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Disparition forcée de l’OPP2 Simon MASUMBUKO, un officier de la Police Nationale du Burundi

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« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de l’OPP2 Simon MASUMBUKO, un officier de la police nationale enlevé à Kobero le 27 mars 2016 ».

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur la disparition forcée de Monsieur Simon MASUMBUKO, un Officier de Police Principal de 2ème classe (OPP2, équivalent de l’ancien grade de commandant dans l’armée burundaise), Chef-adjoint au poste de la PAFE[1] de Kobero à Muyinga, disparu dans la nuit du 27 au 28 mars 2016.

Ce dossier de la Campagne NDONDEZA s’inscrit dans la série d’enquêtes sur plusieurs cas de disparitions forcées des membres des corps de défense et de sécurité du Burundi depuis le début de la contestation du troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza. Comme dans les cas précédents, aucune enquête officielle n’a suivi cette disparition qui revêt d’un certain degré de mystère. Les proches qui ont tenté d’enquêter sur le cas ont systématiquement reçu des menaces des agents de la police ou du service national de renseignement (SNR).

 A. Identification de la victime

  1. Fils de Nicodème NIKONDEHA et  Marie GACOREKE, Monsieur Simon MASUMBUKO   est né le 11 novembre 1971 dans la zone de Musaga de l’actuelle Commune urbaine de MUHA en Mairie de Bujumbura.
  1. Marié et père de 3 enfants, l’Officier de Police Principal de 2ème classe (OPP2) Simon MASUMBUKO  est un ancien des unités de police et gendarmerie avant la création de la police nationale du Burundi (PNB). A ce titre, il est assimilé aux militaires de l’ancienne armée burundaise à majorité Tutsi (communément appelés ex-FAB) avant l’intégration des éléments des anciens mouvements rebelles à majorité Hutu (communément appelés ex-PMPA). Au moment de sa disparition forcée, il était Chef-adjoint au poste de la Police de l’Air, des Frontières et des Etrangers (PAFE) de Kobero dans la province de Muyinga, au nord du pays.
  1. Monsieur Simon Masumbuko avait été promu au grade d’officier de police principal de 2ème classe par Décret n° 100/297 du 31 décembre 2013 portant nomination aux grades de certains officiers de la police nationale.

B. Contexte de sa disparition

  1. D’après des informations recueillies par le FOCODE auprès des proches du disparu, l’OPP2 Simon MASUMBUKO avait déjà des craintes sur sa sécurité depuis qu’il avait constaté une certaine méfiance de ses collègues dont le chef de poste à la PAFE Muyinga qui était son supérieur hiérarchique.
  1. L’OPP2 Simon MASUMBUKO était en effet identifié comme un officier de police Tutsi, natif de la zone Musaga, un des quartiers particulièrement actifs dans la contestation de la 3ème candidature du Président Nkurunziza à la magistrature suprême et indexé par le pouvoir de Bujumbura comme quartier contestataire. De par cette origine et ses idées libres, l’OPP2 Simon MASUMBUKO était assimilé aux officiers putschistes.
  1. A Muyinga, l’OPP2 Simon MASUMBUKO à l’Hôtel California appartenant  à un  certain Apollinaire ou « POLINARI », membre influent du parti CNDD-FDD et qui serait même un proche du Président NKURUNZIZA.
  2. La disparition l’OPP2 Simon MASUMBUKO revêt un caractère quasi-mystérieux. Selon des proches, il avait passé la soirée du 27 mars 2016 à partager un verre avec son chef hiérarchique et chef de poste de la PAFE à MUYINGA, monsieur Alfred MANIRAKIZA. Alors qu’il était bel et bien rentré, le lendemain matin, c’est-à-dire dans la matinée du 28 mars 2016, l’OPP2 Simon MASUMBUKO était introuvable. Pourtant, sa chambre d’hôtel était bien fermée et sa voiture garée au parking de l’Hôtel. Depuis lors, il n’y a plus de traces de officier de la police burundaise.
  1. Des témoins indiquent que l’OPP2 Simon MASUMBUKO a été vu pour la dernière fois le soir même de sa disparition, soit le 27 mars 2016, en compagnie de son supérieur hiérarchique avec qui il avait des relations tendues suite au harcèlement dont sont victimes les militaires et policiers issus des anciennes Forces Armées Burundaises (FAB) avant l’intégration des anciens rebelles.
  1. A travers un article intitulé « Muyinga : un officier de police enlevé, son supérieur hiérarchique soupçonné de complicité »[2] publié par la Radio Publique Africaine en date du 06 avril 2016 sur ce cas de disparition forcée, il est dit que Simon Masumbuko partageait un verre avec son supérieur hiérarchique, Alfred MANIRAKIZA dans la soirée du dimanche 27 mars 2016. D’après la même source, cette rencontre entre les deux policiers avait étonné plus d’un à Kobero surtout que, depuis un certain temps, ils se regardaient en chiens de faïence.« Il faut que les enquêtes débutent sur le Chef de poste de la police des frontières qui partageait un verre avec l’officier enlevé, les relations entre les 2 policiers étaient mauvaises, on ne comprenait pas comment ils peuvent partager un verre », explique l’auteur de l’article. « l’OPP2 Simon Masumbuko n’a pas passé sa nuit à l’hôtel California le dimanche où il logeait depuis des jours.  Il a été enlevé ce jour-là par des agents du Service National des Renseignements qui étaient à bord d’un véhicule de type pick-up vers 20 heures », renchérit l’auteur de l’article.
  1. La disparition de l’OPP2 Simon Masumbuko a été également évoquée dans le rapport alternatif de la société civile à l’attention du comité contre la torture sur la situation au Burundi, 58ème session, 25 juillet au 12 août 2016. Ledit rapport souligne: « Les témoins parlent d’un enlèvement mené par un agent du Service National de Renseignement prénommé Claude, à bord d’un pick-up, lequel agent logeait depuis deux jours dans le même hôtel que la victime ». Les sources indiquent également que cet agent du SNR Claude qui se trouvait à l’Hôtel California depuis le 26/03/2016 n’a plus été revu depuis la date du 28/03/2016, juste après la disparition de l’officier de police Simon Masumbuko.

C. Calvaire de la famille et démarches entreprises pour retrouver la victime: #BringBackMyDad

  1. La famille de l’OPP2 Simon Masumbuko parle d’une disparition inexpliquée. « Nous n’arrivons pas à comprendre sa disparition. Il est rentré comme chaque soir et a mangé le repas préparé par son groom. Il a ensuite demandé au veilleur de fermer les portes avant d’aller se coucher. Comment alors expliquer qu’il disparaisse alors que le portail était fermé et que le veilleur était de garde ? On nous dit qu’il avait oublié de fermer la fenêtre, mais c’est impossible car la fenêtre est protégée par des grillages en fer », indique un de ses proches.
  1. Lorsque la famille a reçu une information faisant état de l’incarcération du disparu au Service National de Renseignement, ceux qui ont tenté de le retrouver ont reçu des menaces de mort de la part des personnes inconnues. Certains membres de la famille du disparu se sont même rendus  à Muyinga pour essayer de le retrouver  mais une source de MUYINGA leur a conseillé de s’abstenir de poser beaucoup de questions sur ce dossier pour des raisons de leur propre sécurité : « cette question on ne la pose pas ici si on veut rester en vie… ».
  1. La famille de Simon Masumbuko a imploré les supérieurs hiérarchiques de ce dernier ainsi que le président de la République de les aider à retrouver l’officier de police disparu : « Nous demandons au Président de nous aider à retrouver notre frère. Nous pensons qu’il est toujours en vie car nous n’avons pas vu de corps. Nous demandons aussi au Commissaire Général de la PAFE, au Directeur Général de la Police et au Ministre de la Sécurité Publique qui sont ses supérieurs d’aider à retrouver l’officier », a demandé un proche de l’OPP2 Simon Masumbuko. Désespérée, la fille de Simon Masumbuko a lancé un hashatag bien suivi par des internautes burundais #BringBackMyDad , mais aucune autorité n’a voulu répondre ou y accorder la moindre attention. C’était très courageux de sa part, beaucoup de proches des victimes préfèrent se taire par crainte pour leur sécurité.

D. Absence d’enquêtes sur le sort de l’OPP2 Simon Masumbuko

  1. Quatorze mois après la disparition presque mystérieuse du Chef-adjoint au poste de la PAFE à Muyinga OPP2 Simon MASUMBUKO, aucune enquête n’a été diligentée pour le retrouver. Ni les employés ou le propriétaire de l’hôtel California, ni le Chef de poste de la PAFE à Kobero du nom d’Alfred Manirakiza, ni les agents du Service National de Renseignement cités dans cet enlèvement n’ont été interrogés par la police car aucune enquête n’a été ouverte alors qu’un officier de la police est, semble-t-il, victime d’un kidnapping. Un comportement étonnant qui confirmerait la complicité de hautes personnalités de l’Etat dans la disparition forcée de l’OPP2 Simon MASUMBUKO. Un jour, le Président NKURUNZIZA, le Ministre de la Sécurité Publique, le Directeur Général de la Police Nationale, l’Administrateur Général du SNR et le Commissaire Général de la PAFE ainsi que le Procureur Général de la République devront expliquer leur inaction sur la disparition forcée d’un officier de la police nationale.
  1. De manière résumée, on est dans la situation d’un officier de police Tutsi, OPP2 Simon MASUMBUKO, assimilé aux putschistes et qui loge dans un hôtel appartenant à un membre influent du CNDD-FDD proche du Président NKURUNZIZA. Le soir de sa disparition, il partage un verre avec son supérieur hiérarchique, Alfred MANIRAKIZA, alors qu’ils avaient des relations exécrables. Au même moment, un agent du renseignement burundais, appelé « Claude », logeait dans le même hôtel depuis deux jours. Curieusement, le lendemain matin, l’officier de la police était introuvable dans l’hôtel même si son véhicule y était toujours garé et l’officier du renseignement était également parti la nuit avec son pick-up. Aucune enquête n’a été menée par les autorités burundaises sur cette disparition et les proches qui ont cherché à en savoir plus ont été menacés de mort.

E. Prise de position et recommandations du FOCODE

  1. Le FOCODE condamne la disparition forcée de l’OPP2 Simon MASUMBUKO, chef de poste adjoint de la PAFE à Kobero disparu dans la nuit du 27 au 28 mars 2016 et dénonce l’inaction des autorités burundaises pour le retrouver ;
  2. Le FOCODE exige une enquête urgente et indépendante sur la disparition forcée de l’OPP2 Simon MASUMBUKO ;
  3. Le FOCODE demande la traduction en justice du Chef de poste de la PAFE à Kobero, Alfred MANIRAKIZA, de l’agent du SNR nommé « Claude », du Patron de l’Hôtel California de Kobero et ses employés pour s’expliquer sur la disparition forcée de l’OPP2 Simon MASUMBUKO ;
  4. Le FOCODE demande des poursuites judiciaires contre les patrons de la police nationale, de la PAFE et du SNR qui n’ont rien entrepris pour retrouver l’OPP2 Simon MASUMBUKO ;
  5. Le FOCODE demande au Groupe de Travail des Nations-Unies sur les disparitions forcées et involontaires de mettre en priorité la situation au Burundi dans sa 112ème session et de plaider pour la prise des mesures de protection du peuple burundais contre les disparitions forcées ;
  6. Le FOCODE réitère sa demande à la Cour Pénale Internationale de l’ouverture sans délais de l’enquête sur tous les crimes sous sans compétence en cours au Burundi et de l’engagement des poursuites contre leurs auteurs ;
  7. Le FOCODE demande au prochain sommet des chefs d’Etat de l’East African Community de sortir de la léthargie et des tergiversations pour prendre des mesures vigoureuses et sérieuses en vue de la protection du peuple burundais et de la solution à la crise qui a trop duré depuis le 25 avril 2015.

                                                                                                                          Pour le FOCODE,

                                                                                                                      Pacifique NININAHAZWE

                                                                                                                                      Président.-

[1] PAFE : Police de l’Air, des Frontières et des Etrangers

[2] L’article est disponible sur le site http://www.rpa.bi/index.php/2011-08-15-07-10-58/droits-de-l-homme/item/2256-muyinga-un-officier-de-la-police-enleve-son-superieur-soupconne-de-complicite