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Disparition forcée du Caporal-chef Vincent Kwizera

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DECLARATION DU FOCODE n° 017/2017  du 29 juin 2017

 

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée du Caporal-chef Vincent KWIZERA, militaire burundais enlevé le 14 décembre 2015 à Kamenge ».

Paradoxe burundais : quand la disparition des militaires ne préoccupe pas la hiérarchie !

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur la disparition forcée du Caporal-chef Vincent KWIZERA, un militaire burundais âgé de 37 ans, enlevé le 15 décembre 2015 tout près de sa résidence à Kamenge, un quartier au nord de la Ville de Bujumbura.

Ce dossier de la Campagne NDONDEZA s’inscrit dans une série de cas de disparitions forcées des membres des corps de défense et de sécurité. Elément de l’ancienne armée à majorité Tutsi (ex-FAB), le Caporal-chef Vincent KWIZERA a disparu quelques jours seulement après son retour de la Somalie où il participait au contingent burundais de l’AMISOM (Mission de l’Union Africaine en Somalie). Il a été enlevé alors qu’il se trouvait tout près de sa résidence par des personnes à bord d’un pick-up de la police de protection des institutions (API) selon des témoins. Comme dans de nombreux autres cas de disparition forcée des militaires, les autorités militaires ont gardé le silence et la justice inactive sur cette disparition.

 A. Identité de la victime

  1. Fils de Julien MUHIMIRI et de Daphrose NDIKUMANA, Vincent KWIZERA est né en 1978 dans la Zone urbaine de Kamenge, au Nord de la Ville de Bujumbura. Père d’un fils de 10 ans issu d’une première union, le Caporal-chef Vincent KWIZERA n’avait pas encore eu d’enfant issu de ses secondes noces. Il résidait à Kamenge, tout près du Camp « SOCARTI », au moment de sa disparition forcée.
  1. Matricule 29494, le Caporal-chef Vincent KWIZERA est un élément de l’ancienne armée burundaise, ex-FAB (Forces Armées Burundaises), avant l’intégration des éléments des anciens mouvements rebelles, ex-PMPA (Partis et Mouvements Politiques Armés). Au moment de sa disparition forcée, il attendait une nouvelle affectation après son retour de Somalie où il avait participé au Contingent burundais de l’AMISOM (Mission de l’Union Africaine en Somalie). Avant son départ en Somalie, le Caporal-chef Vincent KWIZERA était affecté à l’Etat-major général de l’Armée burundaise selon ses proches.
  1. Beaucoup de militaires ex-FAB ont été victimes de disparitions forcées, d’exécutions extra-judiciaires ou d’emprisonnements arbitraires depuis le déclenchement de la contestation populaire du troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA, plus particulièrement après l’échec de la tentative de putsch du 13 mai 2015 pourtant dirigée par un Général ex-PMPA. Des militaires ex-PMPA perçus comme des opposants au troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA ont également, dans une moindre mesure, fait objet de disparitions forcées.

B. Contexte de la disparition forcée du Caporal-chef Vincent KWIZERA.

  1. Selon des informations recueillies auprès de ses proches, le Caporal-chef Vincent KWIZERA a été enlevé le 14 décembre 2015 par des policiers à bord d’un pick-up de la police de protection des institutions (API) alors qu’il se trouvait tout près de sa résidence à Kamenge au Nord de la Ville de Bujumbura. Depuis cet enlèvement, aucune trace du Caporal-chef Vincent KWIZERA n’a été trouvée. Contrairement aux habitudes en cas de disparition forcée, aucune demande de rançon n’a été faite auprès de ses proches.
  1. Le FOCODE n’a pas pu obtenir des précisions sur les noms des policiers qui ont été impliqués dans l’enlèvement suivi de disparition forcée du Caporal-chef Vincent KWIZERA. Toutefois, dans les jours qui ont suivi l’attaque de certains camps militaires dans la nuit du 10 au 11 décembre 2015, un Brigadier de l’API, disposant d’un pick-up, a été particulièrement actif dans la répression des quartiers Nord de la ville de Bujumbura : BPP1 Jonas NDABIRINDE, élément du renseignement au palais présidentiel de Pierre NKURUNZIZA. Le FOCODE n’est pas en mesure de confirmer que c’est le même brigadier qui a enlevé le Caporal-chef Vincent KWIZERA.
  1. Tout comme dans les autres dossiers de disparitions forcées des militaires, les autorités de l’armée burundaise, en l’occurrence le Chef d’Etat-major général et le Ministre de la défense Nationale, ont gardé le silence sur ce cas. Aucune initiative pour le retrouver n’a été portée à la connaissance de ses proches. De même, aucune action judiciaire n’aurait été engagée pour châtier les auteurs de ce crime.

C. Démarches effectuées par les membres de la famille du Caporal-chef Vincent KWIZERA après sa disparition forcée.

  1. Après l’enlèvement du Caporal-chef Vincent KWIZERA, des proches ont tenté de le chercher dans les différents cachots connus, mais en vain. Une année et demie après la disparition, la famille a déjà perdu tout espoir de retrouver un jour le caporal-chef KWIZERA. Elle a même procédé aux cérémonies de levée de deuil définitif le 09 octobre 2016.
  1. Dans les jours qui ont suivi la disparition forcée du Caporal-chef Vincent KWIZERA, son épouse aurait pris le chemin de l’exil après des démarches infructueuses pour retrouver son mari. Le FOCODE n’a pas pu localiser l’épouse de la victime.
  1. Après une vérification auprès des services de l’armée, les proches de la victime ont appris que la solde du Caporal-chef Vincent KWIZERA n’aurait pas été coupée après sa disparition forcée, contrairement aux habitudes dans ces situations. Toutefois, les proches de la victime ne savent pas qui aurait continué à percevoir la solde tandis que son fils manque même de la carte mutuelle pour se faire soigner.
  1. Comme dans la quasi-totalité des cas de disparition forcée, les proches du caporal-chef Vincent KWIZERA vivent dans la peur et pensent que toute démarche de suivi de ce cas auprès des autorités burundaises serait très dangereuse pour les survivants.

D. Prise de position et recommandations du FOCODE

  1. Le FOCODE condamne la disparition forcée du Caporal-chef Vincent KWIZERA, le silence ainsi que l’inaction des autorités de l’armée et de la justice burundaise après cette disparition forcée ;
  1. Le FOCODE appelle le Lieutenant-Général Prime NIYONGABO, Chef d’Etat-major général de l’armée burundaise, et Monsieur Emmanuel NTAHOMVUKIYE, Ministre de la défense Nationale et des Anciens Combattants, à expliquer le silence et l’inaction qui les caractérisent dans les cas de disparitions forcées des militaires dont ils ont la charge ;
  1. Le FOCODE condamne pour la nième fois la persistance des lieux de détention secrète coordonnés par le Service du renseignement intérieur au sein du Service National de Renseignement (SNR) ;
  1. Le FOCODE réitère son appel aux autorités de l’armée burundaise à envisager des mesures spécifiques de soutien aux familles des militaires victimes de disparition forcée qui, après la disparition des leurs, se retrouvent dans une situation non prévue par la loi, ne pouvant prouver ni la vie ni la mort du chef de famille notamment ;
  1. Le FOCODE réitère son soutien à la Commission d’Enquête sur le Burundi mise en place par le Conseil des Droits de l’Homme et lui demande d’accorder une attention aux crimes contre les militaires considérés comme opposants dans son rapport final attendu en septembre prochain ;
  1. Le FOCODE réitère enfin sa demande à la Cour Pénale Internationale de l’ouverture sans délais de l’enquête sur tous les crimes sous sa compétence en cours au Burundi et de l’engagement des poursuites contre leurs auteurs.

                                                                                                                                                      Pour le FOCODE ;

                                                                                                                                        Sé Pacifique NININAHAZWE

                                                                                                                                                          Président