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Disparition forcée d’Alexis Nihorimbere, Valentin Habiyakare et Adelin Bizimana

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DECLARATION DU FOCODE n°025/2017  du 29 septembre 2017

 

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Messieurs Alexis NIHORIMBERE, Valentin HABIYAKARE et Adelin BIZIMANA enlevés par la Police le 29 décembre 2015 au centre-ville de Gitega ».

Burundi : Disparitions forcées au palais présidentiel ?

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a reçu des informations et des témoignages sur la disparition forcée de Messieurs  Alexis NIHORIMBERE, sous-officier de la Force de Défense Nationale du Burundi (FDN), de  Adelin BIZIMANA, policier chargé de la Logistique au Commissariat Régional de Police à Gitega et de Valentin HABIYAKARE, ancien agent de la Police Nationale du Burundi (PNB) et ex-FAB révoqué puis reconverti dans le commerce, introuvables depuis leur arrestation par des éléments de l’Unité de police « Appui à la Protection des Institutions » (API) affectés à la garde présidentielle et des policiers du Commissariat régional de Gitega, le soir du 29 décembre 2015, à la première avenue du quartier Nyamugari (quartier communément appelé SWAHILI), tout près de l’ancien parking des bus au centre-ville de Gitega. Les trois cas sont traités conjointement pour la simple raison que les trois victimes ont été arrêtées ensemble et ont probablement connu le même sort.

Cette triple disparition forcée souligne l’existence d’un escadron de la mort au sein de la garde présidentielle et l’existence de lieux de détention secrets dans les palais du Président Pierre NKURUNZIZA. Les trois victimes ont en effet été arrêtées par une équipe de policiers conduits par un caporal tout puissant de la garde présidentielle, APC Claude NIJIMBERE alias « Matwi », cité dans plusieurs dossiers d’assassinats, de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires ou de viols des femmes. En dépit de son grade équivalent de caporal dans l’armée, l’APC Claude NIJIMBERE dispose des pouvoirs les plus étendus d’arrestation des gens dans tous les coins du Burundi et dispose lui-même d’une garde importante et de moyens matériels que lui envient des officiers ou même des commandants d’unités. Il appartiendrait à un petit noyau de policiers étroitement liés à Pierre NKURUNZIZA qui seraient chargés du renseignement au palais présidentiel. Les trois victimes ont en commun d’être des Tutsi et d’être issues des anciennes Forces Armées Burundaises, ex-FAB, et de l’ex-rébellion du FNL d’Agathon Rwasa ; deux origines qui en font des cibles privilégiées de la répression en cours depuis l’échec de la tentative de putsch du 13 mai 2015.

Comme dans d’autres cas similaires, les autorités de l’armée et de la police burundaises ont gardé le silence, la police et la justice sont restées inactives. Les familles vivent dans la peur et aucune information ne leur a été fournie officiellement. Fort étonnant, le crime a été commis alors que le Président NKURUNZIZA se trouvait à Gitega pour une croisade de prière organisée par la famille présidentielle dans la commune de Gishubi dans la dernière semaine de décembre 2015. Il est fort probable que les victimes ont été amenées au palais de Gitega en présence de Pierre NKURUNZIZA avant leur probable exécution au palais même.

A. Identification des victimes

A.1. Alexis NIHORIMBERE

  1. Fils d’Apollinaire KADENDE et de Léocadie NIBIZI, Alexis NIHORIMBERE est né en 1985 sur la colline Munini de la commune Mugamba en province de Bururi. Veuf, il a laissé un très petit garçon issu du mariage avec son épouse décédée en couches quelques mois seulement avant cette triple disparition forcée. Alexis NIHORIMBERE a laissé également deux autres enfants qu’il avait eus avant son mariage : un garçon de 13 ans et une fille de 8 ans. Sa famille résidait au quartier de Nyabiharage dans la ville de Gitega.
  1. Sous-officier de la Force de Défense Nationale du Burundi, Alexis NIHORIMBERE était affecté au Département Logistique de l’Etat-major général de l’armée. Il s’était d’abord enrôlé dans la rébellion du Front National de Libération (FNL) d’Agathon RWASA après avoir décroché son diplôme des humanités générales au Lycée Saint-Luc de Bujumbura. Il avait ensuite intégré l’armée burundaise après la signature d’un accord de cessez-le-feu entre ce dernier mouvement rebelle et le gouvernement de Pierre NKURUNZIZA en 2008. Il a disparu alors qu’il s’apprêtait à retourner dans la mission de maintien de la paix en Somalie.

A.2. Valentin HABIYAKARE

  1. Fils de NYANDWI et MUKANDUTIYE, Valentin HABIYAKARE est né en 1984 sur la colline Muyange en commune Bugabira de la province Kirundo au nord du Burundi. Il était marié et père de deux enfants. Après un passage dans l’armée et la police burundaises s’occupait d’un petit commerce. Il résidait avec sa famille dans la ville de Gitega au moment de sa disparition forcée.
  1. Valentin HABIYAKARE avait été révoqué de la Police Nationale du Burundi en 2014 après une condamnation par le tribunal de Grande instance de Kirundo. D’après ses proches, il avait été accusé injustement de vols de motocyclettes alors qu’en réalité il aurait été victime de l’intervention qu’il avait menée en 2014 pour protéger des militants du parti FRODEBU-NYAKURI contre des attaques des miliciens Imbonerakure du parti CNDD-FDD au pouvoir dans la commune Bugabira en province de Kirundo. Avant d’intégrer la Police Nationale du Burundi, Valentin HABIYAKARE avait fait partie des anciennes Forces Armées Burundaises (ex-FAB).

A.3. Adelin BIZIMANA

 

  1. Adelin BIZIMANA est le nom de la troisième victime de la triple disparition forcée du 29 décembre 2015 à Gitega. Le FOCODE dispose de très peu d’informations sur son identité. Policier chargé de la Logistique au Commissariat régional de la police à Gitega, Adelin BIZIMANA est un ami d’enfance d’Alexis NIHORIMBERE. Il était lui aussi originaire de la colline Munini en commune Mugamba de la province Bururi.

B. Circonstances de cette triple disparition forcée.

  1. Le mardi 29 décembre 2015 avait été une journée normale dans la ville de Gitega. Un événement devenu anodin pour les humbles citoyens animait les conversations : une croisade d’évangélisation de fin d’année que le Président NKURUNZIZA tenait en commune Gishubi[1], au sud-ouest de la province Gitega, ce qui faisait craindre des barricades de la soirée au moment de rentrer dans son palais situé sur la colline Bwoga de la ville de Gitega (Centre du pays).
  1. Ayant bénéficié d’un congé pour célébrer la fête du nouvel an en famille, Alexis NIHORIMBERE est arrivé à Gitega en provenance de Bujumbura le soir du 29 décembre 2015 à bord d’un bus de transport en commun de l’agence dite MEMENTO. Deux de ses amis, Adelin BIZIMANA et Valentin HABIYAKARE, tous résidents dans la ville de Gitega, l’attendaient tout près du parking d’alors, à la première avenue du quartier NYAMUGARI. Ils étaient à bord d’une voiture TOYOTA, type STARLET de couleur rouge, portant le numéro d’immatriculation D5393A. La voiture qui était à ce moment conduite par Valentin HABIYAKARE appartenait en réalité à un autre policier, ami des trois disparus, appelé Jean NSABIMANA. Le policier Jean NSABIMANA était particulièrement suivi, il avait récemment fait objet de mutations punitives successives du commissariat de Ngozi au commissariat de Gitega, puis de Gitega au commissariat de Mwaro. Sa faute, selon ses proches, était d’avoir manifesté de la joie au moment de la tentative de coup d’Etat du 13 mai 2015, ce qui lui a valu une surveillance notamment par le Commissaire de la région centre Thaddée BIRUTEGUSA.
  1. Arrivé à Gitega vers 19 heures (GMT+2), Alexis NIHORIMBERE a rejoint ses amis, et les trois compagnons ont monté à bord de la voiture Toyota Starlet. Alors qu’il s’apprêtait à démarrer, le trio a été intercepté par un pick-up de la police avec des agents de l’API à son bord conduits par l’APC Claude NIJIMBERE alias « MATWI », un agent de la garde présidentielle cité par plusieurs sources dans des crimes de disparitions forcées, d’assassinats et de viols. Après une fouille minutieuse, les trois compagnons d’infortune ont été embarqués sans ménagement à l’arrière dudit pick-up et ils ont été couverts d’une bâche.
  1. Selon plusieurs sources contactées par le FOCODE, Alexis NIHORIMBERE, Adelin BIZIMANA et Valentin HABIYAKARE ont été directement conduits au palais présidentiel de Gitega où ils auraient subi un interrogatoire musclé sur un hypothétique projet d’attentat contre le président Pierre NKURUNZIZA. Au moment de son arrestation, Alexis NIHORIMBERE a pu écrire un message d’adieu à un de ses proches pour signaler qu’ils venaient d’être arrêtés par des policiers à bord d’un pick-up de l’API et qu’il ne savait pas pour quelle raison. Une source a indiqué au FOCODE que les trois victimes auraient été exécutées et enterrées dans une fosse commune qui se trouverait au palais présidentiel de Gitega.
  1. La voiture TOYOTA STARLET de couleur rouge immatriculée D5393A a été laissée sur place au moment de l’arrestation de ses trois occupants. Selon des témoins, elle a été récupérée par un policier environ une heure après. Elle sera retrouvée le lendemain, complètement calcinée à côté du pont de la Ruvubu sur la Route Nationale n°12 reliant les provinces de Gitega et Karusi, au niveau des communes Shombo et Giheta. Des témoins affirment qu’aucun corps n’a été retrouvé brulé dans le véhicule.
  1. Selon une enquête de la radio publique africaine RPA, le lendemain soir, une révélation de taille a étayé plus ou moins les faits : un policier utilisé dans la filature des trois disparus, aurait raconté dans un bar l’enlèvement, l’exécution et l’enterrement des trois victimes. “Le crime laisse toujours une trace, explique notre source: « après cette assassinat, le nommé Nicaise qui était chargé de la filature de ces trois personnes s’est enivré dans un bistrot. Il a commencé à raconter comment elles ont été tuées, disant également qu’il y en a d’autres qui  seront tués dans un proche avenir. Le lendemain, le commissaire Birutegusa Thaddée a pris une décision urgente de le muter vers Bujumbura, probablement pour le cacher ». Notre source ajoute que la camionnette qui avait transporté les victimes a été vue dans les enceintes du palais durant la nuit à des heures avancées : « la camionnette contenait une bâche et était couverte de boue. Ce qui peut impliquer même la présidence de la République dans ce crime » ajoute notre source. Les témoins de ce triple assassinat ajoutent également qu’à bord de la camionnette utilisée  pour ce crime se trouvait aussi un certain Claude, un agent de la garde présidentielle, cité dans plusieurs exécutions extra-judiciaires dans les provinces de Gitega et Karusi. Ce qui inquiète nos sources, « c’est le silence complice des autorités administratives et policières à Gitega sur la disparition forcée de ces trois membres des forces de défense et de sécurité »[2].
  1. L’article de la RPA a également évoqué les préparatifs de ce crime par un groupe de policiers de Gitega. Au moment des préparatifs, la cible principale aurait été le policier Jean NSABIMANA du commissariat de Mwaro, propriétaire de la voiture incendiée. “Selon toujours notre source, une réunion de préparation de ce crime avait été organisée ce même mardi à 15 heures. Le coordinateur principal était le Commissaire Birutegusa Thaddée, chef de la police région centre du pays.  D’autres policiers qui participaient dans cette réunion de planification sont notamment ont pu être identifiés : Ndihokubwayo Célestin, un sous-officier Logistique du Commissariat de la Région Centre ; Audace alias ‘’Makado’’, un sous-officier de corps du Commissariat de Gitega : Mathias Rivuze, chargé du renseignement au Commissariat de police de la Région Centre ; Manirambona Nicaise un policier de la Région Centre ; Nderagakura surnommé Mwarabu du Service logistique au commissariat de Gitega ; Thierry surnommé ‘’Mbaka’’ qui est le chauffeur du Commissaire Provincial de police et un certain Stany de la garde présidentielle.  Cette réunion préparait aussi l’assassinat d’un autre policier du nom de Nsabimana Jean affecté au commissariat de Mwaro. « Ils n’ont pas pu l’avoir car le commissaire provincial de Mwaro leur a répondu par téléphone que le concerné n’était pas disponible en ce moment » nous indique notre source qui ajoute que c’est le commissaire de la police Région Centre, Birutegusa Thaddée qui l’avait contacté en personne.”[3]

C. Démarches entreprises par les familles pour retrouver les victimes

  1. Compte tenu de l’implication du palais présidentiel, du moins de sa garde, les familles des victimes et les différentes autorités de Gitega ont eu peur de travailler sur ce dossier de triple disparition forcée. Une situation d’autant plus étonnante que les victimes ont été enlevées en présence de plusieurs témoins au parking de Gitega. Dès le lendemain, surtout après la découverte de la voiture calcinée tout près du pont sur la Ruvubu, des proches et des frères d’armes des disparus ont minutieusement scruté les rivages de la Ruvubu mais ils n’ont rien trouvé. Aucun corps enfoui ou flottant n’a été observé.
  1. La famille de Valentin HABIYAKARE aurait demandé à l’Archevêque catholique de Gitega de l’aider dans les recherches. Le prélat aurait demandé une audience auprès du gouverneur de Gitega pour lui soumettre le cas, mais aussitôt que ce dernier a eu écho de l’objet de la visite de l’Archevêque, aurait décidé de ne pas accorder l’audience. En réalité toutes les autorités de Gitega avaient peur de toucher un dossier qui impliquait le palais présidentiel.
  1. Des proches des victimes auraient enfin approché des membres de la mission d’observation de l’Union Africaine pour qu’ils aident dans la vérification sur l’existence des sites suspectés. La mission a révélé aux familles que l’accès aux sites suspectés lui avait été refusé.
  1. Les familles des victimes vivent depuis dans la peur et ne veulent plus s’exprimer sur le cas. Elles pensent que le silence pourra les sauver des représailles éventuelles.

D. Présumés auteurs de la triple disparition forcée

D.1. Caporal Claude NIJIMBERE, un bourreau au palais présidentiel

 

  1. Selon tous les témoignages sur l’enlèvement des trois victimes au parking de Gitega, l’équipe des policiers auteur du kidnapping était à bord d’un pick-up de l’API et conduite par l’APC Claude NIJIMBERE alias « Matwi ». Le nom est très connu et fait effroi. Ce caporal de la police nationale attachée à la garde présidentielle serait très proche de Pierre NKURUNZIZA. Avec son alter ego Brigadier Jonas NDABIRINDE (souvent cité dans de nombreux crimes de sang), ils auraient un accès direct et à tout moment au président. Le caporal a été cité dans de nombreux crimes dont les plus importants sont l’assassinat de Zedi FERUZI, président du parti de l’opposition UPD-Zigamibanga en mai 2015 et l’assassinat de la famille du journaliste Christophe NKEZABAHIZI en octobre 2015. Après l’attaque des camps militaires dans la matinée du 11 décembre 2015, il aurait installé une arme mitrailleuse sur le toit de la maison qu’il occupait dans le quartier de Kigobe en mairie de Bujumbura et aurait tiré des balles en direction de Nyakabiga. La villa qu’il occupait, propriété d’un ancien chef du protocole à l’Assemblée Nationale, aurait également servi de lieu de toutes sortes de torture et de viols de jeunes filles. Le caporal se distingue par sa mégalomanie, des tenues inconnues de l’armée et de la police burundaises, des moyens financiers importants et des moyens matériels que lui envient même des commandants d’unités. Il disposerait également d’une garde rapprochée de six policiers et d’un pick-up pour ses déplacements. En dépit du nombre élevé et de la gravité des crimes dans lesquels son nom a été cité, le caporal Claude NIJIMBERE n’a jamais été appelé à s’expliquer devant une quelconque instance judiciaire. Le blog Imboneza a évoqué le cas de ce « tout puissant » caporal plus puissant après un témoignage poignant d’une jeune fille qui affirmait avoir été violé par trois policiers pendant trois jours dans la résidence qu’occupait le Caporal NIJIMBERE.

Il est caporal, dans la police on dit APC. Son surnom est très connu: “Matwi” (les oreilles). Officiellement, c’est un simple agent de la police nationale (Matricule 03214) affecté à l’API (Appui à la Protection des Institutions) ou la version police de la garde présidentielle. Mais ce n’est pas qu’un caporal. A sa disposition, il a, du moins jusque très récemment, une camionnette pick-up et une garde d’au-moins six policiers. Parfois aussi, une moto et une voiture TI partagés avec des membres d’une équipe constitué en véritable escadron de la mort. Jusque très récemment, il avait loué une belle villa au chic quartier de Kigobe, non loin des bureaux de l’ANSS. Une aisance matérielle et financière, surtout une puissance, que lui envient des officiers. Il est également craint: son nom a été cité dans de nombreux crimes d’assassinats, de disparitions forcées, d’exécutions extra-judiciaires. Particulièrement dans l’assassinat de Zedi Feruzi et de la famille du journaliste Christophe Nkezabahizi. Son seul alter ego, dans le crime et dans la proximité avec Pierre Nkurunziza, s’appelle BPP1 Jonas Ndabirinde (Matricule BPN 1503). (…)

Le 08 mars 2017, nous avons été nombreux à être bouleversés par le témoignage de A.N., une jeune fille dont le père a été enlevé de chez lui, par des policiers, le 17 décembre 2015 à 19h30 et n’a jamais été retrouvé. Deux mois plus tard, le soir du 06 février 2016 alors qu’elle rentrait des cours du soir, la fille a été enlevée à son tour par les même policiers qui l’ont droguée et violée pendant trois jours. Violée par trois policiers pendant trois jours tout en apprenant qu’elle allait mourir comme son père. Jetée dans la rue et laissée pour morte, elle a été reconnue par un taximan qui l’a ramenée à la maison le 09 février 2016. Traumatisée, réfugiée et soignée au Rwanda, A.N. a mis au monde un enfant issu de ce viol.

” ils étaient trois policiers, mais un d’eux était en uniforme et les deux autres en tenues civiles. Ils nous ont commandé d’ouvrir la porte, faute de quoi ils allaient ouvrir le feu. Ma mère ne voulait pas ouvrir, mais mon père nous a ordonné d’ouvrir pour éviter la mort de ses enfants. Ils nous ont dit qu’ils cherchaient mon père et qu’ils le ramèneraient…. Ma mère a tenté de résister, mais en vain. Ils l’ont amené et il n’est jamais revenu. (…)

C’est en février [2016] qu’on m’a enlevée à mon tour en rentrant de l’école. J’étudiais en 9ème année [c’est-à-dire trois ans après l’école primaire]. Après la disparition de mon père, nous avions déménagé à la 10ème avenue de Buyenzi. Alors que je rentrais de l’étude du soir et que j’essayais de traverser la route au niveau du Foyer [de la Charité], j’ai vu une camionnette stopper devant moi et j’ai essayé de la contourner par derrière, on m’a rattrapée et enlevée. Ils m’ont mise dans la camionnette et m’ont bandé les yeux. Arrivés dans leur maison, ils m’ont enlevé le bandeau et ils ont enlevé leurs cagoules. J’ai reconnu le quartier, c’était à Kigobe, près de l’endroit où les séropositifs récupèrent leurs médicaments [ANSS]. Ils se sont drogués, ils m’ont fait boire de l’alcool et m’ont fait des piqûres avec une seringue. (…) Ils m’ont violée pendant trois jours dans cette maison, chacun à son tour. J’ai pu reconnaitre un des trois, celui qui avait arrêté mon père. En me violant, il disait qu’il voulait que je retrouve mon père dans la tombe, c’est à ce moment que j’ai su que mon papa était mort. (…) Ils m’ont violée jusqu’à ce je perde connaissance. Je ne sais pas comment je suis retournée à la maison (…). Quand j’ai repris conscience, ma mère venait de me ramener de l’hôpital. Puis, nous avons fui en province, parce que ma mère était recherchée à son tour. (…) Ma mère s’est arrangée pour me trouver discrètement des documents de voyage et je me suis enfuie au Rwanda. (…) Dès que je suis arrivée ici, j’ai raconté mon histoire au HCR et aux organisations de droits de l’homme. Ils m’ont amenée au centre de dépistage: je n’avais pas le SIDA, mais j’étais enceinte.”
Témoignage à retrouver sur https://www.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=l-wsuzrjJAA&app=desktop

Qui est le père de cet enfant? Est-ce le “tout puissant” Caporal Claude Nijimbere? Est-ce l’APC Samson Nzohabonimana qui promettait à la victime de retrouver son père dans la tombe? Est-ce le troisième policier dont nous n’avons pas encore le nom?
Entretemps, Caporal Claude Nijimbere continue à gambader gaillardement au palais de Nkurunziza, sous des airs de Rambo, parfois dans cette tenue inconnue de l’armée et de la police burundaise. Parce qu’il appartient à une autre armée parallèle, celle où les grades militaires n’ont aucun sens, là où compte seulement la fidelité à Nkurunziza et la férocité dans le crime. Oui s’il est caporal dans la police nationale, il est probablement général dans l’escadron de la mort au service de Pierre Nkurunziza. Jusque quand?[4]

D.2. OPC1 Thaddée BIRUTEGUSA, commissaire régional de la police à Gitega

  1. Le récit sur la disparition forcée cite également le nom de l’OPC1 Thaddée BIRUTEGUSA, Commissaire régional de la police à Gitega qui aurait coordonnée les préparatifs de l’opération ayant abouti à la disparition forcée des trois victimes. Le FOCODE n’a pas reçu de preuves sur cette implication du commissaire général mais reste intrigué, tout au moins, par le silence et l’inaction d’un commissaire qui aura perdu dans l’opération un des policiers attachés à la logistique de son bureau. Une instance indépendante devrait organiser l’audition du commissaire régional et de ceux qui sont cités dans ce dossier.

E. Prise de position et recommandations

  1. Le FOCODE condamne pour la Nième fois les enlèvements, arrestations illégales et arbitraires des citoyens du Burundi opérés par des forces de sécurité et qui sont suivis par des détentions dans des lieux secrets non communiqués ni par des déclarations publiques ni aux membres des familles des détenus, tout ce calvaire étant suivi de disparitions forcées des victimes ;
  2. Le FOCODE condamne la disparition forcée de Messieurs Alexis NIHORIMBERE, Adelin BIZIMANA et Valentin HABIYAKARE le 29 décembre 2015 ainsi que le silence et l’indifférence persistants des autorités burundaises après des cas de disparition forcée des membres des corps de défense et de sécurité ;
  3. Le FOCODE demande la traduction en justice de l’APC Claude NIJIMBERE alias « Matwi », élément de la garde présidentiel, de l’OPC1 Thaddée BIRUTEGUSA, commissaire régional de la police et de tous les policiers cités dans la disparition forcée de Messieurs Alexis NIHORIMBERE, Adelin BIZIMANA et Valentin HABIYAKARE ;
  4. Le FOCODE demande une enquête indépendante sur la triple disparition forcée du 29 décembre 2015 et la vérification du palais présidentiel de Gitega quant à l’existence en son sein d’une fosse commune ;
  5. Le FOCODE salue le renouvellement du mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi et demande à tous les partenaires du Burundi de tirer les conséquences qui s’imposent de la gravité des crimes constatés dans le rapport de la Commission et qui seraient l’œuvre d’agents de l’Etat ;
  6. Le FOCODE demande à la Cour Pénale Internationale l’ouverture sans délais de l’enquête sur les crimes contre l’humanité en cours au Burundi depuis avril 2015 et de lancer des poursuites contre leurs auteurs ;
  7. Le FOCODE demande la rétrogradation effective de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) au regard de ses positions visant à soustraire des poursuites de la CPI les auteurs de violations graves de droits humains au Burundi ;
  8. Le FOCODE demande la prise de nouvelles sanctions (restrictions sur les visas et gel des avoirs) contre les hautes personnalités du pays, des corps de sécurité et du parti CNDD-FDD, épinglées par le rapport de la Commission indépendante d’enquête sur le Burundi comme les commanditaires des violations graves des droits humains au Burundi à travers une chaîne de commandement parallèle.                                                                                                                                                 

[1] Chaque année, Pierre Nkurunziza organise au moins deux semaines de croisades d’évangélisation, une en août une autre en décembre, dans lesquelles lui-même et son épouse deviennent des prédicateurs.

[2] Trois personnes assassinées à Gitega après enlèvement par des policiers de la garde présidentielle,  http://www.rpa.bi/index.php/component/k2/item/2056-trois-personnes-assassinees-a-gitega-apres-enlevement-par-des-policiers-de-la-garde-presidentielle

[3] Trois personnes assassinées à Gitega après enlèvement par des policiers de la garde présidentielle,  http://www.rpa.bi/index.php/component/k2/item/2056-trois-personnes-assassinees-a-gitega-apres-enlevement-par-des-policiers-de-la-garde-presidentielle

[4] APC Claude Nijimbere, un « tout puissant » caporal au service de Nkurunziza, http://imboneza.blogspot.be/2017/03/apc-claude-nijimbere-un-tout-puissant.html