DECLARATION DU FOCODE n°015/2016 DU 29 Juillet 2016
« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de l’Adjudant Philibert NDUWAMUNGU, de l’Adjudant-major Emmanuel NAHAYO et du Caporal-chef NDEREYIMANA introuvables depuis leur arrestation par des agents du SNR le 19 mai 2016 à Kamenge».
Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a reçu des informations et des témoignages sur la disparition forcée de trois militaires de l’armée burundaise: l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU, l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO et le caporal-chef NDEREYIMANA introuvables depuis leur arrestation (ou enlèvement) par des éléments du Service National de Renseignement (SNR) le soir du jeudi 19 mai 2016 à Kamenge, un quartier au Nord de la ville de Bujumbura. Le FOCODE n’a pas pu obtenir des informations sur l’identité du caporal-chef NDEREYIMANA ni sur le sort de sa famille depuis sa disparition forcée. Les trois cas sont traités conjointement pour la simple raison que les trois militaires ont été arrêtés ensemble et ont probablement connu le même sort.
Cette triple disparition forcée revêt un caractère particulier par rapport aux douze cas précédemment documentés par la Campagne NDONDEZA : pour la première fois la campagne traite de la disparition forcée des membres des corps de défense et de sécurité du Burundi. Pourtant, des cas de disparitions forcées sont fort nombreux dans ces corps, notamment parmi les éléments de l’ancienne armée burundaise communément appelés « ex-FAB » dont font partie les trois militaires disparus.
Il importe de rappeler ici que l’armée actuelle du Burundi (la Force de Défense Nationale, FDN) est le fruit de la fusion de deux grandes composantes :
- L’ancienne armée burundaise (Forces Armées Burundaises, FAB) à majorité Tutsi, dont les membres sont communément appelés « ex-FAB » ;
- Les anciens mouvements rebelles (Partis et Mouvements Politiques Armés, PMPA) à majorité Hutu dont les plus importants étaient le CNDD-FDD dirigé par Pierre NKURUNZIZA, le FNL dirigé par Agathon RWASA et le CNDD dirigé par Léonard NYANGOMA ; c’est de là que vient l’appellation « ex-PMPA ».
Cette triple disparition forcée vient encore une fois rappeler la gravité du phénomène de disparitions forcées au Burundi, un phénomène qui n’épargne aucune catégorie de la population burundaise. Dans un communiqué sorti le 21 juillet 2016, la Fédération Internationale des Ligues de Droits de l’Homme (FIDH) a estimé à huit cents (800) le nombre de personnes disparues depuis le déclenchement de la crise politique liée au troisième mandat du président Pierre NKURUNZIZA le 26 avril 2015.[1] Bien plus grave, le phénomène des disparitions forcées dans les corps de défense et de sécurité risque de menacer irrémédiablement le processus de paix et de réconciliation matérialisé par l’Accord d’Arusha de 2000.
- Identités des victimes
- Fils de Boniface NTAKAGIKIRA et de Domitille NIYONGERE, Philibert NDUWAMUNGU est né en 1976 à Mudahangwa en commune et province Bururi au Sud du Burundi. Marié, il a sa résidence à Carama, un des quartiers de la ville de Bujumbura. Sous-officier de la FDN (matricule C1226), Philibert NDUWAMUNGU portait le grade d’adjudant et travaillait comme infirmier au Camp NGAGARA le jour de sa disparition forcée.
- Fils d’Etienne MATONDE et d’Isidonie SINDAYIGWANYA, Emmanuel NAHAYO est né en 1966 à Mugozi en commune et province Bururi, au sud du Burundi. Marié et père de trois enfants en bas âge (8, 6 et 4 ans), il a sa résidence familiale au chef-lieu de la province Ruyigi, à l’Est du pays. Toutefois, comme il était affecté au bureau d’une des directions générales du ministère de la Défense Nationale, il résidait également au Camp Ngagara à Bujumbura. Sous-officier de la FDN (matricule C2770) Emmanuel NAHAYO portait le grade d’adjudant-major, soit le grade le plus élevé de sa catégorie, et travaillait à la Direction Générale des Anciens Combattants au moment de sa disparition forcée le 19 mai 2016.
- A part qu’il s’agirait d’un « ex-FAB », le FOCODE n’a reçu aucune information sur l’identification du Caporal-chef NDEREYIMANA.
- Contexte de la disparition forcée des trois militaires : un piège tendu en deux phases.
1ère phase : le faux accident du mercredi 18 mai 2016
- Selon les informations recueillies auprès des proches de l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU, le processus de sa disparition a commencé par le piège d’un faux accident de roulage le soir du mercredi 18 mai 2016. Alors qu’il rentrait de travail, deux taxis-motos lui auraient coupé la priorité et leurs chauffeurs l’ont accusé d’avoir voulu les cogner. Philibert se serait excusé en remerciant l’Eternel qu’il n’y avait pas eu d’accident.
- Curieusement, juste après les échanges avec les deux chauffeurs de taxis-motos, un jeune homme s’est introduit dans le véhicule de Philibert. Il s’agirait d’un certain Abdul, un des AT (agents de transmission ou garde du corps) de Mathias NIYONZIMA alias Kazungu, un officier du SNR cité dans plusieurs exactions dont des cas de disparitions forcées. Philibert NDUWAMUNGU se serait étonné de cette intrusion dans son véhicule en expliquant notamment qu’il se rendait chez sa sœur à Carama. Le jeune homme lui aurait signifié qu’il se rendait au même quartier. Sur le point d’arriver à destination, Philibert se serait arrêté à côté d’un kiosque pour annoncer au jeune homme qu’il ne pouvait plus continuer avec lui. C’est alors qu’il aurait réalisé que le jeune homme avait saisi ses téléphones et portait un badge du Service National de Renseignement. Après d’étonnantes discussions, sans argent dans sa poche, Philibert aurait emprunté chez le boutiquier du Kiosque d’à côté une somme de dix mille francs burundais (10.000 FBU) qu’il a dû remettre à ce jeune porteur d’un badge SNR. C’est après cet incident que l’adjudant NDUWAMUNGU a pu rentrer chez lui, un peu choqué.
2ème phase : le surprenant appel du jeudi soir
- Toujours selon ses proches, le jeudi 19 mai 2016, l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU est rentré de travail entre 16 heures et 17 heures. Peu de temps après son arrivée à la maison, il aurait reçu un appel de l’adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE, un ex-PMPA employé de la Direction Générale des Anciens Combattants résidant au Camp Ngagara, lui suggérant de retourner au service pour se justifier sur « un accident de roulage causé la veille à Kamenge ». Ne s’accusant de rien, l’adjudant NDUWAMUNGU a accepté de retourner au camp pour clarifier cette situation et de passer récupérer l’adjudant AHISHAKIYE pour se rendre ensemble au camp. Compte-tenu du contexte sécuritaire, l’épouse de NDUWAMUNGU se serait inquiétée de l’heure tardive de ce déplacement et aurait proposé de reporter le rendez-vous au lendemain matin. Le mari aurait tranquillisé sa femme en arguant qu’il connaissait très bien son ancien collègue Jean-Bosco AHISHAKIYE et aurait laissé deux numéros à appeler s’il advenait quoi que ce soit : le (+257) 69949149 appartenant à Madame Léa NZEYIMANA et le (+257) 61798079 de l’adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE.
- Vers 18h30, sa famille a appris que l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU venait d’être arrêté à Kamenge. La famille a tenté de joindre les deux numéros : celui de l’adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE était éteint, Léa NZEYIMANA a décroché et lui aurait rétorqué « ton mari a causé un accident de roulage et ne s’est pas expliqué, alors ne me tracasse plus avec tes questions…». Cherchant partout sans trouver de réponses, la famille apprendra finalement la version de l’arrestation dans l’émission HUMURA de la Radio Publique Africaine (RPA) le 22 mai 2016[2].
- En plus de l’émission HUMURA du 22 mai, la RPA a décrit la scène de l’arrestation des trois militaires dans un article publié sur son site web le 25 mai 2015 :
« C’était dans la soirée du Jeudi 19 Mai, l’adjudant Philibert Nduwamungu quittait l’hôpital Militaire de Kamenge pour le camp Ngagara où il est affecté. Alors qu’il partait, quatre personnes lui ont sollicité un déplacement : 3 militaires qui se rendaient aussi au camp Ngagara et une femme civile qui se rendait à l’agence Interbank de Kamenge. Après avoir déposé la femme devant la banque et alors qu’il allait reprendre la route, deux véhicules de type pick-up et de marque Toyota sans plaque d’immatriculation lui ont coupé le passage. Des personnes sont aussitôt descendues de ces pick-up et leur ont intimé l’ordre de sortir de leur véhicule, nous indiquent des témoins.
Parmi les quatre militaires qui se rendaient au camp Ngagara, trois d’entre eux ont été arrêtés. Il s’agit de l’Adjudant Philibert Nduwamungu, propriétaire du véhicule embusqué, l’Adjudant-Major Nahayo et le Caporal Ndereyimana, tous issus des anciennes Forces Armées Burundaises. Seul l’Adjudant Ahishakiye, ancien membre de mouvement armé, n’a pas été inquiété. Ces pick-up transportaient des personnes, dont certaines d’entre elles étaient en tenue policière, d’autres en civile.
Comme l’affirment des témoins, il y avait deux proches de Joseph Mathias Niyonzima surnommé Kazungu, du Service National des renseignements (SNR); un prénommé Abdul et un certain commissaire « Stany », tous du SNR.
L’adjudant-Major Nahayo et le Caporal Ndereyimana ont été tabassés sur place avant d’être embarqués dans ces pick-up. L’adjudant Nduwamungu a été emmené par le « commissaire Stany» dans son propre véhicule, poursuivent nos témoins.
La famille de Nduwamungu a été informée qu’il est gardé dans l’un des cachots du SNR. Mais selon elle, il ne se trouve dans aucun de ces cachots après vérification ; de même que les deux autres militaires arrêtés avec lui. Son véhicule est aussi porté disparu.”[3]
- Au cas où une enquête indépendante confirmerait cette version des faits, quoiqu’originale par l’organisation d’un faux accident de roulage, ce cas aurait des ressemblances avec pas mal d’autres cas de disparitions forcées. Dans la plupart des cas en effet, les victimes ont répondu le soir à un appel téléphonique d’une personne en qui elles avaient confiance. Dans le cas présent, originaire de Bururi comme les deux adjudants, l’adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE est un ami, un collègue ou un ancien collègue des victimes. Même s’il s’agit d’un ex-PMPA, l’adjudant AHISHAKIYE avait vraisemblablement toute la confiance de ses deux amis ex-FAB. Il est difficile d’affirmer d’emblée que l’adjudant AHISHAKIYE connaissait tout le plan de la disparition forcée, mais son comportement ultérieur pose moult interrogations. Le fait qu’il ne soit pas arrêté avec ses collègues sous-entendrait que les kidnappeurs n’avaient pas peur de son témoignage. Les assurances apportées à l’une des familles des victimes le 27 mai 2016 indiqueraient qu’il est resté en contact avec les kidnappeurs. L’absence de poursuites sérieuses contre lui et son envoi en Somalie au sortir du cachot (voir point 13), comme pas mal d’autres militaires utilisés dans des cas de disparitions forcées et d’assassinats, intriguent.
- L’identité de la femme déposée au bureau d’INTERBANK Burundi à Kamenge n’a pas été dévoilée. Le FOCODE partage l’opinion d’une des familles des victimes qui pense qu’il s’agirait de Léa NZEYIMANA, propriétaire du numéro (+257) 69949149. L’adjudant Philibert NDUWAMUNGU l’avait signalée comme une des personnes à chercher s’il advenait quoi que ce soit. Madame NZEYIMANA a échangé des appels et des messages téléphoniques avec les trois adjudants concernés par ce dossier les 18 et 19 mai 2016. Elle ne s’est pas étonnée de la disparition de Philibert NDUWAMUNGU lorsqu’elle a reçu l’appel de sa famille le jeudi soir. Enfin, tout comme le numéro utilisé par l’adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE dans cette opération (+257) 61798079, celui de Léa NZEYIMANA n’est plus accessible.
- Le FOCODE n’a pas été à mesure de déterminer si l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO et le Caporal-chef NDEREYIMANA étaient dès le départ concernés par le piège ou s’ils ont été arrêtés dans l’objectif d’éliminer les témoins oculaires de la disparition forcée de l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU. Toutefois, il a été constaté que les deux suspects, en l’occurrence l’adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE et Madame Léa NZEYIMANA, ont échangé des appels et des textos téléphoniques aussi bien avec l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU qu’avec l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO. Le jeudi 19 mai 2016, peu après 16 heures, les deux sous-officiers de l’armée burundaise ont reçu un appel presque au même moment : Philibert NDUWAMUNGU a reçu un appel de Jean-Bosco AHISHAKIYE l’invitant à revenir au service pour se justifier sur l’accident de la veille, Emmanuel NAHAYO a reçu un appel de Léa NZEYIMANA dont le contenu n’a pas été dévoilé.
- Indifférence des organes de l’Etat après la disparition forcée des trois militaires
- Les organes de l’Etat ont brillé par leur silence après la disparition forcée de l’adjudant-infirmier Philibert NDUWAMUNGU, de l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO employé d’une direction générale du ministère de la Défense Nationale et du caporal-chef NDEREYIMANA. Ni le ministère de la défense nationale qui les emploie, ni la police nationale chargée d’enquêter, encore moins le service national de renseignement soupçonné d’avoir été impliqué dans leur enlèvement, aucun organe de l’Etat n’a sorti une déclaration sur cette disparition forcée. Est-ce normal que l’armée ne s’inquiète pas quand des militaires disparaissent ? Bien plus, les familles n’ont reçu aucune assistance de l’Etat dans la recherche des leurs et elles n’ont jamais été informées des démarches officiellement entreprises dans la recherche des disparus.
- Le principal suspect dans la disparition des trois militaires adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE n’a pas été inquiété même après la diffusion de l’émission Humura du 22 mai 2016, il est resté libre au moins jusqu’au 27 mai 2016 date à laquelle il a annoncé à l’une des familles des victimes que les trois militaires étaient encore en vie. Le FOCODE a appris que l’adjudant AHISHAKIYE aurait été arrêté et détenu à la police militaire plus tard en juin 2016. Mais là aussi il aurait gardé des contacts téléphoniques avec de hautes personnalités de l’Etat dont un qu’il appelle « Mutama »[4]. Selon les dernières informations reçues par le FOCODE, l’adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE serait déployé en Somalie dans le cadre de l’AMISOM. Depuis un certain temps, AMISOM est en effet perçu comme une mission de récompense des militaires utilisés par le pouvoir de Bujumbura dans des missions d’exécutions ou de disparitions d’opposants.
- En date du 23 mai 2016, le FOCODE a été informé par une source proche des lieux que les trois militaires étaient détenus dans les toilettes des chambres d’une sorte d’hôtel installé dans les enceintes du « Bar Iwabo w’abantu »[5] de Feu Lieutenant-Général Adolphe NSHIMIRIMANA, ancien patron du SNR. Cette information a été partagée via Twitter et largement partagée sur les réseaux sociaux burundais. Curieusement, cette piste n’a été vérifiée par aucun organe de l’Etat. Le 02 juin 2016, la même source a informé le FOCODE que les trois militaires avaient été déplacés vers une maison qui servirait de cache d’armes du SNR à Buterere en Mairie de Bujumbura[6]. Depuis, le FOCODE n’a reçu aucune autre information sur la situation des trois militaires.
- L’Etat du Burundi n’a pas non plus compati à la situation de détresse dans laquelle se trouvent les familles des victimes de cette triple disparition forcée. Ainsi, il n’a pas hésité à suspendre les salaires des trois militaires dès le mois suivant leur disparition forcée. Et les familles ne peuvent réclamer aucune sorte d’indemnité (ni l’indemnité de décès ni la pension des survivants) puisqu’elles ne sont même pas à mesure de qualifier et prouver la situation des leurs.
- De la disparition forcée des « ex-FAB » et des injustices insoutenables à l’égard de leurs familles
- La disparition forcée de l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU, de l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO et du caporal-chef NDEREYIMANA, tous « ex-FAB » n’est pas un cas isolé. Le FOCODE a été informé de plusieurs autres cas de disparitions forcées d’éléments de l’ancienne armée burundaise. Ces disparitions font suite, dans la quasi-totalité des cas, à des arrestations arbitraires (plutôt des enlèvements) attribuables à des éléments du SNR, de la Brigade Anti-Emeutes, de la garde présidentielle (API) ou à certains commandants de camps militaires. Ces disparitions forcées ne sont jamais dénoncées par le ministère de la Défense Nationale et des Anciens Combattants ni communiquées au public. Ces cas de disparitions forcées concernent aussi bien des éléments de l’armée, de la police nationale ou du SNR issus de l’ancienne armée, de l’ancienne gendarmerie ou de l’ancienne police. De manière minoritaire, elles touchent également des « ex-PMPA » taxés d’opposants au troisième mandat du Président Pierre NKURUNZIZA.
- Les familles des victimes subissent des injustices insoutenables après la disparition forcée des leurs. D’abord, les familles ne sont jamais officiellement informées de la disparition des leurs ni des démarches entreprises pour les retrouver. Des familles ont informé le FOCODE qu’on leur avait rétorqué, d’un ton de dédain, que les leurs avaient rejoint la rébellion au Rwanda quand elles ont osé poser des questions sur leur disparition forcée. Ensuite, les familles des victimes entrent rapidement dans une période d’insécurité financière dès la disparition des pères de familles. En effet l’armée s’empresse à suspendre la solde de la victime dès le mois suivant sa disparition forcée. Contrairement aux familles des militaires décédés, les familles des disparus ne peuvent pas réclamer l’indemnité de décès (équivalent de la solde brute de quatre mois) ni la pension des survivants puisqu’elles ne peuvent pas prouver le décès des leurs. Enfin, de nombreuses familles des victimes sont traumatisées par les menaces qu’elles continuent à recevoir après la disparition forcée des leurs. Dans la plupart des cas, les auteurs ont peur que les familles parlent aux media ou aux organisations de défense de droits de l’homme et les soumettent à une sorte de surveillance permanente. « Nous savons que tu parles aux malfaiteurs, nous viendrons te corriger», c’est là un exemple d’une menace que reçoit régulièrement une épouse d’un ex-FAB victime d’une disparition forcée.
- Quand elles décident de quitter le Burundi suite aux nombreuses menaces reçues, les familles des victimes se heurtent à des tracasseries administratives quasi-insolubles. On leur demande notamment de fournir l’attestation d’autorisation parentale pour obtenir les documents de voyage des enfants. Il devient alors impossible à ces familles de prouver la disparition ou le décès du père des enfants. Le passage à la PAFE[7] est vécu comme une des étapes les plus angoissantes dans le calvaire des familles des victimes de disparitions forcées.
- Présumés auteurs de la disparition forcée des trois militaires burundais
- Selon l’enquête menée par le FOCODE, les personnes suivantes devraient être poursuivies en première ligne pour clarifier la disparition forcée de l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU, de l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO et du caporal-chef NDEREYIMANA : Adjudant Jean-Bosco AHISHAKIYE, Madame Léa NDAYIZEYE ainsi que les deux AT de Mathias NIYONZIMA alias Kazungu : Abdul et « Commissaire Stany ».
- Prise de position et recommandations
Suite à la disparition forcée le 19 mai 2016 de l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU, de l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO et du caporal-chef NDEREYIMANA, le FOCODE déclare ce qui suit :
- Le FOCODE condamne pour la Nième fois les enlèvements, arrestations illégales et arbitraires des citoyens du Burundi opérés par des forces de sécurité et qui sont suivis par des détentions dans des lieux secrets non communiqués ni par des déclarations publiques ni aux membres des familles des détenus ;
- Le FOCODE condamne le silence et l’indifférence persistants des autorités burundaises après des cas de disparition forcée des membres des corps de défense et de sécurité, et de faire rapidement la lumière sur la disparition forcée de l’adjudant Philibert NDUWAMUNGU, de l’adjudant-major Emmanuel NAHAYO et du caporal-chef NDEREYIMANA le 19 mai 2016 ;
- Le FOCODE demande aux autorités burundaises de mettre fin aux pratiques de disparitions forcées et aux injustices dont sont victimes principalement les militaires et policiers ex-FAB ainsi que certains ex-PMPA et leurs familles taxés d’opposants au troisième mandat du Président Pierre NKURUNZIZA, et de lancer rapidement un audit indépendant sur le respect des équilibres nés de l’Accord d’Arusha et des différents accords ayant conduit à la mise en place de de la FDN, de la PNB et du SNR ;
- Le FOCODE demande la mise en place rapide d’une commission d’enquête internationale sur les violations graves de droits de l’homme au Burundi, y compris les cas de disparitions forcées des membres des corps de défense et de sécurité ;
- Le FOCODE recommande à la Mission d’Experts Indépendants sur le Burundi (UNIIB) d’accorder une attention particulière aux cas de disparitions forcées des éléments de l’armée et de la police burundaises, et au Conseil des Droits de l’Homme de décider, dans sa prochaine session, la nomination d’un Expert Indépendant sur le Burundi qui continuera à suivre la situation des droits de l’homme au Burundi après la présentation du rapport des experts.
Fait à Bujumbura, le 29 juillet 2016
Pour le FOCODE ;
Sé Pacifique NININAHAZWE
Président
[1] https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/burundi/bilan-sanglant-d-un-an-de-presidence-contestee-de-pierre-nkurunziza
[2] https://www.ipadio.com/broadcasts/Radio-BUJUMBURA-Inter/2016/5/22/%C3%89mission-HUMURA-Burundi-du-22-mai-2016
[3] http://www.rpa.bi/index.php/component/k2/item/2404-trois-autres-militaires-issus-des-anciennes-forces-armees-burundaises-enleves-par-le-snr
[4] « Mutama » signifie en kirundi « le vieux », une manière polie utilisée pour désigner des chefs ou de hautes personnalités. Pour les anciens rebelles du CNDD-FDD, ce terme désigne généralement le Président Nkurunziza ou le Général Alain Guillaume Bunyoni qui se nomme lui-même « Mutama 2 » dans son adresse email.
[5] https://twitter.com/pnininahazwe/status/735488371334762496
[6] http://fr.igihe.com/economie-2/buterere-la-fouille-d-une-maison-suspectee-d
[7] Police de l’Air, des Frontières et des Etrangers : la seule institution qui délivre le passeport et les autres documents de voyage au Burundi.