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Disparition forcée de Monsieur Silvère Baribonekeza

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« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Monsieur Silvère BARIBONEKEZA, responsable du parti CNL enlevé par des miliciens Imbonerakure le 20 mars 2019 à Bikingi en commune Nyarusange ».

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur la disparition forcée de Monsieur Silvère BARIBONEKEZA, responsable du parti CNL dans la zone Bukoro de la commune Nyarusange, introuvable depuis son enlèvement par des miliciens Imbonerakure dans la nuit du 20 au 21 mars 2019. Un semblant d’enquête menée par les autorités administratives et policières de la localité a ciblé un témoin de l’enlèvement et un membre de la famille de la victime qui seront libérées quelques semaines plus tard. En réalité, comme dans la quasi-totalité des cas de disparitions forcées documentés par la Campagne NDONDEZA, les auteurs de la disparition forcée de Silvère BARIBONEKEZA bénéficient d’une impunité totale.

A. Identité de la victime

  1. Fils de Simon TUYAGAMUKENGA et de Adèle BARAKAMFITIYE, Silvère BARIBONEKEZA est né en 1960 sur la colline Bikinga, zone Bukoro de la commune Nyarusange en province Gitega (centre du pays). Marié, M. BARIBONEKEZA est père de sept (7) enfants dont cinq (5) filles et deux (2) garçons. Jusqu’au jour de sa disparition forcée, Silvère BARIBONEKEZA faisait vivre sa famille grâce à son métier d’agriculteur.
  1. Les membres de la famille biologique de Silvère BARIBONEKEZA ainsi que les militants du parti Congrès National pour la Liberté (CNL) à Nyarusange ont dit à la campagne Ndondeza que M. BARIBONEKEZA était membre et représentant de ce parti au niveau de la zone Bukoro. Il avait également représenté dans la même zone l’ancien parti FNL d’Agathon Rwasa et avait subi des emprisonnements à cause de cet engagement politique. Quoiqu’opposé au troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA, Silvère BARIBONEKEZA n’avait pas participé aux manifestations populaires de 2015.

B. Contexte de la disparition forcée de Monsieur Silvère BARIBONEKEZA

  1. La nuit du 20 Mars 2019, aux environs de minuit, le ménage de Silvère BARIBONEKEZA situé sur la colline Bikingi, zone Bukoro de la commune Nyarusange en province Gitega a été attaqué par des personnes en tenue militaire de l’armée burundaise. Ils ont intimé à Silvère BARIBONEKEZA l’ordre d’ouvrir la porte de la maison, celui-ci ayant refusé d’obtempérer, ils ont défoncé la fenêtre de sa chambre à coucher, se sont introduits à l’intérieur de la maison et l’ont sorti nu par la fenêtre sans même lui donner le temps de mettre des vêtements. Quand il les a suppliés de lui permettre de s’habiller, ils lui auraient rétorqué : « Nous allons te donner des vêtements nous-mêmes ».
  1. Dans les jours qui ont précédé cet enlèvement, Silvère BARIBONEKEZA avait reçu des menaces lui proférées par des responsables du parti CNDD-FDD et des miliciens Imbonerakure sur son affiliation au nouveau parti d’opposition CNL.
  1. Une source a confirmé à la Campagne NDONDEZA qu’il avait reconnu des miliciens Imbonerakure de la colline Bikingi parmi les personnes en tenue militaire ayant enlevé nu le quinquagénaire Silvère BARIBONEKEZA.

C. Manœuvres opérées par des autorités administratives et policières en vue de fausser les pistes de recherche.

  1. Le lendemain de l’enlèvement de Silvère BARIBONEKEZA, à l’aube du 21 Mars 2019, l’administrateur communal de Nyarusange, le commissaire de police dans la même commune et trois (3) membres du conseil de colline natale de la victime, sont arrivés sur la colline Bikingi et ont sommé toute la population de la colline à cesser ses activités afin de se mobiliser à la recherche de la personne disparue, dans les marais, dans les buissons et dans les rivières de la localité ; des recherches qui en fin de compte n’ont produit aucun résultat positif puisque la victime n’a pas pu être retrouvée.
  1. Au moment où ces responsables administratifs et sécuritaires s’activaient dans cette recherche aux allures d’une diversion destinée à fausser les pistes et à protéger les vrais bourreaux, Salvator BIGIRIMANA, sentinelle à la succursale catholique de Gasivya (une sous-colline de Bikingi) a donné une information qui a fait l’effet d’une bombe chez ces administratifs et toute la population attelée dans cette recherche.
  1. Voyant les recherches se concentrer sur cette colline seulement et voulant innocemment aider ces responsables administratifs qu’il croyait de bonne foi, Salvator BIGIRIMANA, militant du parti CNDD-FDD, a dit avoir vu une camionnette de type Toyota Hilux qui est venue, les phares éteints, pendant la nuit fatidique et qui a été dissimulée par ses occupants non loin de la succursale dont il avait la garde. Les occupants seraient ensuite partis à pied. Le véhicule serait reparti après un temps que la sentinelle n’a pas pu estimer.
  1. Très embarrassé par cette révélation, le commissaire communal la de police a sévèrement réprimandé Salvator BIGIRIMANA. Son tort ? Il aurait dû taire cette information étant donné que lorsqu’il avait vu le fameux véhicule, il n’avait pas alerté pour que ces gens puissent être arrêtés. Le commissaire a par la même occasion ordonné son arrestation et sa garde à vue au cachot de la commune Nyarusange.
  1. Une autre personne arrêtée pour des raisons d’enquête est Philippe BARASOKOROZA, le frère de Silvère BARIBONEKEZA. Selon nos sources, le commissaire communal a justifié l’arrestation par un motif fallacieux d’un malentendu social qui se serait manifesté entre les deux frères dans les jours qui ont précédé la disparition de Silvère.
  1. Tous les deux hommes furent d’abord emprisonnés au cachot de la commune Nyarusange puis transférés au cachot du commissariat provincial de la police à Gitega. Pourtant, la population de la zone Bukoro est convaincue que les personnes appréhendées sont innocentes.

D. Les présumés auteurs de l’enlèvement et de la disparition forcée de Silvère BARIBONEKEZA.

  1. La Campagne NDONDEZA a pris connaissance des révélations confidentielles d’un témoin oculaire affirmant que parmi les auteurs de l’enlèvement de Silvère BARIBONEKEZA figurent un certain Stany NAHIMANA, chef de la milice Imbonerakure du CNDD-FDD en zone Bukoro ainsi que le chef de la colline de Bihomvora[1], Térence NTAMUBWIRIZA.
  1. Les manœuvres de diversion concoctées par l’administrateur communal de Nyarusange et le chef de la police, plus particulièrement l’arrestation et l’emprisonnement de Salvator BIGIRIMANA, sentinelle à la succursale de l’Eglise catholique de Gasivya suite aux révélations embarrassantes qu’il a faites, l’arrestation et l’emprisonnement de Philippe BARASOKOROZA, le frère de la victime sur un alibi de conflit familial, tous ces éléments constituent une piste que les enquêteurs devraient privilégier.
  1. Le véhicule qui aurait emmené Silvère BARIBONEKEZA appartiendrait au responsable du Service National de Renseignement (SNR) à Gitega.

E. Efforts consentis par la famille et les amis pour retrouver la victime.

  1. Malgré les menaces proférées par les administratifs et les miliciens imbonerakure, la famille et les amis ont fait ce qu’ils pouvaient faire pour tenter de localiser le lieu où serait détenu Silvère BARIBONEKEZA. C’est ainsi qu’ils se sont rendus dans les lieux de détentions officiels à Nyarusange et Gitega, y compris les geôles gérées par le SNR, mais n’ont pas trouvé Silvère BARIBONEKEZA.
  1. L’enlèvement et la disparition forcée de Silvère BARIBONEKEZA a plongé sa famille dans le désarroi le plus total, ne sachant pas s’il faut faire le deuil ou s’il fallait continuer la recherche. Les militants du Congrès National pour la Liberté de la commune Nyarusange en général et de la zone Bukoro en particulier vivent la peur au ventre, chacun se demandant s’il ne sera pas la prochaine victime. Certains ont déjà fait le choix de la vie en clandestinité.

  N.B. : Le FOCODE avise ceux qui voudront utiliser d’une manière ou d’une autre les données de cette enquête qu’une partie d’informations a été gardée confidentielle afin de tenter de protéger les sources ou de préserver l’intégrité des différentes preuves qui pourront être utiles aux instances judiciaires ou autres qui pourront traiter le dossier. Ces informations pourront être livrées, sur requête, à tout organe d’enquête jugé indépendant ou toute autre source jugée appropriée à recevoir de telles informations.

 F. Recommandations et prise de position du FOCODE.

  1. Le FOCODE condamne la disparition forcée de Monsieur Silvère BARIBONEKEZA, responsable du parti CNL dans la zone Bukoro de la commune Nyarusange, introuvable depuis son arrestation à Bikingi par des miliciens Imbonerakure le 20 mars 2019 ;
  1. Le FOCODE condamne le silence persistant des autorités burundaises et l’indifférence totale de la police et de la justice burundaises sur des cas de disparitions forcées et d’autres crimes graves, même quand les auteurs sont clairement identifiés comme des agents de l’Etat ou des miliciens au service du régime ;
  1. Le FOCODE condamne l’emprise de plus en plus importante des miliciens Imbonerakure sur des communautés locales et leur utilisation dans des questions relevant de l’action des corps de sécurité ;
  1. Le FOCODE condamne la persistance des lieux secrets de détention, notamment dans des maisons privées, une pratique illégale qui facilite les disparitions forcées ;
  1. Le FOCODE demande une enquête indépendante sur la disparition forcée et sur les rôles joués par les agents de l’Etat et les différentes personnes citées dans cette enquête ;
  1. Le FOCODE réitère sa demande à la Cour Pénale Internationale d’enquêter profondément sur le phénomène des disparitions forcées devenu récurrent au Burundi et l’engagement des poursuites contre leurs auteurs présumés.

[1] Une colline frontalière de Bikingi