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Disparition forcée d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA, un milicien Imbonerakure

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DECLARATION DU FOCODE n° 20/2017 du 28 juillet 2017

 

« Les autorités burundaises doivent faire la lumière sur la disparition forcée de Monsieur Aimé-Aloys MANIRAKIZA alias Musaga, milicien Imbonerakure enlevé par la police le 25 mai 2017 à Kanyosha. »

Burundi : Les disparitions forcées se poursuivent en 2017 !

Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages sur l’enlèvement suivi de la disparition forcée de Monsieur Aimé-Aloys MANIRAKIZA, un membre de la Ligue des Jeunes du Parti CNDD-FDD au pouvoir, plus connu sous le pseudonyme de « Aimé ARAKAZA alias Musaga ». Ce milicien Imbonerakure était, jusqu’au moment de sa disparition forcée, le bras droit du Major Pascal MINANI, Commandant du Bataillon Support de la Première Région Militaire dit « Camp Muha », dans la répression des opposants au troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA dans la zone urbaine de Musaga, au sud de la Ville de Bujumbura. Aimé-Aloys MANIRAKIZA est introuvable depuis son arrestation le 25 mai 2017 par des collègues Imbonerakure sur une barrière municipale qu’ils tenaient à Kanyosha ; il aurait été remis à un policier de la garde présidentielle, BPP1 Jonas NDABIRINDE.

Aimé-Aloys MANIRAKIZA a été arrêté avec son ami Eddy UWIMANA, un ancien jeune opposant au troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA, reconverti dans la milice Imbonerakure en février 2016.

Ce dossier de la campagne NDONDEZA revêt un caractère très particulier. Si les victimes (Aimé-Aloys MANIRAKIZA et Eddy UWIMANA) sont de la composante ethnique Tutsi comme la majorité des victimes de disparitions forcées déjà recensées, elles faisaient également partie de la milice Imbonerakure à la trousse des opposants au troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA. Les deux noms ont été particulièrement cités dans la répression féroce des jeunes de la zone urbaine de Musaga. Leur arrestation a fait suite à un assassinat de leurs trois collègues Imbonerakure le 17 mai 2017 à Musaga, elle sera également suivie de l’incarcération du reste de leurs collègues. Une situation confuse qui fait penser à un plan d’élimination des témoins gênants des crimes de la répression. Comme dans les autres cas de disparition forcée, les organes de l’Etat sont muets et inactifs sur ce dossier.

A. Identité de la victime

  1. De son vrai nom Aimé-Aloys MANIRAKIZA, le surnommé « MUSAGA» (nom de son quartier natal) est plus connu sous le pseudonyme de Aimé ARAKAZA. Fils de Nicolas NDAYIHEREJE et d’Espérance KARERWA, il est né en 1977 à Gasekebuye dans la zone urbaine de Musaga, au sud de la ville de Bujumbura. Sa mère est originaire de la commune de Rutovu dans la province de Bururi ce qui crée parfois une confusion sur l’origine d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA, certains la situant à Musaga, d’autres à Rutovu. Aimé-Aloys MANIRAKIZA est marié et père de deux (2) enfants en bas-âge (un garçon de cinq ans et une fille de trois ans). Il habitait le quartier Busoro de la zone urbaine de Kanyosha au moment de sa disparition forcée.
  1. Autant que son nom et son origine, la profession d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA est difficilement identifiable. A 19 ans, il avait rejoint les Forces Armées Burundaises au moment fort de la guerre civile et avait ensuite été démobilisé à sa demande en 2005 après la fusion des ex-FAB (majoritairement tutsi, ancienne armée) et des ex-PMPA (majoritairement hutu, anciens mouvements rebelles). Profitant d’une formation en administration de soins infirmiers qu’il aurait reçue dans l’armée, il s’est converti dans une contrebande des médicaments. C’est à ce titre qu’il s’est lié avec la rébellion du Major Aloys NZABAMPEMA[1] à laquelle il fournissait des médicaments et dont il assurait les soins infirmiers des militaires. Pour échapper à la terrible répression contre les membres du FNL entre 2010 et 2012, Aimé-Aloys MANIRAKIZA a adhéré en 2011 au mouvement des Imbonerakure, la jeunesse du parti au pouvoir CNDD-FDD. Il sera alors employé comme un agent de la lutte anti-fraude sur des barrières de contrôle du trafic des marchandises, à Gatumba puis à Musaga. Parallèlement à cette fonction, il faisait partie des rabatteurs sur les parkings de Musaga.   En réalité, les deux fonctions d’agent anti-fraude sur une barrière de Musaga et de rabatteur sur le parking de Musaga lui permettaient de mieux assurer la plus importante : celle d’informateur du Service National de Renseignement (SNR).

B. Milicien IMBONERAKURE, Informateur du SNR, Bourreau de Musaga

  1. Entré dans la jeunesse Imbonerakure du CNDD-FDD en 2011 pour sauver sa peau et sa contrebande des médicaments, Aimé-Aloys MANIRAKIZA a été rapidement recruté par le Service National de Renseignement pour surveiller les membres du FNL auxquels il était déjà lié. Un poste d’observateur anti-fraude sur la barrière de contrôle du mouvement des marchandises lui a été accordé à Gatumba pour couvrir sa mission d’observer des mouvements suspects vers l’Est de la République Démocratique du Congo. La contestation populaire de la troisième candidature de Pierre NKURUNZIZA en violation de la Constitution de l’Accord d’Arusha a donné à Aimé-Aloys MANIRAKIZA une nouvelle opportunité. En tant que natif et bien connaisseur de la zone urbaine de Musaga, un des principaux bastions de la contestation, Aimé-Aloys MANIRAKIZA est devenu du jour au lendemain un maillot important de la chaîne de répression qui se met en place. En guise de couverture de sa mission, il a été affecté à la barrière municipale de Musaga, toujours comme observateur anti-fraude, avant d’être parallèlement admis comme rabatteur au parking de Musaga. Dans sa mission de surveillance et de traque des opposants au troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA, il rapportait directement au Major Pascal MINANI alias Mababa, Commandant du Bataillon Support de la Première Région Militaire, officier chargé de coordonner la répression dans les quartiers sud de la ville de Bujumbura[2]. Selon plusieurs sources dont des proches, Aimé-Aloys MANIRAKIZA a en outre collaboré étroitement avec le Maire de la Ville de Bujumbura Freddy MBONIMPA et le député Lewis NIYONGABO, tous originaires de la zone urbaine de Musaga et considérés comme ses amis. Les avis sont unanimes : Aimé-Aloys MANIRAKIZA a joué un rôle décisif dans l’identification et la répression des natifs et résidents de la zone Musaga opposés au troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA.
  1. En février 2016, Aimé-Aloys MANIRAKIZA a fait un grand succès en décrochant la reddition d’un virulent manifestant de Musaga converti plus tard dans une sorte de rébellion naissante : son ami Eddy UWIMANA. Le 16 février 2016, la police a exhibé devant la presse un groupe de cinq jeunes dits combattants qui avaient décidé de se rendre ainsi qu’un arsenal composé d’un fusil de type Mi-Kalachnikov, un lance-roquette, sept fusils de type Kalachnikov avec 28 chargeurs et trois grenades défensives. Ce groupe était composé des jeunes Eddy UWIMANA, Joli MUNEZERO, Fabrice NSABIYUMVA, Eloge SIBOMANA et Olivier NDIHOKUBWAYO. Eddy UWIMANA, alors chef de la bande, a déclaré à la presse: «On n’en peut plus, on est fatigué. On était traqué et recherché partout par la police. On n’avait nulle part où se cacher. Nos chefs nous racontaient au téléphone que ça sera bientôt fini qu’on sera récompensé, mais on ne les a jamais vus»[3]
  1. La reddition du groupe d’Eddy UWIMANA a été une aubaine pour la machine de la répression à Musaga. Plusieurs caches d’armes ont été révélées à Aimé-Aloys MANIRAKIZA qui en informait immédiatement le Major Pascal MINANI et qui à son tour organisait la perquisition des endroits indiqués. Le groupe a fourni plusieurs noms de présumés rebelles de Musaga, dont certains ont été enlevés par la suite, torturés et tués. Selon une source au SNR, ces informateurs n’ont pas de salaires mensuels réguliers, ils sont payés au cas par cas. Une certaine somme d’argent est débloquée chaque fois qu’une cache d’arme est découverte ou chaque fois qu’un présumé rebelle est arrêté. C’est un système très dangereux qui favorise plutôt la délation. L’envie de gagner plus d’argent amène les informateurs à inventer des histoires sur des innocents qui malheureusement n’ont aucune possibilité de se justifier en bonne et due forme, l’interrogatoire se faisant sous torture.
  2. Combien de jeunes et d’opposants sont-ils devenus des victimes du couple Aimé- Aloys MANIRAKIZA et Eddy UWIMANA ? Il est impossible de répondre à cette question, leurs noms ayant été cités dans plusieurs cas. Toutefois, en dépit de cette implication totale dans la répression, des sources ont indiqué au FOCODE que certains Imbonerakure ne voyaient pas de bon œil la présence d’Eddy UWIMANA parmi eux. Ils lui en voulaient pour des attaques qu’il aurait menées contre des Imbonerakure quand il était encore en « rébellion ». Une source a indiqué qu’Aimé-Aloys MANIRAKIZA se serait opposé à plusieurs reprises à l’ordre de tuer ou de piéger son ami Eddy UWIMANA. A cette divergence s’ajouteront des jalousies entre les Imbonerakure de Musaga quant à la proximité avec des autorités ainsi que des malentendus sur le partage du butin des pillages, des rançons, de la corruption et des fraudes. Finalement, Aimé-Aloys et Eddy  seront enlevés ensemble et probablement tués ensemble selon les diverses sources.

C. Contexte de la disparition forcée d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA

  1. La journée du 25 mai 2017 avait commencé comme à l’accoutumée, Aimé-Aloys MANIRAKIZA était à son service à la barrière municipale de Musaga. Dans l’après-midi, il a reçu un appel de son ami Eddy UWIMANA qui lui demandait de le rejoindre à la barrière municipale de Kanyosha normalement tenue par les Imbonerakure Samson MANIRAMBONA et Pascal MINANI alias « MABIYA ». Quelques temps plus tôt, Eddy UWIMANA avait été appelé par le surnommé « MABIYA » pour se rendre à la barrière de Kanyosha où une « mission urgente » l’attendait. A son arrivée, il lui aurait été demandé d’appeler Aimé-Aloys MANIRAKIZA parce que la prétendue mission devrait être commune.
  1. Selon les informations reçues par le FOCODE, dès l’arrivée de « Musaga », Eddy et Aimé-Aloys ont été saisis et ligotés par leurs collègues Imbonerakure et remis à un brigadier de la police de protection des institutions (API), BPP1 Jonas NDABIRINDE dont la camionnette était stationnée tout près de la barrière municipale. Les deux Imbonerakure auraient été conduits immédiatement à Ngagara quartier 9, au siège de l’API. Les mêmes sources indiquent qu’ils auraient été torturés et exécutés dans la nuit du 25 au 26 mai 2017. L’ordre d’exécution serait venu d’une haute personnalité du cabinet de Pierre NKURUNZIZA.
  1. Les différentes sources ne sont pas unanimes sur le sort des corps après cette probable exécution extra-judiciaire des deux miliciens Imbonerakure. Une première version rapporte que leurs cadavres auraient été jetés par les agents du SNR dans un grand ravin situé à l’est de la zone urbaine de Kanyosha au pied des contreforts des Mirwa, près d’un endroit appelé communément « Kwa SEBATUTSI ». Une deuxième version indique que les cadavres auraient été incinérés, ce qui constituerait une triste nouveauté du régime dans la tactique d’effacement des traces des crimes dont il se rend coupable depuis avril 2015.
  1. Le FOCODE n’est pas en mesure de confirmer l’exécution des deux miliciens Imbonerakure ni le sort de leurs corps. Une enquête indépendante s’impose sur le sort d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA et d’Eddy UWIMANA après leur arrestation le 25 mai 2017 à Kanyosha.

D. Calvaire de la famille d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA et silence des autorités.

  1. La famille d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA vit dans la peur et la tourmente depuis le 25 mai 2017. En l’espace de deux mois, l’épouse et les enfants de la victime ont changé de logis au moins trois fois, fuyant des éléments de la milice Imbonerakure et des agents du SNR à leur trousse. L’épouse recevrait régulièrement des appels des miliciens Imbonerakure qui chercheraient à la localiser et craindrait d’être tuée à son tour. Aucun organe de l’Etat n’a proposé de la protection à cette famille en danger.
  1. Des proches d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA ont tout tenté pour trouver le lieu de détention de la victime, mais en vain. Des réseaux sociaux ont commencé à évoquer la détention d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA sous le pseudonyme d’Aimé ARAKAZA alias Musaga le 31 mai 2017. Un message qui semblait provenir de la famille de la victime  a été largement circulé le 1er juin 2017 : il annonçait que la victime était détenue par le policier Jonas NDABIRINDE dans une cave à Ngagara quartier 9 et suppliait le Président de la République d’avoir pitié de ces jeunes qui se sont sacrifiés pour lui. « La famille d’Aimé Arakaza alias Musaga lance cette alerte pour que son fils ne se fasse pas disparaitre ou assassiner sur base de soupçons sans fondement. La famille demande aux organisations des droits de l’homme pour qu’elles plaident pour lui : il est en effet détenu dans une cave à Ngagara quartier 9. La famille demande à Jonas, policier de la garde présidentielle de ne pas oser verser le sang de Musaga puisque nous savons que c’est lui qui le détient. Nous supplions le Président de la République d’avoir pitié et de se souvenir de ces jeunes qui se sont sacrifiés pour préserver la paix et qui ont porté loin ses messages… »
  1. Les familles d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA et d’Eddy UWIMANA ont sillonné les différents lieux de détention officiels mais n’ont trouvé aucune moindre trace des leurs. Elles se sont confiées aux anciens amis de la ligue des jeunes Imbonerakure et du SNR pour étendre la recherche dans les prisons secrètes mais là aussi il n’y avait aucune trace. Au début du mois de juin 2017, deux cadavres enchainés ont été découverts sur la plage du lac Tanganyika à Rumonge. Les familles des deux Imbonerakure disparus n’ont pas osé s’y rendre mais elles y ont envoyé une personne pour bien vérifier s’il ne s’agissait pas des cadavres de « MUSAGA » et Eddy. La personne envoyée a rapporté que les deux corps étaient plutôt ceux de deux frères enlevés à Mabanda en province Makamba. Dès le 04 juin 2017, un deuxième message Whatsapp qui semblait émaner de la famille de la victime annonçait que les proches avaient la confirmation que les deux Imbonerakure n’étaient plus en vie. Le message annonçait que, pour des raisons de sécurité, le deuil serait organisé chez le  grand-père maternel de « Musaga » à Rutovu. En effet, il était impossible d’organiser le deuil dans sa propre famille. Le FOCODE n’est pas en mesure de confirmer cette information.
  1. Comme dans la plupart d’autres cas de disparitions forcées, les autorités burundaises ont gardé le silence sur la disparition forcée d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA et d’Eddy UWIMANA. Les responsables de la milice Imbonerukure  et ceux du parti CNDD-FDD n’ont jamais annoncé, déploré ou condamné la disparition de leurs deux membres, pourtant très actifs à Musaga. Les prétendus amis et partenaires d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA dans la répression de Musaga et des quartiers sud de la ville, en l’occurrence le Major Pascal MINANI, le Maire Freddy MBONIMPA et le député Lewis NIYONGABO ont unanimement gardé le silence. La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme, CNIDH, n’a rien déclaré sur cette disparition.
  1. Le journal IWACU a interrogé plusieurs autorités de l’Etat et du parti sur cette double disparition, leurs réponses sont très décevantes : « Pierre Nkurikiye, porte-parole de la police, demande aux familles de le signaler à la police ou à l’administration. «C’est la procédure normale. Nous travaillons sur plainte.» Antoine Rumenyetso, chef de zone Musaga, indique qu’il n’est pas au courant de cette affaire. «Aucun chef de quartier n’est venu me signaler ces disparitions.» Benjamin Ndagijimana, secrétaire du parti Cndd-Fdd en Mairie de Bujumbura, fait savoir qu’il n’est pas au courant de ces disparitions. «Je ne peux pas connaître tous les militants du parti. Je connais seulement le cas des trois Imbonerakure qui ont été tués. Mais je vais me renseigner.» Iwacu a essayé, en vain, de joindre le chef du parti au pouvoir en commune Muha.»[4]

E. Plan d’élimination des témoins gênants ?

  1. Une semaine avant la disparition forcée d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA, une grenade a tué trois miliciens Imbonerakure le soir du 17 mai 2017 dans le quartier de Gikoto dans la zone urbaine de Musaga. Les victimes étant d’origine ethnique hutu, une rumeur a rapidement circulé sur les réseaux sociaux que les trois Imbonerakure avaient été tués par leurs collègues tutsi Aimé-Aloys MANIRAKIZA et Eddy UWIMANA. Le matin, une grave altercation avait opposé les trois miliciens assassinés et le reste des leaders des Imbonerakure à Musaga à propos du partage du butin de leurs rackets et du trafic illicite de carburant. Les proches d’Aimé-Aloys MANIRAKIZA ont confié au FOCODE qu’au moment de l’attaque des trois miliciens, Aimé-Aloys se trouvait dans un bistrot tout près de chez lui à Kanyosha, des noms de témoins qui partageaient le verre avec lui ont été fournis. La grenade a emporté la vie de Cédric KWIZERA, Audifax NDAYIZEYE et Ligan HARERIMANA, trois noms de triste mémoire à Musaga.

  1. Une semaine après l’assassinat des trois Imbonerakure, leurs deux collègues Aimé-Aloys MANIRAKIZA et Eddy UWIMANA ont été enlevés par la police et sont introuvables depuis le 25 mai 2017. Un peu plus d’un mois plus tard, deux Imbonerakure qui auraient été utilisés dans toutes ces opérations, Samson MANIRAMBONA et Pascal MINANI alias MABIYA ont été arrêtés et conduits à la Prison Centrale de Mpimba le 13 juillet 2017. Ils avaient comparu devant le parquet, sans souliers, et auraient tenté d’implorer le secours de hautes autorités sans succès. Un troisième milicien surnommé « MAIZE » est en cavale et pour le moment ardemment recherché[5]. « Jeudi 13 Juillet 2017, on était au Parquet pour les soutenir à leur audition. Ils ne portaient pas de chaussures et on est resté là dans l’attente qu’ils soient libérés », ajoute notre source membre de la ligue Imbonerakure. Ayant pris conscience des lourdes charges retenues contre eux, le groupe des cinq imbonerakure aurait tenté de contacter certaines autorités, mais sans effet. « Le juge les a conseillés de convaincre une des plus hautes autorités du pays afin qu’elle autorise à les relâcher, ce qu’ils ont d’ailleurs fait mais ils ont été étonnés que personne ne décroche à leur appel. C’est là que Mabiya et Samson ont compris que leurs chefs les avaient lâchés », indique notre source. Vers 17 heures, ils ont tous été embarqués à bord d’un véhicule de police à destination de la prison centrale de Mpimba. Les chefs d’accusation retenus contre eux sont « assassinat » des cinq imbonerakure et l’attaque à la grenade au parking des bus à Musaga où deux rabatteurs ont succombé à l’attaque qui a fait également douze blessés. »
  1. Ces pratiques d’arrestation, de disparition ou d’assassinat des miliciens Imbonerakure utilisés dans des crimes ne sont pas des nouveautés. Le 23 avril 2017, le corps étranglé de Lambert BITANGIMANA a été découvert en province Muyinga au nord-est du Burundi. La veille il avait été logé dans un hôtel de Ngozi par un officier de la garde présidentielle tandis que tout au long de la semaine il avait été utilisé dans le processus de disparition forcée de l’homme d’affaires et ancien parlementaire Oscar NTASANO introuvable depuis le 20 avril 2017. Lambert BITANGIMANA, milicien Imbonerakure et informateur du SNR, avait particulièrement servi les services secrets burundais dans la traque des opposants burundais au Kenya et en Ouganda. Son corps n’a jamais été remis à la famille. Recherchée par le SNR, son épouse a fui le Burundi le 27 avril 2017[6]. De même Abel AHISHAKIYE, jeune Imbonerakure de Muramvya utilisé dans la disparition forcée du journaliste Jean BIGIRIMANA le 22 juillet 2016, a été enlevé le 11 août 2016 par un véhicule du SNR et reste introuvable depuis[7]. Le dernier exemple est de Famili NGENDAKURIYO, un Imbonerakure et informateur du SNR de la zone urbaine de Kinama. Il s’était fait remarquer durant les manifestations pacifiques contre le troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA, en tenue militaire en train de tirer sur des manifestants. Le 03 août 2015, il a tiré à bout portant sur le président de l’APRODH, Monsieur Pierre-Claver MBONIMPA. Menacé de mort à son tour, il avait fait appel à Pierre-Claver MBONIMPA qui se trouvait encore sur son lit d’hôpital en Belgique. Le 30 septembre 2015, Famili NGENDAKURIYO a été abattu par balles et la police s’est contenté d’un tweet pour l’annoncer[8]. Pour tous ces cas, la justice n’a pas agi et les familles vivent dans la peur.
  1. Des informations recueillies par le FOCODE indiquent que beaucoup d’autres miliciens Imbonerakure auraient été exécutés après la commission des crimes auxquels ils avaient été associés ou tout simplement après avoir enterré des victimes des crimes commis par des agents du SNR ou d’autres corps de défense et de sécurité. Ces exécutions seraient motivées par le souci des autorités burundaises d’effacer les traces ou les témoins des crimes qui leur sont imputables. Tous ces faits méritent une enquête indépendante et minutieuse.

F. Prise de position du FOCODE et recommandations.

  1. Le FOCODE condamne l’enlèvement suivi de la disparition forcée du milicien Imbonerakure Aimé-Aloys MANIRAKIZA alias MUSAGA dans l’après-midi du 25 mai 2017 à Kanyosha au sud de la Ville de Bujumbura ;
  1. Le FOCODE demande une enquête indépendante sur les nombreux crimes de répression sur la population de la zone urbaine de Musaga, impliquant des miliciens et commis sous la coordination du Major Pascal MINANI alias MABABA ;
  1. Le FOCODE demande une enquête indépendante sur la disparition forcée de Monsieur Aimé-Aloys MANIRAKIZA alias MUSAGA et demande la traduction en justice du Brigadier Jonas NDABIRINDE, policier de la garde présidentielle cité dans de nombreux crimes graves ;
  1. Le FOCODE condamne les pratiques criminelles, en toute impunité, des miliciens IMBONERAKURE et demande la dissolution de cette milice ;
  1. Le FOCODE condamne le silence complice ainsi que l’inaction de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) et s’insurge contre la position de cette Commission contre l’ouverture des enquêtes de la CPI alors que les juridictions burundaises sont complètement impuissantes à juger les crimes en cours au Burundi ;
  2. Le FOCODE réitère son soutien au travail de la Commission d’Enquête sur le Burundi mise en place par le Conseil des Droits de l’Homme ;
  1. Le FOCODE réitère enfin sa demande à la Cour Pénale Internationale de l’ouverture sans délais de l’enquête sur tous les crimes sous sa compétence en cours au Burundi et de l’engagement des poursuites contre leurs auteurs.

                                                                                                                                                 Pour le FOCODE,

                                                                                                                                        Sé Pacifique NININAHAZWE

                                                                                                                                                          Président

[1] Le Major Aloys NZABAMPEMA est un ancien officier des FNL d’Agathon RWASA (Forces Nationales de Libération). Alors qu’il avait intégré l’Etat-major général de l’armée burundaise, il a fait défection après la contestation des élections générales de 2010 et organise depuis une rébellion à l’Est de la République Démocratique du congo.

[2] Dans le cadre de la répression de la contestation, la ville de Bujumbura a été officieusement divisée en trois zones placées sous l’autorité de trois officiers de l’armée ou de la police. La partie sud de la ville, comprenant essentiellement les zones urbaines de Musaga et Kanyosha, a été placée sous l’autorité du Major Pascal Mababa qui se rendra responsable de plusieurs actes d’enlèvement, d’arrestations arbitraires, de torture, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires d’opposants ou de présumés opposants.

[3] 5 jeunes qui se disent rebelles jettent l’éponge et se rendent à la Police, http://www.iwacu-burundi.org/5-jeunes-qui-se-disent-rebelles-jettent-leponge-et-se-rendent-a-la-police/

[4] Zone Musaga : flou autour d’une disparition, http://www.iwacu-burundi.org/zone-musaga-flou-autour-dune-disparition/

[5] Musaga : le parti de l’aigle lâche cinq Imbonerakure responsables de plusieurs assassinats de leurs camarades, http://www.rpa.bi/index.php/2011-08-15-07-10-58/societe/item/3899-musaga-le-parti-de-l-aigle-lache-cinq-imbonerakure-responsables-de-plusieurs-assassinats-de-leurs-camarades

[6] http://imboneza.blogspot.com/2017/04/le-meurtre-de-lambert-bitangimana.html

[7] Le principal suspect dans la disparition du journaliste Jean Bigirimana à son tour enlevé, http://www.rpa.bi/index.php/component/k2/item/2658-le-principal-suspect-dans-la-disparition-du-journaliste-jean-bigirimana-a-son-tour-enleve

[8] https://twitter.com/PierreNkurikiye/status/649493353868980225