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Disparition forcée de MM. Alexis NGABONZIZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE

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DECLARATION DU FOCODE n° 003/2017  DU 03 Mars 2017

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de MM. Alexis NGABONZIZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE ; elles doivent aussi mettre fin au système mafieux de prêts usuraires d’argent aux militaires en missions de paix ».

Selon des informations recueillies par le FOCODE dans le cadre de la « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », au moins trois personnes – MM. Alexis NGABONZIZA (38 ans), Ferdinand HAVYARIMANA (29 ans) ainsi que le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE (36 ans) – ont disparu le 06 juillet 2016 aux environs de 14h30 alors qu’elles venaient de signaler qu’elles étaient à l’Etat-Major Général de l’Armée Burundaise (EMG/FDN[1]) où elles avaient rendez-vous avec une informatrice du Service National de Renseignement (SNR), Madame Léa NZEYIMANA.

Ce triple dossier NDONDEZA revêt un caractère particulier. Alors que tous les cas précédents semblent liés à la répression de la contestation contre le troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza ou n’ont pas été justifiés dans leur mobile, celui-ci répond à des intérêts mafieux et économiques. Alexis NGABONZIZA entretenait une sorte de « banque Lambert[2] » et prêtait de l’argent à des militaires burundais désireux de payer des commissions pour figurer sur des listes de participants aux missions de maintien de la paix en Somalie et en République Centrafricaine (AMISOM et MINUSCA). Le rôle d’Alexis NGABONZIZA était encore plus important : non seulement il prêtait aux militaires mais surtout il versait l’argent à la « commissionnaire principale » des hautes autorités militaires impliquées dans ce trafic mafieux et se rassurait que ses clients figuraient sur les listes des candidats retenus. Alexis NGABONZIZA a disparu alors qu’il avait rendez-vous à l’Etat-Major Général de l’Armée avec la « commissionnaire », Madame Léa NZEYIMANA. Il a disparu en même temps que son frère Ferdinand HAVYARIMANA qui l’avait accompagné. Le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE, élément de la Garde Présidentielle BSPI[3] et ami de M. Alexis NGABONZIZA, avait payé une commission pour retourner en mission en Somalie ; il a disparu alors qu’il répondait à un rendez-vous avec Madame Léa NZEYIMANA à l’EMG/FDN.

Ce dossier révèle et dénonce en fin de compte un vaste système d’exploitation financière des militaires  burundais en missions de paix et la toute-puissance du cercle des personnes impliquées dans cette mafia à la burundaise.

N.B : Des informations ont indiqué que deux militaires burundais avaient également disparu avec les frères NGABONZIZA et HAVYARIMANA mais le FOCODE n’a pu identifier que le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE.

A. Identité des victimes

  1. Fils de Didace NTIBIMENYA et de Yuniya, Alexis NGABONZIZA est né en 1978 dans la zone urbaine de Kamenge en Marie de Bujumbura. Marié et père de cinq enfants, il était un homme d’affaires et s’occupait principalement du prêt d’argent à des taux d’intérêts mensuels extrêmement élevés (soit 50%). Responsable et très attaché à sa famille, Alexis NGABONZIZA finançait notamment la scolarisation de ses petits frères. Selon ses proches, il ne participait aux activités d’aucun parti politique. Au moment de sa disparition forcée, il résidait à la 5ème avenue du Quartier Gituro, dans la zone urbaine de Kamenge au nord de la ville de Bujumbura.
  1. Fils de Didace NTIBIMENYA et de Monique SIBOMANA (donc demi-frère d’Alexis NGABONZIZA), Ferdinand HAVYARIMANA est né en 1987 sur la colline Kirambi, commune Rusaka en province de Mwaro. Encore célibataire, étudiant à la Faculté des sciences politiques et relations internationales de l’Université Lumière de Bujumbura, Ferdinand HAVYARIMANA a disparu à trois jours seulement de son mariage qui était prévu au 10 juillet 2016. Depuis l’école secondaire, il était un militant actif du parti d’opposition MSD et avait été un moment menacé et traqué après les élections de 2010. Au moment de sa disparition forcée, Ferdinand HAVYARIMANA résidait encore chez son demi-frère Alexis NGABONZIZA et s’apprêtait à déménager à la veille de son mariage.
  1. Fils de Nestor NGAMARARE et de Léonie NTIRORANYA, Jean NDAYIZEYE est né en 1980 sur la Colline Kagoma, Commune Vyanda en Province de Bururi. Soldat de l’armée burundaise, matricule 51298, le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE servait comme secrétaire dans l’administration de la Brigade Spéciale pour la Protection des Institutions BSPI. Avant son affectation à la BSPI, il avait longtemps appartenu au Camp Kayanza et avait déjà servi dans la mission africaine de paix en Somalie (AMISOM). Marié, Jean NDAYIZEYE est père d’un enfant de quelques mois. La résidence de son foyer est au chef-lieu de la Province de Bururi au sud du Burundi.
  1. La disparition forcée d’Alexis NGABONZIZA, de Ferdinand HAVYARIMANA et de Jean NDAYIZEYE a été un coup terrible pour leurs familles. Alexis NGABONZIZA a laissé une femme sans emploi et cinq enfants. La fiancée de Ferdinand HAVYARIMANA, elle aussi encore étudiante, a mis au monde quelques mois après la disparition forcée de son fiancé. Jean NDAYIZEYE a disparu alors que son épouse se trouvait encore à l’Hôpital de Bururi où elle venait de donner naissance à leur premier enfant.

B. De la disparition forcée de MM. Alexis NGABONZIZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE.

  1. Selon des informations recueillies auprès des proches des disparus, le 06 juillet 2016 à 14 heures, Alexis NGABONZIZA a appelé un de ses autres frères et lui a demandé de le rejoindre à l’Etat-Major Général de l’Armée où il était déjà avec Ferdinand HAVYARIMANA. Juste après le rendez-vous à l’EMG/FDN, les trois frères avaient des courses à faire dans le cadre des préparatifs du mariage de Ferdinand HAVYARIMANA qui était prévu trois jours plus tard. Dans la soirée, ils devaient d’ailleurs tenir la dernière réunion du comité de mariage. Les mêmes sources précisent que le troisième frère n’a pas pu les rejoindre à l’EMG/FDN, parce qu’il était occupé par les courses en préparation du mariage de Ferdinand.
  1. A l’EMG/FDN, Alexis NGABONZIZA avait rendez-vous avec Madame Léa NZEYIMANA, une démobilisée du CNDD-FDD connue comme informatrice du SNR et résidant dans la zone urbaine de Kamenge. Selon les informations à la disposition du FOCODE, Léa NZEYIMANA est citée comme « commissionnaire » d’une « haute autorité » à l’EMG/FDN dans le payement des pots-de-vin des militaires désirant se rendre dans les missions de paix de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) ou des Nations-Unies en République Centrafricaine (MINUSCA). M. Alexis NGABONZIZA prêtait de l’argent aux militaires et leur servait d’intermédiaire en le versant à Mme Léa NZEYIMANA. A des proches, Alexis NGABONZIZA avait confié qu’il avait déjà versé à Léa NZEYIMANA une somme de trente millions de francs burundais (30.000.000 FBU) et avait besoin de se rassurer que ses clients étaient bel et bien inscrits sur la liste qui allait sortir le lendemain.
  1. Le même jour à 14h30 (soit 30 minutes seulement après l’appel d’Alexis NGABONZINZA), le petit frère a tenté d’appeler ses frères à son tour pour discuter d’un détail urgent lié aux préparatifs du mariage de Ferdinand HAVYARIMANA. Curieusement, tous les numéros des deux frères étaient éteints. Comme si les frères qui l’invitaient à les rejoindre à l’EMG/FDN trente minutes plus tôt venaient de se volatiliser dans la nature. Il a cru au déchargement des batteries de leurs téléphones et il a attendu de les rencontrer dans la réunion du soir. Le soir, ils n’étaient pas à la réunion du comité de mariage ; la nuit ils n’ont fait aucun signe de vie. Personne n’a plus entendu parler des deux frères.
  1. Selon ses proches, le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE alors en congé chez lui à Bururi, a reçu un appel téléphonique de Léa NZEYIMANA l’après-midi du 05 juillet 2016 : il devait amener rapidement sa commission pour figurer sur la liste des militaires retenus pour la mission de paix en Somalie. Jean NDAYIZEYE cherchait ainsi à retourner en Somalie quelques semaines seulement après la fin de sa première participation à l’AMISOM. Tôt le matin du 06 juillet 2016, Jean NDAYIZEYE a pris le chemin de Bujumbura ; la dernière personne à l’avoir vu vivant affirme qu’il était devant l’entrée de l’EMG/FDN à 14h30. La famille a tenté de le joindre par téléphone à 15h45, mais sans succès. A partir de 21 heures son téléphone était éteint. Depuis, la famille n’a reçu aucune autre nouvelle du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE. La seule information que la famille détient sur la dame qui avait appelé Jean NDAYIZEYE la veille, c’est qu’il s’agit d’une « dame enceinte nommée Clémentine » qui recevait les commissions pour payer la participation aux missions de paix. Or, comme on le verra dans la suite, Léa NZEYIMANA n’a pas été arrêtée deux jours plus tard parce qu’elle était enceinte et elle se surnomme parfois Clémentine !
  1. Les informations recueillies par le FOCODE indiquent un lien très fort entre Madame Léa NZEYIMANA et les disparus, en l’occurrence M. Alexis NGABONZIZA et le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE. Selon les proches, Alexis NGABONZIZA avaient déjà versé à Léa NZEYIMANA une somme de 30 millions de francs burundais. Ces liens sont également prouvés par la fréquence des appels et messages téléphoniques. Dans la seule journée du 06 juillet 2016, Léa NZEYIMANA a eu 15 contacts téléphoniques avec Alexis NGABONZIZA (13 appels et 2 messages), tandis que la veille ils s’étaient appelés 8 fois. De même, Léa NZEYIMANA entretenait des contacts réguliers et fructueux avec le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE. Du 1er au 06 juillet 2016, il y a eu au moins un appel par jour entre la « démobilisée ex-PMPA et le caporal-chef ex-FAB[4] » dont le tout dernier appel de Jean NDAYIZEYE qui aura duré 29 minutes le 06 juillet à partir de 14h01.
  1. Si tout semble indiquer un lien étroit entre Léa NZEYIMANA et la disparition forcée de MM. Alexis NGABONZINZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE à la veille de la publication d’une liste de militaires retenus pour une mission en Somalie, rien ne permet encore de déterminer le mobile de cette triple disparition forcée. Etait-ce parce que la contrepartie de l’argent versé n’aurait pas été honorée ? Etait-ce pour effacer des traces de ce trafic mafieux par crainte de fuites éventuelles ? Les disparus ont-ils été victimes d’un montage malsain de réseaux concurrents dans le même trafic ? Selon des proches, Alexis NGABONZIZA avait déjà échappé à une première tentative d’assassinat en s’abstenant de répondre personnellement à un rendez-vous similaire de Léa NZEYIMANA. Il aurait reçu plus tard des informations faisant état d’un guet-apens qui lui avait été tendu. Quelques jours avant sa disparition forcée, Alexis NGABONZIZA aurait enfin reçu, selon ses proches, un avertissement d’un ami au SNR qui l’avait prévenu d’un danger imminent : il lui était reproché de « faire transiter sur son compte bancaire des fonds de mouvements rebelles ».

C. La puissante Léa NZEYIMANA !

  1. Léa NZEYIMANA alias « Clémentine », alias « Kirapanze » est une démobilisée du CNDD-FDD très redoutée dans les quartiers Nord de la ville de Bujumbura. Sans emploi fixe, elle est plutôt connue comme une informatrice du SNR. « Si vous êtes dénoncée par Léa, il est très peu de chance d’échapper à la mort » ont martelé deux employés des services secrets burundais qui se sont adressé discrètement au FOCODE. Dans le cadre de la « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », Léa NZEYIMANA avait déjà été citée dans la disparition forcée de trois militaires ex-FAB en mai 2016 : Adjudant Philibert NDUWAMUNGU, Adjudant-major Emmanuel NAHAYO et Caporal NDEREYIMANA[5].

 

 

  1. Dès le lendemain de leur disparition forcée, la famille de MM. Alexis NGABONZIZA et Ferdinand HAVYARIMANA a introduit un avis de recherche à la Police Judiciaire (PJ). Contrairement aux cas précédents, la Police Judiciaire s’est particulièrement impliquée sur ce dossier avant de se voir complètement bloquée par le parquet. Selon les proches des disparus, l’enquête de la PJ a ciblé particulièrement les derniers contacts téléphoniques d’Alexis NGABONZIZA. La grande surprise a été de constater qu’un jour seulement après la disparition des deux frères, le numéro de téléphone qui avait été longuement en contact avec Alexis NGABONZIZA n’était plus fonctionnel ! Il s’agissait du numéro +257 61 434 559 qui ne sera identifié qu’après l’arrestation d’une autre personne en contact téléphonique avec M. NGABONZIZA peu avant sa disparition : il s’agissait d’un chauffeur de l’EMG/FDN surnommé « Wa Rumonge[6]». La bonne collaboration du chauffeur a facilité l’identification du propriétaire du numéro suspect : madame Léa NZEYIMANA alias « Clémentine », alias « Kirapanze ». La fouille de la maison de cette dernière a permis à la PJ de découvrir sept (7) cartes sim inusitées dont celle du numéro +257 61 434 559 ainsi que des bordereaux des versements d’argent de M. Alexis NGABONZIZA au compte de Léa NZEYIMANA. La PJ a tenté d’arrêter ce suspect mais le parquet s’y est opposé en arguant la grossesse de Madame Léa NZEYIMANA. Des mois plus tard, après la naissance de l’enfant, un haut cadre de la PJ s’est de nouveau engagé à poursuivre et arrêter Madame Léa NZEYIMANA avant d’en recevoir une interdiction formelle via un appel téléphonique du Procureur. Depuis, toutes les poursuites se sont estompées : personne n’est poursuivi pour la disparition forcée de MM. Alexis NGABONZIZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE. Dans toute son arrogance, Madame Léa NZEYIMANA aurait lancé à l’OPJ[7] qui instruisait le dossier « tentez vos chances comme vous voulez mais vous n’avez aucun pouvoir de m’arrêter… Je vous aurais averti ! », témoigne un proche des disparus qui assistait à cette séance.
  1. La famille du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE vit dans la peur et n’a même pas tenté de poursuivre les auteurs de sa disparition forcée. Le nom du Caporal-chef ne figure pas dans le dossier à la PJ tout comme celui d’un deuxième militaire qui aurait disparu à la même occasion et dont le FOCODE n’a pas réussi à retrouver le nom.
  1. La force de Madame Léa NZEYIMANA c’est avant tout cette assurance d’impunité dans les crimes où elle est impliquée. Elle n’a jamais été poursuivie pour la disparition forcée des trois militaires enlevés en mai 2016 ; la tentative de la PJ de la poursuivre après la disparition forcée des trois victimes du 06 juillet 2016 a été également vouée à l’échec. Cette force tient également à ses liens avec les services secrets car elle opère en liaison avec des cadres des services de sécurité impliqués dans la répression sanglante contre les opposants au troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Enfin, sa force se manifeste par sa facilité d’entrée dans les services de l’EMG/FDN. Pour rester impunie il faut être couvert par une main forte ; pour influer sur les listes des participants aux missions de paix il faut faire partie d’un groupe puissant opérant à l’EMG/FDN.

D. « Kumena amaso[8]» ou les pratiques d’une mafia installée dans l’armée burundaise !

  1. L’enquête sur la disparition forcée des frères Alexis NGABONZIZA et Ferdinand HAVYARIMANA ainsi que du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE a révélé l’existence, au sein de l’armée burundaise, d’un système d’exploitation financière des militaires participant aux missions de paix pour le compte des Nations-Unies en République Centrafricaine ou de l’Union Africaine en Somalie. En effet, Alexis NGABONZIZA aurait versé 30 millions à la « Commissionnaire » Léa NZEYIMANA et, le 06 juillet 2016, il était à l’EMG/FDN pour vérifier si ses clients étaient retenus pour la prochaine mission en Somalie. De même, le Caporal-chef Jean NDAYIZEYE était à l’EMG/FDN le 06 juillet 2016 sur invitation de Léa NZEYIMANA afin de payer sa « commission » : Jean NDAYIZEYE voulait retourner rapidement en Somalie ! Ce système des endettements exagérés des militaires pour payer la commission afin de participer aux missions de paix a été baptisé « Kumena amaso» ou « crever les yeux ». Un système d’exploitation financière très bien connue de tous les militaires, coordonné à l’EMG/FDN et représenté dans toutes les régions militaires selon des témoignages obtenus des militaires de toutes catégories (officiers, sous-officiers, hommes de troupe). Ce système d’exploitation financière des militaires connait un volet secret et un volet officiel. Il est favorisé par l’opacité dans la désignation des militaires participant aux missions de paix et le retard dans le payement des indemnités.
  1. Selon les témoignages obtenus, un militaire peut payer entre un million et cinq millions de francs burundais (entre 1.000.000 et 5.000.000 BIF) pour obtenir son inscription sur la liste des participants aux missions de paix. Cette commission passe par des « sous-commissionnaires », généralement des caporaux proches de l’administration, installés dans les différentes régions militaires. Comme il est souvent difficile de rassembler d’un coup une telle somme, les militaires font recours à des prêteurs d’argent, civils ou militaires, qui leur appliquent des taux d’intérêts mensuels exorbitants : soit 50% par mois ou le partage d’indemnités mensuelles. Certains militaires ont confié au FOCODE que pour un million emprunté ils remboursent trois millions ou bien que sur sept mois prestés, les indemnités de quatre mois revenaient aux prêteurs d’argent ! Comme dans le cas de M. Alexis NGABONZIZA, les prêteurs d’argent deviennent aussi des intermédiaires entre les militaires et les commissionnaires de hautes autorités de l’armée.
  1. Tous les témoignages obtenus convergent sur le nom d’un officier qui coordonnerait ce système mafieux : le Major Grégoire RIVUZIMANA, officiellement G1-adjoint à l’EMG/FDN et officieusement Aide de camp particulier du Chef EMG/FDN le Lieutenant-Général Prime NIYONGABO. Dans sa fonction officielle de G1-adjoint, le Major Grégoire RIVUZIMANA participe à la gestion des ressources humaines de l’armée burundaise. De manière officieuse, le Chef d’EMG/FDN en a fait son homme de main, son aide de camp qui prépare et l’accompagne dans ses différentes missions. Bien plus, le Major Grégoire RIVUZIMANA est responsable de tout ce qui a trait à la participation aux missions de paix. Tous les militaires interrogés sont unanimes : « les commissionnaires sont au service du Major Grégoire RIVUZIMANA ». Toute la question est donc de savoir si le Chef d’EMG/FDN est au courant et personnellement lié à ce trafic mafieux !
  1. Le volet officiel de l’exploitation financière des militaires passe par des avances sur les indemnités AMISOM ou MINUSCA accordées, au titre de crédits, par la CECAD[9]. Des militaires ont témoigné qu’au cours de leurs rudes formations avant le déploiement dans AMISOM ou MINUSCA, ils avaient manqué de nourriture et qu’ils étaient obligés de prendre un crédit pour se restaurer. Les militaires pensent que la carence de nourriture dans cette période de dures épreuves était organisée sciemment pour pousser les militaires à contracter des crédits. C’est à ce moment qu’ils deviennent la proie facile des prêteurs d’argents à des taux usuraires. D’autres prennent des avances sur les indemnités AMISOM ou MINUSCA auprès de la CECAD. Quoi que la CECAD leur applique un taux d’intérêt normal, les militaires se plaignent qu’elle triche en se faisant payer sur les soldes des militaires quand les indemnités AMISOM et MINUSCA tardent à venir, ce qui est généralement le cas. Ainsi, au retour au Burundi, les militaires retrouvent des familles complètement démunies (parfois des foyers ont été disloqués) puisque la CECAD s’est rabattue sur les soldes qui devaient continuer à faire vivre les familles. Dans nombre de cas, les militaires s’endettent auprès des prêteurs usuraires d’argent pour payer la commission d’inscription sur la liste de participants aux missions de paix et auprès de la CECAD pour avoir des avances sur indemnités. Au retour, ils se retrouvent surendettés auprès des prêteurs usuriers, avec des comptes bancaires vidés par la CECAD et des familles complètement démunies. L’illusion de départ s’est transformée en un véritable cauchemar pour beaucoup de militaires burundais revenant des missions de paix. Ainsi, un petit groupe de militaires de toutes catégories s’enrichit démesurément au détriment d’une majorité exploitée et laissée pour compte.
  1. Avec la disparition forcée de MM. Alexis NGABONZIZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE, cette nouvelle mafia au sein de l’armée burundaise a atteint un autre niveau : non seulement elle exploite les militaires et neutralise le système judiciaire, mais surtout elle tue en profitant du système criminel de répression déjà en place. C’est aussi l’occasion de rappeler les conséquences de la participation du Burundi dans les missions de paix, dans un contexte de répression et de violation grave des droits humains. Ainsi ceux qui ramènent la paix ailleurs ne l’ont plus chez eux, ceux qui protègent les autres ne sont pas eux-mêmes protégés. Les partenaires du Burundi qui emploient les militaires dans les missions de paix devraient veiller à de bonnes conditions de travail et éviter que les missions de paix deviennent un rempart de la répression contre le peuple burundais.

E. Prise de position et recommandations.

  1. Le FOCODE demande l’arrestation et la traduction en justice de Madame Léa NZEYIMANA, informatrice du SNR, et de tous ses complices dans la disparition forcée de MM. Alexis NGABONZIZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE l’officier du SNR ;
  1. Le FOCODE tient pour responsables les autorités burundaises et particulièrement celles de l’EMG/FDN pour leur silence complice et leur inaction après la disparition forcée de MM. Alexis NGABONZIZA, Ferdinand HAVYARIMANA et du Caporal-chef Jean NDAYIZEYE (un élément de la garde présidentielle) devant les portes de l’EMG/FDN le 06 juillet 2016 ;
  1. Le FOCODE condamne le système mafieux d’exploitation financière des militaires burundais participant aux missions de paix et demande urgemment une enquête de ceux qui financent ces missions pour sauver nos militaires ;
  1. Le FOCODE réaffirme son plein soutien à la Commission Internationale d’Enquête sur le Burundi mise en place par le Conseil des Droits de l’Homme le 30 septembre 2016 et demande qu’elle soit dotée de tous les moyens (humains, matériels, financiers et sécuritaires) nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;
  1. Le FOCODE demande à la Cour Pénale Internationale l’ouverture sans délais de l’enquête sur les crimes sous sa compétence en cours au Burundi et de l’engagement des poursuites contre les leurs auteurs.
  1. Le FOCODE demande au Conseil de Sécurité des Nations-Unies d’engager sa responsabilité à protéger (R2P) le peuple burundais en danger et de créer rapidement les conditions de mise en œuvre effective de sa résolution 2303.

Pour le FOCODE

Sé Pacifique NININAHAZW

Président.-

 

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[1] EMG/FDN : Etat-Major Général de la Force de Defense Nationale

[2] Au Burundi, l’expression  « banque Lambert » désigne des individus qui prêtent de l’argent avec des taux d’intérêts exagérés qui s’élèvent généralement à 50% par mois, comme dans le cas qui nous concerne ici.

[3] BSPI : Brigade Spéciale de Protection des Institutions

[4] Ex-PMPA désigne les membres des anciens mouvements rebelles à majorité hutu, dont le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza. Ex-FAB désigne les éléments de l’ancienne armée burundaise à majorité tutsi.

[5] Voir http://ndondeza.org/la-disparition-forcee-de-ladjudant-philibert-nduwamungu-de-ladjudant-major-emmanuel-nahayo-et-du-caporal-chef-ndereyimana/

[6] Le FOCODE n’a pas pu identifier clairement ce chauffeur puisqu’il y en a deux à l’EMG/FDN qui porte ce sobriquet : l’un (caporal-chef Jean de Dieu MANIRAMBONA) est un chauffeur du G2 Colonel Ignace SIBOMANA souvent cité dans des cas de disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires des militaires essentiellement ex-FAB, l’autre (Caporal-chef Japhet SINZINKAYO) est un chauffeur du Chef-adjoint de l’Etat-Major Interarmes Général Marius NGENDABANKA cité particulièrement dans la formation paramilitaire des Imbonerakure en RDC.

[7] OPJ : Officier de la Police Judiciaire

[8] « Kumena amaso » signifie en Kirundi « crever les yeux »

[9] CECAD : Coopérative d’Epargne et de Crédit pour l’Auto-Développement. C’est en quelque sorte l’institution de microfinance pour les militaires burundais.