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Burundi: Disparition forcée de Belyse Ntakarutimana

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« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Madame Belyse NTAKARUTIMANA enlevée par des éléments de l’armée le 16 janvier 2016 à son domicile à Mutakura»

FOCODE demande la fin des perquisitions nocturnes des ménages !

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a reçu des informations sur l’enlèvement et la disparition forcée de Madame Belyse NTAKARUTIMANA, une jeune militante du parti MSD enlevée le 16 janvier 2016 à trois heures du matin, après une perquisition nocturne de sa résidence à Mutakura en mairie de Bujumbura, par un groupe de militaires venus de la position établie à la 3ème avenue du même quartier, commandé par le capitaine Prudent Ntezimana.

En plus de la disparition forcée d’une femme, Madame Belyse NTAKARUTIMANA, et ses conséquences sur son enfant, ce dossier NDONDEZA dénonce les travers de la perquisition nocturne des ménages (une pratique abjecte désormais en cours de légalisation) ainsi qu’un processus d’occupation par l’armée des biens mobiliers et immobiliers des citoyens qui ont fui le Burundi ou d’autres victimes de la crise politique née du troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza.

A. Identification de la victime

  1. Fille de Boniface NGENZI et de Sylvie NDAYIMIRIJE, Belyse NTAKARUTIMANA est née en 1984 à Mugongo en Commune de Mugongo-Manga dans la Province de Bujumbura (Rural). Célibataire et mère d’une jeune fille de 7 ans, elle résidait à Mutakura 1ère avenue n° 70, un quartier au Nord de la ville de Bujumbura.
  1. Belyse NTAKARUTIMANA n’avait pas poussé loin sa scolarité, elle avait à peine terminé l’école primaire. Mais elle est décrite comme une jeune femme entreprenante qui se battait courageusement pour faire vivre sa fille qu’elle élevait seule. A Mutakura, elle s’occupait de la vente du charbon de bois pour les ménages (amakara).
  1. Les voisins de Belyse NTAKARUTIMANA à Mutakura parlent d’une femme très dynamique et très sociable. « Nous l’aimions tous. Quand nous n’avions pas de nounou, nous n’avions pas peur en allant au travail le matin : elle pouvait s’occuper de tous les bébés de la parcelle. Les enfants, c’était son bonheur. »

 B. Affiliation et activités politiques de Madame Belyse NTAKARUTIMANA

  1. Belyse NTAKARUTIMANA, une militante très connue du parti MSD (opposition) à Mutakura, avait joué un rôle très actif dans la contestation du troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Dans son parti elle était une animatrice, pendant les manifestations anti-troisième mandat elle a joué le même rôle : elle entonnait des chansons patriotiques avec enthousiasme, elle a animé la manifestation. Il semblerait qu’elle n’avait raté aucun jour de manifestation, ce qui en a fait une cible du régime Nkurunziza. Elle savait qu’elle était recherchée puisqu’à maintes reprises des militaires de la position située à la 3ème avenue de Mutakura étaient venus la chercher à son domicile, mais elle avait jusque-là eu la chance de ne pas se trouver à la maison au moment de leur passage.
  1. Le Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) est l’un des partis politiques de l’opposition burundaise qui se sont activement opposés à la troisième candidature du Président Nkurunziza. Des membres du MSD étaient depuis plusieurs années victimes de la répression par le régime Nkurunziza, cette dernière a pris une tournure quasi-systématique depuis le début des manifestations contre le troisième mandat de Nkurunziza. Plusieurs membres et responsables du MSD comptent parmi les milliers de victimes de la répression.

 C. Contexte de la disparition forcée de Madame Belyse NTAKARUTIMANA

  1. Des semaines avant sa disparition forcée, Belyse NTAKARUTIMANA était très recherchée par l’armée. Son nom aurait été clairement évoqué au cours d’une réunion du Ministre de la Défense Nationale et du Chef d’Etat-Major de l’Armée avec des officiers de Bujumbura le 14 janvier 2016[1] au Mess des officiers. Un des officiers de l’armée burundaise a livré ce témoignage au FOCODE : « Il y avait eu une réunion dirigée par le Ministre de la Défense et le Chef d’Etat-Major Général au Mess des officiers de Bujumbura. Si ma mémoire est bonne, c’était le 14 janvier 2016. Au cours de la réunion, le Lieutenant-Colonel Darius IKURAKURE[2] a accusé les officiers ex-FAB[3] de collaboration avec des rebelles, notamment en les cachant ; il a dit : si ce n’est pas vrai, montrez-moi où se trouve Belyse ! »
  1. Le 16 janvier 2016, aux environs de 3 heures du matin, les voisins de Belyse NTAKARUTIMANA ont été réveillés par le bruit des militaires burundais résidant à la position sise à la 3ème avenue de Mutakura qui toquaient sur la porte de Belyse. Quatre militaires se trouvaient déjà à l’intérieur de la parcelle. Un témoin de la scène raconte : « Nous ne savions pas comment ils s’étaient introduits dans notre parcelle qui était bien fermée et clôturée. Certains continuaient à toquer sur la porte de Belyse et lui demandaient d’ouvrir ; d’autres ont fracassé la fenêtre d’un homme très âgé résidant dans la parcelle, l’ont giflé et lui ont demandé d’aller ouvrir le portail. Il est allé ouvrir et une trentaine d’autres militaires sont entrés dans la parcelle. Ils ont sommé tous les résidents de sortir dehors et de s’assoir par terre. Belyse a ouvert sa maison et elle est sortie en portant sa fillette dans les bras. Des militaires lui ont demandé de lâcher sa fillette, l’ont giflée et l’ont obligé de rentrer dans sa maison pour mieux s’habiller ; ils l’ont accompagnée dans sa chambre. A l’extérieur, nous entendions ses cris : ils l’ont brutalisée et tabassée pendant qu’elle s’habillait. Sa fillette a voulu suivre sa mère et un militaire l’a brutalisée en disant : veux-tu qu’on s’occupe de toi aussi ?  Un résidant de la parcelle a récupéré la fillette sous les menaces des militaires. Vers 3h30, Belyse NTAKARUTIMANA a été emmenée par une partie des militaires tandis qu’une autre a continué la fouille de sa maison. Vers six heures du matin, les militaires ont été remplacés par des policiers qui ont procédé à la fouille de toutes les maisons de la parcelle. Aucune arme n’y a été trouvée. Belyse n’est jamais revenue.»
  1. Le FOCODE a enquêté sur les principaux acteurs de la disparition forcée de Belyse NTAKARUTIMANA. Selon des sources militaires et des témoins, l’opération de l’arrestation de Belyse a été conduite par le Capitaine Prudent NTEZIMANA. Un des voisins aurait osé une question : « où l’amenez-vous ? » ; le Capitaine NTEZIMANA aurait alors répondu : «Ndazi ko mumenyereye kuvuga ko turi abicanyi ; turamujanye kugira enquêtes, azogaruka». Traduction : « Je sais que vous aimez dire que nous sommes des assassins, nous l’emmenons juste pour des enquêtes, elle reviendra ».  Selon une source militaire, après un court moment à la position militaire de la 3ème avenue à Mutakura, Belyse NTAKARUTIMANA a été remise à Feu Lieutenant-Colonel Darius IKURAKURE qui l’a emmenée à une destination jusqu’ici inconnue.
  1. Le capitaine Prudent NTEZIMANA a déjà fait objet d’un autre rapport du FOCODE, dans le cadre de la disparition forcée de l’Adjudant Alexis HAKIZUMUKAMA[4]. Sans être affecté au Camp Muzinda dont dépend la position militaire à la 3ème avenue de Mutakura, le Capitaine NTEZIMANA résidait à la position, recevait directement les ordres du Lieutenant-Colonel Darius IKURAKURE et participait à une chaîne de commandement parallèle des militaires ex-FDD. Originaire de la Commune Mwumba en province de Ngozi (commune d’origine de Pierre Nkurunziza), Prudent NTEZIMANA a intégré l’armée sous la matricule 74593 avant la nouvelle SS 1424 et il est pour le moment dans une formation de 11 mois en Chine depuis novembre 2016. Pourvu de pouvoirs plus importants que ceux de ses supérieures hiérarchiques ex-FAB, le Capitaine NTEZIMANA a été cité dans plusieurs cas de disparitions forcées à Mutakura et Cibitoke.

« Les enquêtes menées par le FOCODE sur le fonctionnement d’une position militaire atypique à la 3ème avenue de Mutakura ont révélé l’existence d’une chaîne de commandement parallèle des ex-FDD au sein de l’armée burundaise. Cette position militaire qui était dans un premier temps logée dans un hôtel privé (Motel KAZE) est actuellement implantée dans une ancienne boulangerie saisie de force par l’armée et transformée en un véritable lieu de torture des opposants. Alors que la position dépendait du Bataillon Génie de Combat du Camp Muzinda, un chef de peloton, Capitaine Prudent NTEZIMANA, a été appelé « en renfort » avec ses éléments sans qu’il soit officiellement affecté au Camp Muzinda. Recevant des ordres directs de feu Lieutenant-colonel Darius IKURAKURE et rapportant directement à ce dernier, le Capitaine Prudent NTEZIMANA a été impliqué dans plusieurs cas d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées. Un système de communication radio a été maintenu entre le Commandant  Bataillon, Darius IKURAKURE, et le Chef de Peloton, Prudent NTEZIMANA, tandis que les talkie- walkie étaient retirés des supérieurs hiérarchiques ex-FAB selon l’enquête menée par le FOCODE. Alors que des arrestations de présumés opposants ont souvent été menées nuitamment par le Capitaine NTEZIMANA, ses supérieurs hiérarchiques ex-FAB n’ont pas eu parfois le droit d’accéder aux détenus enfermés dans des chambres du Motel KAZE ou de la Boulangerie à la 3ème avenue de Mutakura. »[5]

  1. L’enquête menée par le FOCODE a révélé l’implication d’un caporal Tutsi ex-FAB dans la surveillance des mouvements de Belyse NTAKARUTIMANA avant son arrestation. Selon une source militaire, le Caporal MANIRAKIZA a fait la reconnaissance de la résidence de Belyse NTAKARUTIMANA et s’est rassuré qu’elle était là le soir de son arrestation. Selon la même source, le Caporal MANIRAKIZA avait la promesse d’être déployé dans la mission onusienne en République Centrafricaine MINUSCA en guise de récompense. A ce jour, le Caporal MANIRAKIZA est employé au bureau du renseignement (G2) à l’Etat-major général de l’armée burundaise.

D. Calvaire des proches de Belyse NTAKARUTIMANA après sa disparition forcée.

  1. La famille de Belyse NTAKARUTIMANA n’a pas été très visible après sa disparition forcée ; sa mère est trop âgée, son frère trop loin du pays, sa fille trop jeune pour poursuivre le dossier. Des voisins se sont organisés pour tenter de la retrouver dans les différents cachots du pays, mais en vain. Une somme de trois cents mille francs burundais (300.000 FBU) aurait été collectée et remise à un agent du SNR (services secrets) qui promettait de ramener Belyse NTAKARUTIMANA, mais ce fut peine perdue. Le FOCODE n’a pas pu identifier la personne qui aurait reçu cette somme d’argent.
  1. Les voisins de Belyse NTAKARUTIMANA se sont enfin organisés pour sauver sa fille de sept ans. Dans les jours qui ont suivi l’arrestation de sa maman, la fille de Belyse NTAKARUTIMANA questionnait tous les voisins pour savoir quand reviendra sa mère. Par après elle a commencé à manifester des signes de traumatisme : chaque fois qu’elle voyait un militaire, elle courrait se cacher. C’est alors que les voisins ont sollicité un orphelinat de Bujumbura pour l’épargner de revoir les militaires à tout instant.
  1. Aucune institution publique n’a enquêté sur la disparition forcée de Belyse NTAKARUTIMANA.

E. Une pratique inédite de l’armée : appropriation des maisons des exilés ou des disparus pour en faire des positions militaires et des lieux de torture.

  1. Le FOCODE a enquêté sur une position militaire « atypique » sise à la 3ème avenue du Quartier Mutakura de la ville de Bujumbura, citée dans la disparition forcée de Belyse NTAKARUTIMANA et dans plusieurs autres crimes dans cette partie de la ville de Bujumbura. Une position atypique à plus d’un titre : elle est logée dans les locaux d’une boulangerie d’un rwandais exilé ; deux chaînes de commandement y cohabitent ; elle abrite des cachots secrets et des lieux de torture.

 

  1. Selon le témoignage des propriétaires de la parcelle, deux militaires de la 3ème avenue de Mutakura se sont présentés le 08 mai 2016 à la « Boulangerie Shalom » sise à la même avenue, aux numéros 37 et 39. En présence du chef de quartier, ils ont ordonné l’ouverture des portes pour qu’ils visitent toute la parcelle, après ils ont demandé la remise de toutes les clés ce qui n’a pas été accepté. Ils ont également visité la troisième parcelle sise au numéro 44 de la même avenue qui servait de résidence des employés de la boulangerie. Cinq jours plus tard, les maisons des  trois parcelles (Mutakura, 3ème avenue n°37, 39 et 44) ont été occupées de force par les militaires dépendant du Lieutenant-Colonel Dismas SINDAYE[6] alias « Gafuni », commandant du Bataillon Génie de Combat du Camp Muzinda. Les militaires ont dû défoncer les portes des maisons puisque l’occupation s’est déroulée en l’absence des proches du propriétaire dont des élèves qui étaient à l’école et qui n’ont jamais pu récupérer leurs affaires. Tous ces biens occupés de force par l’armée appartenaient à Vianney HAKIZIMANA, un entrepreneur rwandais qui a fui le Burundi depuis la répression des opposants au troisième mandat de Pierre Nkurunziza, une répression qui s’exerce aussi contre les Tutsi d’origine rwandaise. Depuis, les trois immeubles de la « Boulangerie Shalom » abritent la position militaire de la troisième avenue de Mutakura. Certains militaires n’ont même pas hésité à emmener leurs familles (épouses et enfants) à habiter momentanément ce site gigantesque selon des témoins.
  1. Monsieur Vianney HAKIZIMANA a tenté de protester contre l’occupation forcée et illégale de ses biens, mais en vain. Le 06 novembre 2016, il a dénoncé, dans l’émission Humura de la Radio RPA[7], le pillage des éléments de sa boulangerie par les militaires : « J’ai appris que les dynamos des machines à pains ont été vendus au marché de Ruvumera en zone Buyenzi, les platines à pains ont été vendues à d’autres boulangeries. Je ne peux pas dire avec précisions tout ce qu’ils ont déjà vendu, mais je sais qu’ils continuent à tout vendre jusqu’à tout achever. Tout ce que je demande, c’est qu’ils quittent ma maison et qu’ils restituent mes biens qui s’y trouvaient  ».
  1. En plus d’abriter la position militaire, des locaux de la « Boulangerie Shalom » servent de cachots secrets et des lieux de torture. Une double chaîne de commandement a été établie sur la même position : la première, normale, passant par le chef de position, un capitaine ex-FAB ; la deuxième parallèle dont le maillon fort a longtemps été le Capitaine Prudent NTEZIMANA, un chef de peloton ex-FDD dépendant directement du Commandant Bataillon et utilisant un canal radio de police auquel les supérieurs ex-FAB n’ont pas accès. Selon les informations reçues par le FOCODE, les éléments sous le commandement du Capitaine NTEZIMANA ont arrêté beaucoup d’opposants dans les quartiers de Mutakura et Cibitoke, souvent pendant la nuit, dont certains ont disparu après leur détention dans les cachots de cette position militaire. A titre illustratif, l’Adjudant Alexis HAKIZUMUKAMA a disparu après son arrestation dans la nuit du 22 décembre 2015 et sa détention dans un des cachots de la position militaire qui était encore logée au « Motel KAZE »[8]. C’est également le cas de Belyse NTAKARUTIMANA arrêtée dans la nuit du 16 janvier 2016 et disparue après une brève détention sur la même position. Le 15 août 2016, le FOCODE a reçu un renseignement sur trois personnes non identifiées, emmenées ligotées à cette boulangerie aux environs de 16 heures, à bord d’une voiture TOYOTA TI immatriculée 3533 sous la responsabilité du Chef de la Zone Cibitoke d’alors Evode NKESHIMANA (cité dans beaucoup de violations de droits humains à l’époque). Des séances de bastonnade et de torture des trois personnes ont commencé dès l’arrivée d’un nombre important de policiers à bord d’une camionnette non immatriculée et d’un véhicule du SNR. Selon des voisins, pendant les moments de torture, les militaires de la position diffusent de la musique qu’ils font passer par les hauts parleurs de la boulangerie. Les voisins sont souvent gênés par ce tapage bruyant mais qui n’est qu’une couverture de l’horreur. La torture se passerait dans un petit local qui servait naguère de stock des batteries du véhicule de la boulangerie.
  1. Quoiqu’elle ne soit pas encore généralisée, la pratique de l’occupation des biens des exilés ou des victimes de la répression n’est pas une exception de la 3ème avenue de Mutakura. A titre illustratif, l’armée a installé une position militaire à Kinyankonge dans la maison du Capitaine Eddy NDAYISABA arrêté le 29 décembre 2015. De même, la voiture (une Toyota Allion de couleur grise Plaque IA 1878) que conduisait Christa Bénigne IRAKOZE le jour de l’arrestation a été utilisée par la suite par un employé du Service National du Renseignement (SNR). Christa Bénigne IRAKOZE et Eddy NDAYISABA n’ont jamais été retrouvés après leur arrestation par l’armée le 29 décembre 2015[9]. De même, le véhicule du Président de l’UPD-Zigamibanga Zedi FERUZI (une camionnette double cabine Mitsubishi immatriculée AB 5248) reste au SNR (parfois à l’usage de ses agents) depuis son assassinat le 23 mai 2015[10]. Dernier exemple, la maison de Feu Colonel Laurent NDABANEZE saisie par la police en novembre 2015 aurait été transformée en un cachot secret et utilisée dans la torture des jumeaux Bukuru et Butoyi Shabani en décembre 2016[11]. La politique de confiscation des maisons des exilés et de leur transformation en positions militaires ou policières a par ailleurs été publiquement déclarée par le Maire de la ville de Bujumbura Freddy MBONIMPA en février 2016 : « Nous avons demandé aux administratifs d’identifier les maisons inhabitées pour pouvoir connaître les bénéficiaires ou les propriétaires, afin de savoir pourquoi ces maisons ne sont pas utilisées, s’il le faut qu’on puisse les utiliser pour mettre certaines positions militaires ou policières, puisque c’est dans ces maison qu’on trouve souvent des armes cachées. »[12]

Monsieur Freddy MBONIMPA a dû rectifier ses propos à la suite d’un tollé qu’ils avaient suscité dans les media et sur les réseaux sociaux[13].

  1. La pratique de confiscation des biens des exilés et des victimes de la répression est très inquiétante et rappelle des pratiques similaires après la crise de 1972. Les autorités burundaises devraient s’abstenir des pratiques aussi abjectes et aussi graves.

F. Les dangers et les abus de la perquisition nocturne des ménages.

  1. Le code de procédure pénale encore en vigueur au Burundi n’autorise pas la perquisition nocturne. L’article 88 de la Loi n°1/01 du 03 avril 2013 portant révision du Code de Procédure Pénale stipule que : Les visites des lieux et les perquisitions ne peuvent avoir lieu avant six heures et après dix-huit heures. Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas en cas de flagrance ou de menace grave à l’intégrité physique des personnes.[14]
  1. Le 16 janvier 2016, la maison de Belyse NTAKARUTIMANA a été perquisitionnée aux environs de trois heures du matin et elle a été arrêtée aux mêmes heures. Selon des témoins, elle a été violentée par des militaires dans sa chambre. Aucun mandat de perquisition, aucun mandat d’arrêt ne lui a été présenté et aucun rapport de perquisition n’a été dressé à la fin. Depuis son arrestation par des militaires bien identifiables, elle n’a jamais été retrouvée.
  1. Avant et après Belyse NTAKARUTIMANA, nombre d’autres citoyens ont été soumis à la perquisition nocturne par des éléments de la police, de l’armée, du Service National de Renseignement ou de la milice Imbonerakure. La perquisition nocturne a souvent donné lieu aux violences sur les résidents des parcelles, aux sévices sexuels sur les femmes et aux vols des objets de valeur. Les arrestations nocturnes consécutives aux perquisitions nocturnes sont parfois des préludes à la disparition forcée. A titre d’exemple, l’enquête du FOCODE sur la disparition forcée du policier Alexis MANIRAKIZA a évoqué la perquisition nocturne des habitations sis au quartier Cibitoke, 13ème avenue n°51 le 26 décembre 2015 ; une perquisition qui aura donné lieu aux sévices sexuels sur des femmes, aux vols des objets de valeur et l’arrestation de tous les hommes. Deux semaines plus tard, le policier Alexis MANIRAKIZA a été enlevé pour éviter qu’il témoigne de la scène du 26 décembre 2015.
  1. Les autorités burundaises ont adopté, dans le Conseil des Ministres du 16 mai 2017, un projet de révision du Code de Procédure Pénale autorisant cette fois-ci la perquisition nocturne. Cette réforme sera donc une forme de légalisation de violations graves de droits humains.

G. Prise de position et recommandations du FOCODE

  1. Le FOCODE condamne la disparition forcée de Madame Belyse NTAKARUTIMANA, militante du parti MSD, après son arrestation nocturne et illégale par des éléments de l’armée nationale bien identifiés le 16 janvier 2016 à Mutakura ;
  2. Le FOCODE demande la traduction en justice du Capitaine Prudent NTEZIMANA, du Caporal MANIRAKIZA (employé au bureau G2 à l’EMG/FDNB) et de tous ceux qui ont joué un rôle dans la disparition forcée de Madame Belyse NTAKARUTIMANA ;
  3. Le FOCODE condamne la pratique illégale des perquisitions nocturnes des ménages et demande aux autorités burundaises de stopper le processus en cours de révision du Code de Procédure Pénale qui légalise des violations graves de droits humains ;
  4. Le FOCODE condamne l’occupation militaire de la « Boulangerie Shalom » à Mutakura et, de manière générale, la réquisition ou la confiscation des propriétés des exilés ou d’autres victimes de la répression pour y installer des positions militaires ainsi que celle d’autres biens des victimes par des services ou des éléments des services de sécurité ;
  5. Le FOCODE condamne l’indifférence des pouvoirs publics depuis la disparition forcée de Madame Belyse NTAKARUTIMANA ainsi que la persistance des cas de détention secrète des opposants au troisième mandat du Président Pierre NKURUNZIZA ;
  6. Le FOCODE demande aux autorités burundaises de mettre urgemment en place des mesures protégeant les femmes contre des sévices sexuels durant les perquisitions de leurs maisons et pendant la détention ;
  7. Le FOCODE attire l’attention de la Commission d’Enquête sur le Burundi (COI-Burundi) sur les sévices sexuels commis par les éléments des services de sécurité durant les perquisitions des ménages des opposants, sur la gravité de la perquisition nocturne et sur la confiscation des biens des exilés et des victimes de la répression par des éléments des services de sécurité ;
  8. Le FOCODE demande à la Cour Pénale Internationale l’ouverture sans délais de l’enquête sur les crimes sous sa compétence en cours au Burundi et d’accorder une attention particulière aux crimes graves commis contre les femmes dont des cas de viols, de disparitions forcées, d’exécutions extra-judiciaires et d’assassinats politiques ;
  9. Le FOCODE exprime sa déception après le récent sommet de la Communauté Est-Africaine, rejette la demande faite à l’Union Européenne de lever les sanctions liées à l’article 96 de l’Accord de Cotonou, et demande aux Nations-Unies et à l’Union Africaine de s’impliquer davantage dans la résolution de la crise née de la troisième candidature du Président NKURUNZIZA.                                                                                                  

                                                                                                                          Pour le FOCODE,

                                                                                                                      Pacifique NININAHAZWE

                                                                                                                                    Président.-

[1] La source n’est pas sûre de la date de la réunion.

[2] Lieutenant-Colonel Darius Ikurakure était alors commandant du Bataillon Génie de Combat du Camp Muzinda. Dans le cadre de la répression de la contestation du troisième mandat de Pierre Nkurunziza, il était chargé de superviser les opérations dans les quartiers nord de Bujumbura. Son nom a été cité dans de nombreux crimes d’assassinats, exécutions extrajudiciaires, enlèvements et disparitions forcées dans ces quartiers, avant son mystérieux assassinat en mars 2016 à l’Etat-major général de l’armée burundaise.

[3] Ex-FAB désigne les éléments de l’armée provenant de l’ancienne armée à dominance Tutsi tandis que ceux provenant des anciens mouvements rebelles à dominance Hutu sont appelés ex-PMPA

[4] Disparition forcée de l’Adjudant Alexis Hakizumukama, http://ndondeza.org/disparition-adjudant-alexis-hakizumukama/

[5] Idem

[6] Dismas SINDAYE a remplacé Darius IKURAKURE après l’assassinat de ce dernier en mars 2016.

[7] Humura du 06 novembre 2016 en Kirundi, https://www.ipadio.com/broadcasts/Radio-BUJUMBURA-Inter/2016/11/6/Emission-HUMURA-Burundi-du-6-novembre-2016

[8] Disparition forcée de l’Adjudant Alexis Hakizumukama, http://ndondeza.org/disparition-adjudant-alexis-hakizumukama/

[9] Disparition forcée de Christa Bénigne IRAKOZE et d’Eddy NDAYISABA, http://ndondeza.org/la-disparition-et-lexecution-de-madame-christa-benigne-irakoze-et-de-monsieur-eddy-claude-ndabaneze/

[10] Assassinat de Zedi Feruzi : rapport du FOCODE, https://www.focode.org/assassinat-de-zedi-feruzi-rapport-focode/

[11] Disparition forcée des jumeaux Bukuru et Butoyi Shabani, http://ndondeza.org/la-disparition-forcee-des-jumeaux-bukuru-shabani-et-butoyi-shabani/

[12] Bujumbura : toutes les maisons inhabitées seront transformées en positions militaires et policières http://infosgrandslacs.info/productions/bujumbura-toutes-les-maisons-inhabitees-seront-transformees-en-positions-militaires-et

[13] Burundi: polémique au sujet des maisons inoccupées de Bujumbura http://www.rfi.fr/afrique/20160218-burundi-polemique-requisition-maisons-inhabitees-freddy-mbonimpa

[14] http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/fr/bi/bi018fr.pdf