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Disparition forcée de Sadiki Bamporubusa alias Simple

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DECLARATION DU FOCODE n° 002 /2018 du 16 Février 2018


« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA enlevé le 27 juillet 2016 à Bwiza en mairie de Bujumbura ».

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur la disparition forcée de Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA, connu sous le surnom de « Simple », survenue dans l’après-midi du 27 juillet 2016 sur la 2eme Avenue de la zone urbaine de Bwiza, au centre de la ville de Bujumbura. Selon l’enquête menée par le FOCODE, Monsieur BAMPORUBUSA aurait été enlevé, à quelques mètres de sa résidence, par des policiers conduits par le chef de poste de la police à Bwiza en Mairie de Bujumbura pour une destination jusqu’ici inconnue. Militant de l’opposition, proche de l’ancien président du parti au pouvoir CNDD-FDD, Monsieur Hussein RADJABU, Sadiki BAMPORUBUSA était recherché par les services secrets burundais sur une information livrée par le renseignement congolais qui venait d’arrêter un ami de la victime. Sadiki BAMPORUBUSA aurait été accusé de collaborer dans l’approvisionnement des éléments d’un groupe rebelle burundais qui commençaient à s’installer au Congo. En dépit de plusieurs alertes sur des réseaux sociaux, la police burundaise n’a rien fait pour retrouver Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA. Sa famille n’a pas porté plainte de peur des représailles qu’elle pouvait subir. Aucune institution burundaise ne s’est occupée du cas de la disparition forcée de Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA.

A. Identité de la victime

  1. Fils de Salathiel BUZINKINYAKAMWE et de Suzanne BAHATI, Sadiki BAMPORUBUSA est né en 1968 à Gatumba en commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura (dit rural), à l’ouest du Burundi, tout près de la frontière congolaise. Marié et père de six (6) enfants, la victime habitait à l’Avenue de l’Université, quartier de Bwiza au centre de la ville de Bujumbura. Il était un couturier professionnel et vivait de son métier.

B. Affiliation et activités politiques de Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA

  1. Selon des sources contactées par l’équipe NDONDEZA, Sadiki BAMPORUBUSA avait été un militant très engagé du parti au pouvoir le CNDD-FDD, un militantisme qui remonterait de la période où ce parti était encore un mouvement armé. Réputé pour son calme, Sadiki aurait fourni des services précieux à la rébellion du CNDD-FDD, notamment en matière d’approvisionnement du mouvement en toutes sortes de matériels. Grâce à son activisme, il aurait noué à l’époque de fortes amitiés avec les ténors du CNDD-FDD, notamment avec Monsieur Hussein RADJABU alors secrétaire général du mouvement rebelle, puis président du parti.
  1. Suite à la crise qui a secoué le parti CNDD-FDD en 2007, Sadiki BAMPORUBUSA, comme bien d’autres membres de cette ancienne rébellion, a décidé de quitter ce parti et a intégré l’UPD-ZIGAMIBANGA, un parti d’opposition taxé de repaire des proches de Monsieur Hussein RADJABU alors débarqué de la présidence du CNDD-FDD et mis en prison. Le parti UPD-ZIGAMIBANGA a pris part aux manifestations populaires de 2015 contre le troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA et ses membres sont la cible de la répression sanglante en cours au Burundi depuis avril 2015. Le président du parti UPD-ZIGAMIBANGA, Monsieur Zedi FERUZI a été assassiné le 23 mai 2015 par des éléments de la garde présidentielle à Ngagara selon une enquête publiée par le FOCODE[1]. Le porte-parole du même parti, Monsieur Patrice GAHUNGU, a été assassiné le 07 septembre 2015[2]. Le trésorier de l’UPD-ZIGAMIBANGA, Monsieur Léopold HABARUGIRA, a été enlevé en plein jour à Bujumbura le 12 septembre 2017[3] et demeure jusqu’ici introuvable. Beaucoup d’autres militants de ce parti ont été assassinés, sont exilés ou croupissent en prison. Sadiki BAMPORUBUSA était à tel point actif dans son parti qu’il figurait sur la liste des candidats députés présentée en 2015 par le parti UPD-ZIGAMIBANGA dans la province de Bujumbura[4].
  1. En plus d’être membre de l’UPD-ZIGAMIBANGA tant honni par le régime de Pierre NKURUNZIZA, Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA était également soupçonné d’avoir des liens avec les Forces Républicaines du Burundi (FOREBU), un mouvement rebelle dont une branche était alors dirigée par le Lieutenant-colonel Edouard NSHIMIRIMANA et à l’époque réputée proche de Monsieur Hussein RADJABU. Connu pour son efficacité durant la rébellion du CNDD-FDD, Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA était redouté par les services secrets burundais et son sort aurait été vite décidé après un rapport des renseignements congolais selon une source qui s’est confiée au FOCODE. Ce rapport aurait évoqué les noms de trois citoyens burundais, dont l’un venait d’être arrêté à Uvira à l’Est de la République Démocratique du Congo, un deuxième qui se trouvait au Burundi avait pu échapper juste avant l’arrivée à sa résidence des forces de sécurité à sa recherche et le troisième était Sadiki BAMPORUBUSA enlevé le 27 juillet 2016 à Bwiza.

C. Contexte de l’enlèvement et de la disparition forcée de Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA alias « Simple »

  1. La journée du 27 juillet 2016 avait commencé avec des allures d’une journée normale pour Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA et sa famille. En dépit de la répression impitoyable et sanglante du régime de Pierre NKURUNZIZA contre les opposants au troisième mandat du président contesté, Sadiki BAMPORUBUSA alias « Simple » essayait de mener une vie normale, toute « simple ». Il ne savait pas qu’il était déjà dans la ligne de mire du pouvoir de Bujumbura qui le soupçonnait d’être au service de l’opposant Hussein RADJABU et d’avoir des liens forts avec la rébellion des FOREBU. Le matin du 27 juillet 2016, « Simple » a participé à un enterrement d’une de ses connaissances du quartier de Buyenzi (un quartier populaire du centre de la ville de Bujumbura, frontalier de Bwiza, réputé pour sa population à majorité musulmane). Après l’enterrement, il a participé au deuil au domicile du disparu sis à Buyenzi.
  1. Sur son chemin de retour à Bwiza en fin d’après-midi, Sadiki BAMPORUBUSA a traversé le Boulevard du Peuple Murundi qui sépare les quartiers de Buyenzi et Bwiza à l’endroit communément appelé « KURI PERMANENCE » et avant d’emprunter la 2ème Avenue de son quartier. C’est quand il remontait ladite avenue que derrière lui est survenue une voiture de marque TOYOTA Corolla de couleur bleue portant le numéro d’immatriculation C4607A qui, selon des témoins à Bwiza, appartiendrait au chef de poste de police à Bwiza, OPP1 Prime NDIKUBWAYO. Ledit véhicule se serait brusquement arrêté près de Sadiki BAMPORUBUSAet des policiers en seraient sortis ; ils auraient immobilisé leur cible et l’auraient engouffrée dans leur voiture sans ménagement malgré que la victime vivait avec un handicap au niveau de l’une de ses jambes. Ni la destination, ni le sort réservé à Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA alias « Simple » n’ont jamais été révélés à sa famille. Selon une source interne au SNR, Sadiki BAMPORUBUSA aurait été remis, quelques temps après son arrestation, à l’officier de police Guillaume MAGORWA alors chargé des opérations dans les quartiers de Bwiza et Jabe. Cette remise aurait été faite devant le bar communément appelé « Chez Ntekumutwe » à Jabe.
  1. Selon des informations qui sont parvenus à la famille via des réseaux sociaux (notamment sur le compte Facebook de Monsieur Hussein RADJABU[5]) mais qui n’ont pas pu être vérifiées, Sadiki BAMPORUBUSA aurait été sauvagement torturé puis exécuté le lendemain de son enlèvement, c’est-à-dire le jeudi 28 juillet 2016. Ces informations ne précisent pas l’endroit où il a été torturé encore moins là où son cadavre aurait été jeté.

D. Efforts déployés par la famille pour retrouver la victime

  1. Les proches de Sadiki BAMPORUBUSA, épaulés par des amis, ont visité tous les lieux de détention officiels à la recherche du moindre indice pouvant leur renseigner sur le sort de Sadiki mais en vain. Partout où ils sont allés, à commencer par les bureaux officiels du Service National de Renseignement (SNR), la réponse reçue était « NON, cette personne n’a jamais été ici ».
  1. Selon les informations glanées par la Campagne NDONDEZA auprès de ses sources, la famille n’a pas porté plainte ni à la police, ni au parquet, encore moins à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH). En effet, depuis avril 2015, nombre de familles sont plongées dans une désolation indescriptible à cause de la résurgence de cette nouvelle forme de criminalité que sont « les disparitions forcées ». Certaines familles des victimes de ce fléau ont eu le courage de porter plainte à la police et/ou au parquet mais aucune enquête n’a été ouverte dans la quasi-totalité de ces cas. Souvent, ceux qui excellent dans la recherche de la vérité deviennent à leur tour cibles de menaces de mort. C’est donc cette complaisance ou même cette quasi-complicité des institutions publiques qui auraient découragé la famille de la victime à porter plainte.

N.B. : Le FOCODE avise ceux qui voudront utiliser d’une manière ou d’une autre les données de cette enquête qu’une partie d’informations a été gardée confidentielle afin de tenter de protéger les sources ou de préserver l’intégrité des différentes preuves qui pourront être utiles aux instances judiciaires ou autres qui pourront traiter le dossier. Ces informations pourront être livrées, sur requête, à tout organe d’enquête jugé indépendant ou toute autre source jugée appropriée à recevoir de telles informations.

E. Prise de position et Recommandations

  1. Le FOCODE condamne l’enlèvement suivi de la disparition forcée de Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA alias « Simple » et demande une enquête indépendante sur ce crime odieux ;
  1. Le FOCODE condamne la persistance de l’indifférence ainsi que la quasi-complicité de la police, de la justice burundaises et de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme face à des crimes odieux contre les citoyens du Burundi, notamment dans des cas de disparitions forcées ;
  1. Le FOCODE encourage les familles des victimes du crime de disparition forcée et d’autres crimes graves à garder jalousement des informations sur les circonstances et les auteurs de ces crimes, à les communiquer discrètement aux organisations sérieuses de défense de droits des droits de l’homme et à saisir quand c’est possible les mécanismes internationaux compétents  ;
  1. Le FOCODE demande une enquête judiciaire sur le rôle présumé de l’OPP1 Prime NDIKUBWAYO, chef de poste de la police à Bwiza au moment des faits, de l’OPC2 Guillaume MAGOGWA, officier de police alors chargé des opérations à Bwiza et Jabe ainsi que de toute autre personne impliquée dans la disparition forcée de Monsieur Sadiki BAMPORUBUSA ;
  1. Le FOCODE salue la nomination par le Secrétaire Général des Nations-Unies du nouveau président de la Commission d’Enquête sur le Burundi et demande encore une fois une attention particulière de la commission sur les crimes de disparitions forcées qui persistent après le dernier rapport de la Commission ;
  1. Le FOCODE est fortement préoccupé par la persistance de la pratique des disparitions forcées en ce début de l’année 2018 et craint que le fléau pourra prendre une ampleur plus dramatique dans le courant du processus du référendum constitutionnel engagé unilatéralement par le régime de Pierre NKURUNZIZA ;
  1. Le FOCODE réitère son soutien à l’enquête de la Cour Pénale Internationale sur des crimes graves en cours au Burundi depuis avril 2015 et continue à demander la mise en place de mesures ad hoc de protection des victimes, des témoins et des familles des victimes.

[1] Assassinat de Zedi Feruzi : rapport du FOCODE, http://ndondeza.org/zedi-feruzi/

[2] Burundi : assassinat de l’opposant Patrice Gahungu à Bujumbura, http://www.jeuneafrique.com/262881/politique/burundi-quatrieme-assassinat-cible-dun-membre-de-lopposition/

[3] Burundi : Léopold Habarugira, cadre de l’opposition, enlevé en plein jour à Bujumbura, http://www.jeuneafrique.com/473849/politique/burundi-leopold-habarugira-cadre-de-lopposition-enleve-en-plein-jour-a-bujumbura/

[4] http://www.ceniburundi.bi/IMG/pdf/DEPUTES_UPD_ZIGAMIAB_2015.pdf

[5]https://www.facebook.com/H.Radjabu/?hc_ref=ARQBzksJSP2egbxkJfFQmFh4MswpAr9QLv6PlN9hqgiXLDA5JITu6r4WSQXUr_FtPzg&fref=nf