOCODE n° 001/2017  DU 16 Février 2017

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée des jumeaux BUKURU SHABANI et BUTOYI SHABANI  introuvables depuis le 27 Novembre 2016  ».

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur la disparition forcée de deux frères jumeaux BUKURU SHABANI et BUTOYI SHABANI introuvables depuis leur enlèvement par des éléments en tenue de la police API[1],  dans la soirée du 27 novembre 2016 en mairie de Bujumbura.

Ce 16ème dossier de la Campagne NDONDEZA est une preuve irréfutable que le phénomène des disparitions forcées continue en dépit des dénégations des autorités burundaises qui, au lieu d’enquêter et de sanctionner les auteurs de ces crimes, se contentent d’accuser les défenseurs de droits humains de propager des rumeurs. C’est la première fois que la « Campagne NDONDEZA » traite un dossier de disparition forcée de deux frères au même moment, une situation qui souligne le degré du chagrin des familles des victimes. Mais le FOCODE est au courant de plusieurs autres cas des membres de familles disparus au même moment ; ils feront objet de publications ultérieures.

A. Identification des victimes

  1. Fils de feu Hussein SHABANI et d’Ashura MABETE, les deux frères jumeaux Bukuru SHABANI et Butoyi SHABANI sont nés le 21 juillet 1987 à la 15ème avenue de la zone urbaine de Buyenzi en Mairie de Bujumbura.
  2. Bukuru SHABANI est un employé d’une agence de livraison des courriers FEDEX dont le patron est en exil. Butoyi SHABANI n’a pas d’emploi.
  3. Selon leurs proches, Bukuru et Butoyi SHABANI ne faisaient partie d’aucun parti politique. Leurs voisins sont unanimes : c’était des garçons paisibles qui faisaient la fierté de leur famille. Une jeune fille de la 13ème avenue a témoigné : « Hawana noma na mtuu kabisa » (ils n’avaient de conflit avec personne). La zone Buyenzi a été très peu active dans les manifestations contre le troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza mais les habitants se plaignent d’une surveillance sans précédent et des actions de répression par le régime Nkurunziza. La nuit, des miliciens Imbonerakure contrôlent certaines avenues depuis le 13 octobre 2016 ; le jour, des éléments de la Brigade Anti-Emeutes font des tours dans la zone. Des ménages se plaignent enfin d’être contraints de s’acquitter mensuellement d’une somme de mille francs burundais pour la sécurité du quartier, une somme qui serait destinée à payer ces imbonerakure.

B. Contexte de la disparition forcées des jumeaux Bukuru et Butoyi SHABANI

  1. Les deux jumeaux, Bukuru et Butoyi SHABANI, ont été enlevés presque au même moment mais à des endroits différents, dans la soirée du 27 novembre 2016.
  1. Selon des informations recueillies par le FOCODE, Butoyi SHABANI était dans un bar situé au quartier Bwiza (6ème avenue n°12) tout près des bureaux de la Mairie de Bujumbura communément appelés « Au Bon accueil ». Vers 18h45, un certain Anzuruni, un des amis qui partageaient un verre avec lui, est sorti pour répondre à un appel téléphonique. Juste après, une voiture Toyota TI immatriculée H8621A est arrivée et une personne armée en tenue de la police API en est sortie pour embarquer Butoyi SHABANI vers une destination jusqu’ici inconnue. Les amis qui venaient d’assister impuissamment à cet enlèvement ont rapidement lancé une alerte. La famille a ainsi appris l’enlèvement de Butoyi SHABANI via des réseaux sociaux.
  1. Une heure après l’enlèvement de Butoyi, son frère Bukuru SHABANI a reçu un appel d’un ami, Patrick CIZA alias Edmond, connu comme un informateur du Service National de Renseignement (SNR) qui l’invitait à le rejoindre à l’Hôtel AGASARO sis à Rohero près du Stade Prince Louis Rwagasore, non loin de la Présidence de la République. Selon des informations recueillies auprès des proches de Bukuru SHABANI, Patrick CIZA l’attendait à l’hôtel en compagnie de la petite amie de Bukuru. Après un moment de discussion entre amis, Patrick CIZA aurait demandé à Bukuru SHABANI de l’accompagner dehors pour voir un ami. La jeune fille serait restée seule et aurait gardé le téléphone de Bukuru SHABANI en espérant le retour rapide des deux amis après leur petit échange. Une voiture attendait Bukuru devant l’hôtel et l’a conduit vers une destination jusqu’ici inconnue. Après un certain moment d’attente, la jeune fille aurait commencé à s’inquiéter et aurait appelé Patrick pour s’enquérir de la situation. Ce dernier aurait répondu qu’il n’était plus avec Bukuru et lui aurait suggéré de patienter encore ou de s’arranger pour quitter les lieux. La fille aurait décidé de rentrer immédiatement et aurait informé les amis de Bukuru car elle n’avait pas de contact avec la famille SHABANI. Comptant sur la solidarité des vrais jumeaux, des membres de la famille ont continué à espérer toute la soirée que Bukuru était occupé à rechercher son frère Butoyi car, lui aussi, ne répondait pas au téléphone.
  1. Dès le lundi 28 novembre 2016, la famille a commencé la recherche des deux fils dans tous les cachots de Bujumbura, y compris au Service National de Renseignement, mais en vain. La famille s’est adressée à la police et s’est confiée à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH). La CNIDH a confirmé que les deux jumeaux ne se trouvaient dans aucun cachot officiel du Burundi et a promis de continuer la recherche. La police a rassuré qu’elle continuait les enquêtes, le parquet a ouvert un dossier judiciaire. Patrick Ciza est poursuivi pour complicité d’enlèvement. Cela fera bientôt trois mois : Bukuru et Butoyi SHABANI restent introuvables.
  1. Le FOCODE s’est intéressé au mobile de l’enlèvement des deux frères jumeaux. Selon les informations recueillies par une ONG locale, il y aurait eu une confusion dans un premier temps : Butoyi aurait été arrêté le premier à la place de Bukuru réellement ciblé par le renseignement burundais (SNR). Bukuru travaillait en effet pour FEDEX et était soupçonné d’être resté en contact direct avec son patron en exil et taxé d’ « ennemi du pays » par Bujumbura. Quelque temps avant son arrestation, Bukuru était rentré d’une mission au Kenya, une raison de plus qui aurait aggravé le soupçon du SNR. Par contre la disparition de Butoyi serait dû au souci d’effacer toute trace direct vers les responsables de l’enlèvement.

C. Etrange découverte à Kinindo le 28 décembre 2016

  1. Les habitants de Kinindo, un quartier au Sud de la ville de Bujumbura, ont fait une découverte étrange dans la matinée du 28 décembre 2016 : du sang dans les écoulements d’eaux provenant de la résidence sise au n°76 sur l’Avenue Ntwarante. La résidence appartient à Feu Colonel Laurent NDABANEZE, le père du patron de FEDEX. La résidence est dans les mains de la police nationale qui l’a saisie le 27 novembre 2015 après avoir montré des armes qu’elle y aurait découvertes. Une vidéo[2] de ces écoulements a été largement partagée sur les réseaux sociaux.

  1. De manière très curieuse, le porte-parole de la police a attendu toute une journée pour réagir à la vidéo. Le 29 décembre 2016 à 13h28, Pierre Nkurikiye a publié des images de la même résidence avec des caniveaux très propres, bien nettoyés. Toutefois, au lieu de Kinindo, M. Nkurikiye a parlé de Kinanira avant de nier, comme toujours, l’existence d’un cachot secret. Aucune enquête n’a été annoncée par la police. Comme s’il n’y avait aucun besoin de comprendre cette énorme différence entre les images prises par les voisins de la résidence le 28 décembre 2016 et celles prises par un journaliste du journal gouvernemental Le Renouveau le 29 décembre 2016[3] et reprises par le porte-parole de la police. Qui a tenu à nettoyer aussi impeccablement les caniveaux de cette résidence saisie par la police nationale et que voulait-il cacher ?

La famille Ndabaneze a, de son côté, tenu à réagir au tweet de Pierre Nkurikiye en soulignant particulièrement l’authenticité de la vidéo[4].

  1. La veille de l’enlèvement des jumeaux Bukuru et Butoyi SHABANI, soit le 26 novembre 2016, la famille avait appris qu’il y avait des changements à leur résidence saisie par la police à Kinindo.des activités de nettoyage avaient été organisées à l’intérieur. Et d’aucuns se demandaient si la police voulait faire louer la maison ou y aménager des bureaux. La famille continue à se poser des questions : « la maison a-t-elle été constituée en un cachot secret et lieu de torture ? Bukuru SHABANI a-t-il été détenu et torturé dans cette maison de son patron ? Le sang vu le 28 décembre 2016, était-il de Bukuru et Butoyi SHABANI, d’autres personnes ou d’autres choses ? » Sans une enquête crédible, personne ne saura répondre à ces interrogations.

E. Prise de position et recommandations 

  1. Le FOCODE condamne la disparition forcée des Jumeaux Bukuru SHABANI et Butoyi SHABANI ainsi que l’absence d’une action sérieuse des autorités burundaises en vue de retrouver les traces des deux jumeaux.
  2. LE FOCODE demande à la Police Nationale du Burundi d’enquêter sérieusement et de faire la lumière sur l’origine du sang observé le 28 décembre 2016 dans les écoulements des eaux provenant de la résidence saisie par la police, sise à Kinindo Avenue Ntwarante n°76 et appartenant à la famille de l’employeur de Bukuru SHABANI.
  3. Le FOCODE réitère sa demande aux autorités burundaises de mettre fin au phénomène des disparitions forcées et des détentions secrètes.
  4. Le FOCODE demande à la Cour Pénale Internationale d’ouvrir rapidement l’enquête et de lancer des poursuites contre les auteurs des crimes internationaux en cours au Burundi.
  5. Le FOCODE demande au Conseil de Sécurité des Nations-Unies d’engager sa responsabilité à protéger (R2P) le peuple burundais en danger et de créer rapidement les conditions de mise en œuvre effective de sa résolution 2303.
  6. Le FOCODE réaffirme son plein soutien à la Commission Internationale d’Enquête sur le Burundi mise en place par le Conseil des Droits de l’Homme le 30 septembre 2016 et demande qu’elle soit dotée de tous les moyens (humains, matériels, financiers et sécuritaires) nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
  7. Le FOCODE demande aux Nations-Unies, à l’Union Africaine et aux autres partenaires de cesser d’employer ou de soutenir la participation des troupes burundaises dans les missions de paix tant qu’elle apparaitra comme une récompense à certains criminels et un financement de la répression au Burundi.
  8. Le FOCODE est préoccupé par l’absence d’invitation des organisations de défense de droits de l’homme au processus d’Arusha et note une insensibilité de la Facilitation du dialogue interburundais aux crimes innommables en cours au Burundi.

 Pour le FOCODE ; 

Sé Pacifique NININAHAZWE 

Président 

Visitez #NDONDEZA sur : www.ndondeza.org

Faites un don à #NDONDEZA via : http://ndondeza.org/index.php/don/

[1] API : Appui à la Protection des Institutions (version police de la garde présidentielle)

[2] La vidéo se trouve désormais sur Youtube :  https://www.youtube.com/channel/UCmJOkJy5fvc56KXekWHvsow

[3] https://twitter.com/LeRenouveauBdi/status/814458283612372992

[4] https://twitter.com/pkaze/status/814443559214608384