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La disparition de Monsieur Bernard Baranjoreje

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DECLARATION DU FOCODE n°006/2016  DU 05 Mai 2016 

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition de Monsieur Bernard Baranjoreje ; membre influent du parti MSD en Mairie de Bujumbura introuvable depuis la soirée du 19 janvier 2016 »

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les Disparitions Forcées au Burundi », le FOCODE a été informé de la disparition de Monsieur Bernard Baranjoreje depuis le 19 janvier 2016. Le FOCODE a recueilli des informations de première main auprès des proches de la victime, de certaines personnes citées dans le déroulement des faits ainsi que  sur des réseaux sociaux (Facebook et Twitter) qui ont évoqué cette disparition forcée.

D’emblée, le FOCODE tient à préciser qu’il n’a pas été à mesure d’interroger les éléments des services de sécurité cités dans la disparition de Monsieur Bernard Baranjoreje. Le but du FOCODE est de mettre le visage sur les noms des disparus, de souligner le calvaire des familles des victimes et d’alerter les institutions et les mécanismes aussi bien nationaux qu’internationaux sur la gravité du phénomène des disparitions forcées au Burundi. Chacun, en ce qui le concerne, doit agir pour mettre fin à ces crimes contre l’humanité impunément en cours au Burundi.

A. Identité de la victime 

  1. Fils d’Athanase Baranjoreje (un ex-gendarme de 74 ans) et de Stéphanie Niyungeko, Bernard Baranjoreje est né en 1981 à la 3ème avenue de la zone urbaine de CIBITOKE où il résidait au moment de sa disparition. Il était marié et père de deux enfants en bas âges. Son deuxième enfant est né un mois seulement avant la disparition de la victime.

B. Appartenance politique 

  1. Bernard Baranjoreje est un membre du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD), un des partis politiques de l’opposition les plus actifs dans la contestation du Troisième Mandat de Monsieur Pierre Nkurunziza. Il était chargé de la mobilisation des jeunes en Mairie de Bujumbura ;
  2. Le parti MSD est également membre de la coalition dénommée Alliance des Démocrates pour le Changement, ADC-IKIBIRI. Depuis 2010, les membres du MSD ont souvent fait objet d’arrestations suivies de tortures et d’exécutions extrajudiciaires recensées dans différents rapports d’ONGs de défense des droits de l’homme.

C. Disparition forcée de Monsieur Bernard Baranjoreje 

  1. Bernard Baranjoreje a passé tout l’après-midi du 19 janvier 2016 à son domicile. Vers 18 heures, il a reçu un coup de fil de son ami connu sous le sobriquet de Mirindi. Ce dernier lui demandait de le rejoindre dans un bar sis au Quartier Kigobe au Nord de la Capitale Bujumbura, chose qu’il accepta.
  2. « Je lui ai dit qu’il faisait nuit mais il m’a promis qu’il allait revenir tout de suite et, quelques minutes après son départ, j’ai appelé pour lui dire que notre bébé était malade parce qu’il avait une température anormale », raconte son épouse ;
  3. Vers 19 heures, la famille de Bernard Baranjoreje a été informée, via le téléphone d’un voisin, que Bernard venait d’être arrêté dans un bar appartenant à un Général de l’armée à Kigobe. La même soirée, la famille a mené des recherches infructueuses dans les cachots proches, au Service National de Renseignement (SNR) et au Bureau Spécial de Recherche (BSR) ;
  4. Le 28 janvier 2016, le journal en ligne SOS Media Burundi a publié le récit suivant : « Bernard Baranjoreje est introuvable depuis le 19 janvier. Ce membre influent du MSD en mairie de Bujumbura a été enlevé par des hommes qui circulaient à bord d’un Pickup. Le militant se trouvait avec un ami dans un bar du quartier de kigobe (zone urbaine de Gihosha, nord de Bujumbura). Son ami qui est connu sous le sobriquet de Milindi a fui juste le lendemain. Avant de se cacher, il a confié à la famille du disparu que des agents du SNR (renseignement burundais) étaient à l’origine du kidnapping». (N.B. : SOS Media Burundi parle de Milindi, FOCODE Mirindi ; mais c’est la même personne). [Voir https://web.facebook.com/sosmediasburundi/posts/1043089242419781:0?_rdr]
  1. Le rapport n° 7 de SOS-Torture/Burundi, sorti le 30 janvier 2016, porte également ses soupçons sur le SNR dans la disparition de Bernard Baranjoreje : « Un militant du parti d’opposition MSD a été enlevé au quartier Kigobe (nord de Bujumbura) en date du 19 janvier 2016. La victime s’appelle Bernard Baranjoreje, un homme marié et père de deux enfants et ses proches n’ont aucune trace de lui depuis son enlèvement par des personnes soupçonnées être des agents du Service National des Renseignements Burundais ». [Voir http://www.fiacat.org/sos-torture-burundi-no-7] 

D. Actions menées par la famille en vue de retrouver la victime 

  1. Dès le lendemain de la disparition de Bernard Baranjoreje, les membres de sa famille l’ont cherché dans les différents cachots de la police et du SNR en Mairie de Bujumbura mais en vain ;
  1. La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) a été également approchée par le père de Bernard Baranjoreje pour qu’elle puisse aider dans la recherche du disparu mais rien de sérieux n’a été visiblement fait puisqu’on lui a tout simplement répondu « on va suivre le cas » et, à ce jour, il n’a reçu aucune suite.

E. Auteurs présumés de la disparition forcée de Bernard Baranjoreje 

  1. Selon les informations recueillies par la famille de la victime après l’enlèvement, les auteurs de sa disparition sont des agents du SNR. En effet, la personne connue sous le sobriquet de MIRINDI qui était avec la victime au moment de l’enlèvement a confié à la famille de cette dernière que les agents du SNR étaient à l’origine de cet enlèvement ;
  2. Trois jours après la disparition de la victime, son épouse a reçu un coup de téléphone d’un policier qui lui disait que son mari était détenu au Bar IWABO W’ABANTU de feu Général Adolphe Nshimirimana sur ordre de Mathias Niyonzima, un agent du SNR connu sous le sobriquet de KAZUNGU.
  3. Le 07 février 2016, un compte twitter de Désiré Nduwarugira@nduwarugira a lancé une alerte selon laquelle un témoin venant du Bar IWABO W’ABANTU avait vu Bernard Baranjoreje devant Kazungu et Jonas du SNR ainsi qu’Emmanuel Niyongabo ex-Administrateur de la Commune urbaine de Cibitoke. Le Tweet disait craindre une exécution de la victime sans d’autres précisions. Et ce fut la dernière fois qu’il y avait une personne disant avoir vu Bernard Baranjoreje.

F. La famille rançonnée sur de fausses promesses de libération de Bernard Baranjoreje 

  1. Le policier qui a renseigné que la victime se trouvait au Bar IWABO W’ABANTU a demandé à la famille une somme d’argent afin qu’il négocie la libération de Bernard Baranjoreje. La famille lui a remis cent cinquante mille francs burundais (150.000Fbu).

G. Souffrance et répétition du calvaire de la famille après la disparition de la victime

  1. « Je suis fatiguée par cette situation. Au moins si je l’avais enterré, je pourrais être tranquille. J’essaie d’oublier mais cela est impossible notamment quand les enfants me demandent où est leur Papa. Et cela me rappelle beaucoup de choses. Le petit prend les vêtements et appelle papa et ça me fait pleurer », raconte, le cœur douloureusement meurtri, l’épouse de Bernard ;
  2. « La situation s’est aggravée quand des policiers sont revenus fouiller chez nous quelques semaines après la disparition de mon époux. Ils nous ont réveillés avec des fusils et les enfants criaient. Les policiers me demandaient où se trouvait mon mari et cela m’a profondément choquée. Je leur ai répondu que je n’ai pas de mari », nous a encore confié l’épouse de Monsieur Bernard Baranjoreje.

H. Prise de position et Recommandations

Il importe de souligner d’emblée que d’une part des noms des employés du Service National de Renseignement sont cités dans la disparition de Monsieur Bernard Baranjoreje (des noms par ailleurs cités dans plusieurs rapports sur les violations de droits de l’homme) et que d’autre part un endroit privé, en l’occurrence un bar, est cité comme ayant servi de cachot secret pour le compte du SNR (ce bar est également cité dans plusieurs autres témoignages de violations de droits humains). Les employés et le service cités dépendent tous de la tutelle directe de Monsieur Pierre Nkurunziza. Cette situation est inacceptable d’autant plus que le phénomène des disparitions forcées est quasiment devenu systématique et généralisé. 

Face à cette situation, le FOCODE : 

  1. Condamne pour la nième fois les arrestations illégales et arbitraires des citoyens du Burundi opérées par des forces de l’ordre et qui sont suivies par des détentions dans des lieux secrets non communiqués ni par des déclarations publiques ni aux membres des familles des détenus ;
  2. Exige des explications des autorités burundaises, en l’occurrence du Président Nkurunziza autorité de tutelle de l’officier Joseph Niyonzima alias KAZUNGU relevant du SNR, sur la disparition de Monsieur Bernard Baranjoreje ;
  3. Condamne l’inaction complice de la police, de l’administration territoriale, du ministère public et même de la CNIDH après avoir  pris connaissance de la disparition de Bernard Baranjoreje ;
  4. Demande :
  • Aux autorités du Burundi de fermer tous les cachots secrets, d’assurer la publicité de tous les cas d’arrestation afin de permettre aux familles d’assister les leurs et de bannir tout transfert ou interrogatoire des détenus pendant la nuit ;
  • Aux Nations-Unies, à l’Union Africaine et à l’EAC d’envoyer rapidement au Burundi une commission internationale d’enquête sur les violations graves de droits de l’homme (y compris les disparitions forcées, les cas de viol et de torture ainsi que les exécutions extra-judiciaires) et une force de protection des citoyens.
  1. Invite tous les résidents du Burundi et particulièrement les familles à lui communiquer les cas de disparitions des personnes arrêtées par des agents de l’Etat ou des groupes ayant des liens avec l’Etat ou encore des groupes armés. Ces informations seront envoyées à l’adresse email : [email protected] et au numéro WhatsApp : +257 79 910 446 utilisé par le Président du FOCODE.

Les cas de disparitions forcées déjà documentés seront publiés hebdomadairement par des déclarations et d’autres canaux de communication.

Fait à Bujumbura, le 05 Mai 2016

             Pour le FOCODE ; 

Sé Pacifique NININAHAZWE 

               Président