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La disparition de Monsieur Albert Dushime

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DECLARATION DU FOCODE n°005/2016  DU 28 avril 2016 

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition de Monsieur Albert Dushime et mettre fin au phénomène des disparitions forcées des citoyens opposés au troisième mandat du Président Pierre NKURUNZIZA »

Le FOCODE a reçu des informations extrêmement inquiétantes sur la disparition de Monsieur Albert Dushime, fils d’Oswald Nahishakiye et de Ruth Ntirampeba, né à Kinanira en Mairie de Bujumbura le 16 février 1986, artiste-plasticien exerçant au Musée Vivant de Bujumbura, Président et Représentant Légal de l’association PICA-Umurundi (Promotion Intérieure de la Culture et d’Art). Arrêté dans la nuit du 21 au 22 novembre 2015 par le Commissaire Provincial de la Police à Kirundo, Monsieur Albert Dushime est introuvable dans les cachots et prisons officiels du Burundi et sa famille appelle au secours.

Face à cette situation, le FOCODE lance la « Campagne NDONDEZA contre les Disparitions Forcées au Burundi » et porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale les résultats de son enquête sur la disparition de Monsieur Albert Dushime.

N.B : « Ndondeza » est un mot du Kirundi qui peut signifier « aide-moi à trouver le mien ».

  1. De la disparition de Monsieur Albert Dushime

Selon des informations recueillies auprès des proches de la victime, celles diffusées par la radio Inzamba le 22 novembre 2015 ainsi que celles publiées sur les réseaux sociaux (un outil d’alerte non négligeable au Burundi depuis l’incendie des principales radios indépendantes), les circonstances de la disparition de Monsieur Albert Dushime sont les suivantes :

  1. Le 21 novembre 2015, un message a circulé sur les réseaux sociaux burundais (whatsapp particulièrement) et disait en kirundi :

« Alerte : KIRUNDO : large diffusion   uwo mubona kwi foto yaraye afatiwe mu KIRUNDO, bamudendereje ngo yarikumwe nabariko bararasa. Uwomumenya atabarize abiwabo. Akaramuka yishwe, azobazwe commissire provincial wa polisi, hamwe n’umukuru w’imbonerakure, nibo bariko baramukubita ».

(Alerte : KIRUNDO : large diffusion celui que vous voyez sur la photo a été arrêté à Kirundo, accusé à tort d’être avec ceux qui viennent de mener une attaque armée. Toute personne qui peut le reconnaitre est appelée à alerter sa famille.  S’il advenait qu’il soit tué, toute la responsabilité sera sur le Commissaire provincial de la police et le chef des imbonerakure qui sont en train de le frapper).

Sur la photo partagée sur whatsapp, on voit Albert DUSHIME dans la position accroupie, entre deux policiers, dont un tenait dans ses mains une corde qui ligotait le bras droit de la victime. C’est par ce message que la famille d’Albert Dushime a été informée de son arrestation à Kirundo et s’est mise immédiatement à sa recherche.

  1. La radio en ligne Inzamba, dans son édition de l’actualité du 22 novembre 2015, a parlé d’une attaque armée la nuit précédente au chef-lieu de la province de Kirundo par un groupe non identifié. Inzamba a ajouté que plusieurs personnes avaient été arrêtées par la suite et qu’une d’entre-elles, non native de Kirundo, avait été transférée manu militari à Bujumbura, par Joseph Niyonzima alias KAZUNGU, un employé du Service National de Renseignement souvent cité dans des cas d’arrestations, de tortures ou d’exécutions extrajudiciaires.
  2. Selon sa famille, Albert Dushime, en provenance du Rwanda et en route vers Bujumbura, avait passé cette nuit-là à Kirundo. Sans document de voyage à jour, il avait passé par des détours et voies non officielles, chose habituelle pour la population frontalière de Kirundo. Arrivé tard dans la soirée, il ne pouvait pas continuer sur Bujumbura. Ayant été sélectionné pour une bourse d’études en Corée du Sud, il revenait à Bujumbura pour l’obtention de son passeport.
  3. La famille a appris qu’Albert Dushime a été arrêté par le Commissaire de la Police en Province de Kirundo, Monsieur Jacques Nijimbere, accompagné du Chef des Imbonerakure (la jeunesse du Parti CNDD-FDD) en Province de Kirundo. L’arrestation a intervenu dans le cadre de plusieurs interpellations consécutives à l’attaque armée du chef-lieu de la Province Kirundo. La grande faute d’Albert Dushime était d’être originaire de Musaga, un des quartiers de Bujumbura les plus actifs dans les manifestations contre le troisième mandat du Président Nkurunziza. La famille craint également que la victime aurait avoué son lien de parenté avec son frère Maitre David Dusabe bien connu par KAZUNGU et qui avait été détenu par le SNR du 15 au 28 mai 2015 puis relâché sur pression de plusieurs organisations burundaises et internationales.
  4. La famille a appris, d’un autre agent du SNR, que la victime a été transférée nuitamment à Bujumbura par le fameux KAZUNGU et qu’il aurait été exécuté en cours de route. Kazungu est en effet arrivé à Bujumbura sans la victime alors qu’il l’avait embarquée à son départ de Kirundo. Un policier nommé Ngerageze a été cité comme ayant exécuté la victime. La famille n’a reçu aucune information sur le lieu d’exécution ni sur le lieu d’enterrement du corps.
  5. Avant son embarquement dans le véhicule de KAZUNGU, Albert Dushime a tenté d’expliquer qu’il n’était pas malfaiteur en citant notamment les personnes qui le connaissaient à Kirundo et les noms de ses collègues artistes au Musée Vivant de Bujumbura. A Kirundo, toutes les personnes citées par Albert Dushime ont par la suite été arrêtées puis relâchées ; à Bujumbura les artistes ont pu échapper à l’arrestation en invoquant la longue absence de leur collègue Albert Dushime.
  6. En date du 25 novembre 2015, pressé de questions notamment sur Twitter, le Porte-parole de la Police Nationale du Burundi, Pierre Nkurikiye a reconnu dans un communiqué lu à la Radio-Télévision Nationale du Burundi (RTNB) que, parmi les personnes arrêtées à Kirundo, il y avait un certain Albert Dushime, mais qu’il restait introuvable jusqu’à ce moment-là, sans donner plus de détails sur sa disparition.
  7. Depuis son arrestation dans la nuit du 21-22 novembre 2015 et après son embarcation par KAZUNGU vers Bujumbura, Albert Dushime n’a plus donné signe de vie.
  1. Demande formulée par le grand-frère de la victime au nom de la famille

La famille de Monsieur Albert Dushime a formulé les demandes suivantes : 

  • Savoir ce qui est arrivé réellement à Albert DUSHIME.
  • S’il est toujours en vie, qu’il bénéficie d’un procès équitable.
  • S’il n’est plus en vie, que la dépouille mortelle soit restituée à la famille afin qu’il soit dignement enterré par les siens et que justice soit faite pour punir les personnes responsables de cette exécution extra-judiciaire.
  • Que des cas similaires à celui de son frère soient recensés pour aider les familles à retrouver les leurs.
  1. Prise de position et Recommandations

Il importe de souligner d’emblée que d’une part Monsieur Albert Dushime a été arrêté par un officier connu de la Police Nationale du Burundi, en l’occurrence le Commissaire Provincial de Kirundo Monsieur Jacques Nijimbere et que d’autre part il a été transporté vers Bujumbura par un officier du Service National de Renseignement Monsieur Joseph Niyonzima alias Kazungu. Les deux officiers seraient par conséquent les premiers responsables de la disparition de Monsieur Albert Dushime. 

Face à cette situation, le FOCODE : 

  1. Condamne encore une fois les arrestations illégales des citoyens du Burundi opérées par des forces de l’ordre, parfois en compagnie des miliciens Imbonerakure , et qui se sont suivies par des détentions dans des lieux secrets non communiqués ni par des déclarations publiques ni aux membres des familles des détenus ;
  2. Exige des explications des autorités burundaises, en l’occurrence le Ministre de la Sécurité Publique autorité de tutelle du Commissaire Jacques Nijimbere de la Police Nationale et le Président Nkurunziza autorité de tutelle de l’officier Joseph Niyonzima alias KAZUNGU relevant du SNR, sur la disparition de Monsieur Albert Dushime ;
  3. Condamne la torture opérée dans le secret sur des prisonniers ;
  4. Demande :
  • Aux autorités du Burundi de fermer tous les cachots secrets, d’assurer la publicité de tous les cas d’arrestation afin de permettre aux familles d’assister les leurs et de bannir tout transfert ou interrogatoire des détenus pendant la nuit ;
  • Aux Nations-Unies, à l’Union Africaine et à l’EAC d’envoyer rapidement au Burundi une commission internationale d’enquête sur les violations graves de droits de l’homme (y compris les disparitions forcées, les cas de viol et de torture ainsi que les exécutions extra-judiciaires) et une force de protection des citoyens.
  1. Campagne NDONDEZA contre les Disparitions Forcées au Burundi. 
  1. Le FOCODE lance la « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi » qui consistera à :
  • Recueillir des communications des familles sur les disparitions forcées des leurs,
  • Documenter les cas de disparitions forcées, à les rendre publics et à les communiquer aux institutions et organes intéressés,
  • Accompagner les familles des victimes jusque dans la saisine des mécanismes et juridictions internationaux compétents,
  • Plaider pour la protection des familles des victimes et des témoins qui risquent de subir des représailles de la part des bourreaux,
  • Plaider pour l’éradication du phénomène des disparitions forcées.
  1. Le FOCODE Invite tous les résidents du Burundi et particulièrement les familles à lui communiquer les cas de disparitions des personnes arrêtées par des agents de l’Etat ou des groupes ayant des liens avec l’Etat ou encore des groupes armés. Ces informations seront envoyées à l’adresse email : [email protected] et au numéro WhatsApp : +257 79 910 446 utilisé par le Président du FOCODE.

Les cas de disparitions forcées déjà documentés seront publiés hebdomadairement par des déclarations et d’autres canaux de communication.

Fait à Bujumbura, le 28 avril 2016

             Pour le FOCODE ; 

Sé Pacifique NININAHAZWE 

               Président