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Disparition forcée de Messieurs Bienvenu Ndacayisaba et Jérôme Ntakarutimana

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« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Messieurs Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, deux militants du parti CNL arrêtés le 1er septembre 2020 par la police nationale à Muramvya ».

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, deux militants du parti politique « Congrès National pour la Liberté », CNL[1] en sigle. Le 31 août 2020, les deux jeunes hommes ont échappé de justesse à une arrestation par le commissaire de la police en province Mwaro, OPC1 Agathon KASA, sur leur colline de résidence à Namande en commune Rusaka de la province Mwaro. A leur place, le commissaire KASA a arrêté trois autres jeunes dont un petit-frère de Bienvenu NDACAYISABA. Remis au chef provincial du Service national de renseignement (SNR), Gérard NDAYISENGA[2], les trois jeunes ont été détenus secrètement pendant deux semaines et n’ont été présentés au parquet de Muha en Marie de Bumbura qu’à la suite d’une forte dénonciation sur les réseaux sociaux. Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, quant à eux, ont essayé de s’enfuir sans beaucoup de chance puisqu’ils ont été arrêtés dès leur arrivée au chef-lieu de la province Muramvya le 1er septembre 2020. Bienvenu et Jérôme ont été détenus et interrogés le même jour au commissariat provincial de la police à Muramvya. Le soir, ils auraient été remis au chef provincial du SNR à Muramvya, OPC2 Felix HAVYARIMANA, pour une destination jusqu’ici inconnue. Les demandes des proches sur le lieu de détention de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA ainsi que les nombreuses demandes du FOCODE n’ont jamais reçu de réponses de la part de différentes autorités burundaises.

L’arrestation et la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et de Jérôme NTAKARUTIMANA s’inscrivent dans une vague de répression qui a particulièrement ciblé des militants du parti CNL, des militants du parti MSD et plusieurs anciens militaires tutsi à la retraite après des attaques d’un groupe armé signalées dans plusieurs communes du pays en août 2020. Ces attaques ont été suivies d’une augmentation remarquable des violations de droits de l’homme depuis la prestation de serment du nouveau Président Evariste NDAYISHIMIYE.

Comme dans la quasi-totalité des cas de disparitions forcées depuis 2015, la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et de Jérôme NTAKARUTIMANA a été suivie d’un silence total des autorités burundaises et de l’inaction de la justice. Cette situation a mis fin à l’illusion que le régime NDAYISHIMIYE allait adopter une attitude différente de celle de son prédécesseur en matière de violations graves de droits humains.

Ce cas, pourtant fort médiatisé, ne figure pas non plus dans le rapport annuel[1] de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, CNIDH, qui a rapporté 0 cas de disparitions forcées au Burundi en 2020 !


[1] CNIDH – rapport annuel édition 2020, p.85 https://cnidh.bi/documents/Rapport%20annuel%202020.pdf

A. Identification des victimes

  1. Fils de Salvator NZEYIMANA (décédé) et de Fidès BIZIMANA, Bienvenu NDACAYISABA est né en 1991 sur la colline Namande en commune Rusaka de la province Mwaro. Bienvenu NDACAYISABA avait terminé les humanités générales et se préparait à commencer une des universités privées à Bujumbura. En attendant son admission à l’université, Bienvenu s’occupait d’un petit commerce à Rusaka où il avait sa boutique. Bienvenu NDACAYISABA était encore célibataire et n’a pas laissé d’enfant au moment de sa disparition forcée.
Bienvenu Ndacayisaba

2. Fils de Félix NSHIMIRIMANA et de Cassilde NISUBIRE, Jérôme NTAKARUTIMANA est né en 1993 sur la colline Namande, sous-colline Rucunda, en commune Rusaka de la province Mwaro. Comme son ami Bienvenu NDACAYISABA, Jérôme NTAKARUTIMANA avait terminé les humanités générales au Lycée communal Shombo (en province de Muramvya) et s’apprêtait à débuter ses études universitaires. Célibataire, il n’a pas laissé d’enfant au moment de sa disparition forcée.

Jérôme Ntakarutimana

3. Sur le plan politique, les deux jeunes hommes étaient des militants très actifs du Congrès National pour la Liberté, CNL en sigle, principal parti de l’opposition intérieure. Aux élections communales de 2020, Bienvenu NDACAYISABA a été candidat en commune Rusaka pour le compte du parti CNL mais n’a pas obtenu de siège au conseil communal. Jérôme NTAKARUTIMANA, quant à lui, a été chargé de la mobilisation politique de la sous-colline Rucunda pendant les mêmes élections de 2020.

4. Depuis le début de 2020, Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA auraient reçu plusieurs menaces de la part du comptable communal de Rusaka, Egide KWIZERA, une des figures du parti au pouvoir CNDD-FDD dans la commune. L’activisme de Bienvenu et Jérôme était considéré comme une menace contre le CNDD-FDD dans les élections de 2020. Egide KWIZERA aurait joué un rôle dans la disparition forcée des deux jeunes hommes. Malheureusement, sept mois plus tard, Egide KWIZERA et son épouse Claudine MANIRAMBONA ont été tués dans une attaque armée non revendiquée le 16 avril 2021 dans un bar à Rusaka, attaque qui aura coûté la vie à sept personnes.

B. Circonstances de la disparition forcées de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA.

B.1. Première tentative d’arrestation le 31 août 2020 à Namande

5. La matinée du 31 août 2020, le commissaire provincial de la police à Mwaro, OPC1 Agathon KASA, a mené une opération de fouille-perquisition sur la colline Namande en commune Rusaka. Il semble que Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA aient été avertis du plan de leur arrestation et aient décidé de fuir avant l’arrivée d’Agathon KASA et ses policiers. La perquisition n’a rien fourni de suspect mais le commissaire devait arrêter Bienvenu et Jérôme. En l’absence des deux jeunes ardemment recherchés, le commissaire Agathon KASA a décidé l’arrestation de Hugues BUKURU, petit-frère de Bienvenu NDACAYISABA âgé de 17 ans, et deux autres jeunes hommes, Fabrice NDUWIMANA originaire de la sous-colline Rucunda et d’un prénommé Pacifique.

6. Les trois jeunes hommes ont été emmenés par Agathon KASA chez un OPJ à Rusaka, Désiré MPAWENIMANA. Probablement que le commissaire KASA voulait se décharger de tout ce que pourrait arriver aux trois jeunes. Par le biais de l’OPJ Désiré MPAWENIMANA, les trois jeunes ont été remis au responsable provincial du SNR, Gérard NDAYISENGA, qui n’a plus communiqué sur le lieu de leur détention.

7. Inquiets du sort de leurs enfants qu’ils ne trouvaient dans aucun cachot de Mwaro, les proches des trois jeunes ont alerté les défenseurs des droits de l’homme. Le FOCODE a lancé une forte mobilisation sur les réseaux sociaux et sur les radios en exil RPA et INZAMBA, pressant les autorités burundaises à dévoiler le lieu de détention des trois jeunes Hugues BUKURU, Fabrice NDUWIMANA et du prénommé Pacifique. Plusieurs messages ont été directement envoyés au commissaire Agathon KASA avisant sa responsabilité personnelle du sort des trois jeunes. Cette mobilisation a eu des effets. Le 09 septembre 2020, après neuf jours de détention secrète dans des cachots du SNR, les trois jeunes ont été présentés au parquet de Muha en Mairie de Bujumbura. Ils étaient très affaiblis, ils avaient du mal à marcher et à se tenir debout et avaient très faim. Le même soir, ils ont été transférés par le parquet à la prison centrale de Mpimba.

8. La présentation des trois jeunes au parquet a redonné l’espoir aux familles sur le sort de Bienvenu NDACAYISABA et de Jérôme NTAKARUTIMANA. Les familles ont espéré que les deux militants allaient être présentés au parquet à leur tour. Près d’une année après leur arrestation, le lieu de détention de Bienvenu et Jérôme reste inconnu.

B.2. Arrestation de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA à Muramvya le 1er septembre 2020.

9. Dans leur fuite, Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme n’ont pas su qu’une alerte a été lancée contre eux à Muramvya. Au petit matin du 1er septembre 2020, les deux jeunes hommes ont été arrêtés à leur arrivée à l’entrée du chef-lieu de la province Muramvya. Un milicien Imbonerakure qui les connaissait très bien pour avoir étudié ensemble au Lycée communal de Shombo, Omer NSABUMUREMYI, avait été mobilisé pour les identifier. Le milicien était avec les policiers qui ont arrêté Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, selon les sources du FOCODE à Muramvya. Un autre milicien prénommé Prosper, secrétaire communal à Muramvya et ancien élève au Lycée communal Shombo, aurait également participé dans la surveillance et l’arrestation des deux militants du CNL selon quelques sources. Nous ne sommes pas en mesure de confirmer l’implication du milicien Prosper mais nous avons la confirmation qu’il est de ceux qui détiennent des informations sur le sort de Bienvenu et Jérôme.

10. Selon des sources administratives et policières à Muramvya, Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA ont été conduits, menottés, au commissariat provincial de la police à Muramvya communément appelé « Brigade Muramvya ». Ils ont été soumis à un interrogatoire d’un OPJ, en présence du milicien Omer NSABUMUREMYI, selon les mêmes sources. Après l’audition, Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA ont été détenus dans un cachot du commissariat de Muramvya.

11. Le processus de la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et de Jérôme NTAKARUTIMANA a commencé dans la soirée du même 1er septembre 2020. Selon les sources du FOCODE, les deux militants du CNL ont été sortis du cachot et auraient été remis au responsable provincial du SNR à Muramvya, OPC2 Félix HAVYARIMANA. Le FOCODE s’est adressé confidentiellement à l’une des hautes autorités de la police en province Muramvya, celle-ci a confirmé que Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA ont été bel et bien remis au responsable provincial du SNR. Cette autorité a refusé de s’exprimer sur le sort réservé aux deux jeunes hommes, notamment à propos des informations qui disaient qu’ils auraient été exécutés.

12. Dès le lendemain, Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA ne se trouvaient plus dans les cachots du commissariat de Muramvya. Aucune information sur le lieu de leur détention n’a été fournie à leurs proches qui les ont cherchés dans tous les cachots de Muramvya sans succès.

13. Il importe de souligner ici le contexte sécuritaire de l’arrestation et de la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA. Un groupe rebelle a traversé le Lac Tanganyika à partir de la République Démocratique du Congo dans les dix derniers jours d’août 2020. Ce groupe a mené des attaques dans plusieurs communes des provinces Rumonge, Bururi, Bujumbura (rural), Muramvya, Mwaro et Kayanza. Dans la même période, d’autres attaques ont été menées dans des communes de Bubanza. La commune Rusaka en province Mwaro est parmi les communes touchées par ces attaques même si aucune perte en vies humaines n’a été signalée dans la commune et aucun rebelle n’y a été arrêté. Dans toutes les communes où des attaques ont été signalées, le service national de renseignement a procédé à l’arrestation de certains responsables et militants du parti CNL, de certains jeunes tutsi ainsi que de certains anciens militaires à la retraite (essentiellement des ex-FAB[3]). A titre illustratif, tous les présidents communaux du CNL en province Bururi ont été arrêtés en août-septembre 2020. C’est dans cette vague d’arrestations que s’inscrit l’arrestation de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, deux militants très actifs du CNL, considérés comme une menace à leur parti par des cadres du parti CNDD-FDD en commune Rusaka.

C. Démarches entreprises par les familles des victimes pour les retrouver.

14. Dès le lendemain de l’arrestation de Bienvenu NDACAYISABA et de Jérôme NTAKARUTIMANA, leurs proches se sont mis à leur recherche. Ils ont été les chercher dans les différents cachots et prison de la province Muramvya, ils ont discrètement demandé des informations dans les cachots du SNR à Bujumbura, sans aucun résultat. Ils ont également contacté un certain nombre d’autorités administratives et policières à Muramvya et Mwaro dont l’OPC2 Félix HAVYARIMANA, alors chef du SNR à Muramvya à qui les deux jeunes hommes auraient été remis dans la soirée du 1er septembre 2020. Félix HAVYARIMANA a répondu à l’un des proches des victimes qu’il n’était pas chargé d’arrêter des gens et qu’il fallait s’adresser au procureur de la république. Toutes les autorités contactées ont répondu qu’elles n’avaient aucune information sur l’arrestation de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA.

15. Le FOCODE, sur demande des proches des victimes, a mené pendant plusieurs jours de septembre 2020 une campagne de demande d’information sur le sort réservé aux deux militants du CNL. Chaque jour, des tweets ont été publiés et adressés au Président NDAYISHIMIYE et à plusieurs autres autorités du pays pour demander la lumière sur le lieu de détention de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA. Aucune autorité n’a répondu à ces demandes.

Illustration d’un tweet adressé au Président Ndayishimiye le 23 septembre 2020https://twitter.com/pnininahazwe/status/1308698060294365185?s=19

16. Huit mois après l’arrestation de Bienvenu NDACAYISABA et de Jérôme NTAKARUTIMANA, leurs familles ont perdu tout espoir de les revoir un jour et commencent à penser à l’organisation des cérémonies de levée de deuil.

D. Comportement étrange de différentes autorités et institutions du pays après la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA.

17. Comme dans presque tous les cas de disparitions forcées documentés par la Campagne NDONDEZA, les autorités burundaises ont répondu par le silence après la disparition de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA. Pendant plusieurs jours de septembre 2020, le FOCODE a adressé des tweets chaque jour au Président NDAYISHIMIYE, à la ministre de la Justice Jeanine NIBIZI, à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme CNIDH. Les tweets ont été relayés par plusieurs autres internautes et chaque tweet rappelait les circonstances de l’arrestation et la responsabilité du chef du SNR en province Muramvya. Toutes ces autorités ont gardé le silence.

18. La première réaction à ces tweets a été la présentation au parquet de Muha des trois jeunes arrêtés à Namande le 31 août 2020. Leur situation semblait également désespérée puisqu’il n’y avait aucune indication sur leur lieu de détention pendant 9 jours. Comme déjà indiqué, lorsqu’ils ont été présentés au parquet, il était visible qu’ils avaient été torturés et affamés.

19. La deuxième réaction, la plus étrange et la plus surprenante, est venue du parquet de la république en province de Bujumbura (rural). Le 29 octobre 2020, le procureur de la république de Bujumbura (rural) a envoyé une convocation à Bienvenu NDACAYISABA lui enjoignant de comparaitre à son bureau le 09 novembre 2020 à 8 heures pour des besoins d’enquête. La convocation (marquée comme une deuxième) a été remise à la mère de Bienvenu NDACAYISABA le 11 novembre 2020. Cette dernière aurait répondu avec des larmes : « pourquoi avez-vous besoin de me narguer ainsi ? Mon fils a été arrêté à Muramvya le 1er septembre, nous continuons à demander le lieu de sa détention et vous venez me raconter que vous le cherchez à la maison ! » Que cherchait à insinuer le parquet de Bujumbura (rural) en envoyant cette convocation ? Etait-ce une façon d’indiquer que Bienvenu NDACAYISABA n’était pas dans les mains des services de l’Etat ? Le FOCODE a tenté de contacter des sources au parquet de Bujumbura (rural), toutes ont répondu que ce dossier était extrêmement dangereux et qu’elles ne pouvaient pas y toucher.

20. A l’instar des autres autorités et institutions du Burundi, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) n’a jamais répondu aux tweets lui adressés par le FOCODE sur la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA. Dans son rapport sur l’année 2020 présenté à l’Assemblée Nationale en avril 2021, la CNIDH n’a même pas mentionné les noms des deux militants du CNL. La CNIDH indique dans son rapport qu’elle n’a enregistré aucun cas de disparition forcée en 2020. A un député qui a demandé pourquoi la CNIDH ne démentissait pas les rumeurs et mensonges que propagent les défenseurs de droits de l’homme en exil, le président de la CNIDH, Sixte Vigny NIMURABA, a répondu par des attaques contre la société civile en exil en reprenant la panoplie des accusations du régime du CNDD-FDD contre les défenseurs de droits de l’homme qui, pour lui, « ternissent l’image du pays ».

21. Le silence du gouvernement sur ce cas a désillusionné tous ceux qui espéraient encore que le Président NDAYISHIMIYE allait être différent de son prédécesseur, Pierre NKURUNZIZA, sur les questions de violations graves de droits de l’homme.

E. Les présumés auteurs de la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et de Jérôme NTAKARUTIMANA

22. D’après les informations concordantes recueillies par le FOCODE dans le cadre de la présente enquête, au moins six personnes devraient être auditionnées sur la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA. Il s’agit de l’OPC2 Félix Havyarimana, de l’OPC2 Abdul NDIMURUKUNDO, de l’OPC1 Agathon KASA, de l’officier du renseignement Gérard NDAYISENGA, du milicien Imbonerakure Omer NSABUMUREMYI et du procureur de Bujumbura (rural).

23. L’OPC2 Félix HAVYARIMANA est celui qui aurait reçu et emmené les détenus Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA sortis d’un cachot du commissariat de Muramvya dans la soirée du 1er septembre 2020. Si cela se confirme, Félix HAVYARIMANA connaît le sort final réservé aux deux militants du CNL. Au moment des faits, Félix HAVYARIMANA était responsable du SNR en province de Muramvya. A la fin 2020, il a été muté en Mairie de Bujumbura où il dirige encore le SNR au moment de la rédaction de cette enquête.

OPC2 Félix Havyarimana

24. L’OPC2 Abdul NDIMURUKUNDO était le commissaire provincial de la police à Muramvya au moment des faits. Il est donc celui qui connaît les raisons de l’arrestation de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, de leur détention au commissariat de Muramvya et des circonstances de leur sortie nocturne du cachot ainsi que de leur remise au chef du SNR en province Muramvya.

25. L’OPC1 Agathon KASA et l’officier du renseignement Gérard NDAYISENGA étaient respectivement commissaire provincial de la police et chef provincial du SNR à Mwaro au moment des faits. Le commissaire KASA est l’initiateur de l’arrestation de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA qu’il a personnellement ratés le 31 août 2020 à Namande. Il est celui qui remettait les personnes arrêtées à Gérard NDAYISENGA. Il est probablement celui qui a alerté la police de Muramvya sur la fuite des deux jeunes hommes vers Muramvya. Gérard NDAYISENGA a secrètement détenu et torturé les trois jeunes arrêtés à Namande le 31 août 2020. Il aurait travaillé de connivence avec le responsable provincial du SNR à Muramvya.

26. Le milicien Omer NSABUMUREMYI a collaboré avec la police dans la surveillance et l’identification de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA. Il aurait même participé à l’audition des deux militants du CNL au commissariat de Muramvya. Il a donc des informations sur les auteurs et le mobile de l’arrestation de Bienvenu et Jérôme.

27. Le procureur de Bujumbura (rural) a signé une convocation étrange enjoignant Bienvenu NDACAYISABA à comparaître dans son bureau le 09 novembre 2020 alors qu’une campagne était en cours pour demander la lumière sur sa disparition forcée. Bienvenu NDACAYISABA était du ressort du parquet de Mwaro ou pouvait être présenté au parquet de Muramvya après son arrestation par la police de Muramvya. Le procureur a sûrement des informations intéressantes sur ce qui se cache derrière une convocation que ses collègues du parquet qualifient de « dossier extrêmement dangereux ».

N.B. : Le FOCODE avise ceux qui voudront utiliser d’une manière ou d’une autre les données de cette enquête qu’une partie d’informations a été gardée confidentielle afin de tenter de protéger les sources ou de préserver l’intégrité des différentes preuves qui pourront être utiles aux instances judiciaires ou autres qui pourront traiter le dossier. Ces informations pourront être livrées, sur requête, à tout organe d’enquête jugé indépendant ou toute autre source jugée appropriée à recevoir de telles informations.

F. Prise de position du FOCODE et recommandations.

  1. Le FOCODE condamne la disparition forcée de messieurs Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, deux militants du parti CNL originaires de la colline Namande en commune Rusaka, introuvables depuis leur arrestation par la police de Muramvya le 1er septembre 2020 ;
  2. Le FOCODE condamne le silence et l’inaction des autorités burundaises, de la justice burundaise et de la CNIDH après la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA, comme dans la quasi-totalité des cas de disparitions forcées depuis 2015 ;
  3. Le FOCODE demande une enquête indépendante sur la disparition forcée de Bienvenu NDACAYISABA et Jérôme NTAKARUTIMANA ainsi que sur le rôle présumé de l’OPC2 Félix HAVYARIMANA, du commissaire Abdul NDIMURUKUNDO, du commissaire Agathon KASA, de l’officier du renseignement Gérard NDAYISENGA et du milicien Imbonerakure Omer NSABUMUREMYI dans cette disparition forcée ;
  4. Le FOCODE demande au Président Evariste NDAYISHIMIYE de mettre en place un système clair de lutte contre les disparitions forcées au Burundi en instituant la transparence sur le lieu de détention de toute personne arrêtée, en mettant fin aux phénomène d’enterrement rapide et sans identification des cadavres retrouvés un peu partout dans le pays et en mettant en place un système de redevabilité des commissaires de police opérant à différents niveaux et des officiers de renseignement impliqués dans les arrestations suivies de disparitions des personnes appréhendées ;
  5. Le FOCODE attire l’attention de l’Union Européenne et des autres partenaires du Burundi engagés dans le processus de normalisation de leurs relations avec le régime de Gitega sur le phénomène persistant des disparitions forcées au Burundi et leur demande de pousser les autorités burundaises à des engagements clairs dans la cessation des disparitions forcées et dans la sanction des auteurs de ces crimes odieux ;
  6. Le FOCODE réitère sa demande à la Cour Pénale Internationale d’enquêter  profondément sur le phénomène des disparitions forcées devenu récurrent au Burundi et l’engagement des poursuites contre leurs auteurs présumés.              

Emission NDONDEZA sur la disparition forcée de Bienvenu Ndacayisaba et de Jérôme Ntakarutimana

[1] Ancien FNL, le CNL est dirigé par Agathon RWASA, candidat malheureux aux présidentielles de 2020 et qui a revendiqué la victoire. Le CNL est la deuxième force politique au parlement avec une trentaine de députés.

[2] Gérard NDAYISENGA a été cité dans de nombreuses violations de droits humains, y compris plusieurs cas de disparitions forcées.

[3] FAB : Forces Armées Burundaises, ancienne dénomination de l’armée burundaise avant l’intégration des anciens mouvements rebelles.